«Ce qui s'est passé en Egypte est regrettable.» L'ancien international et fierté du football malien, Salif Keita, que nous avons rencontré à Bamako, revient avec nous dans cet entretien sur les chances de l'Algérie et son pays le Mali, qui sont dans le même groupe du premier tour de la CAN, ainsi que le retour de l'Algérie sur la scène footballistique et sa qualification au Mondial. Le premier Ballon d'Or africain pense que les chances de passer le premier tour pour les Algériens sont intactes, il suffit seulement d'y croire. * Tout d'abord, c'est un honneur pour nous de vous rencontrer, et nous vous transmettons les salutations du peuple algérien… Non, non, tout l'honneur est pour moi. Et je salue tous le peuple algérien qui, je suis persuadé, vit toujours la joie de la qualification au Mondial. Je souhaite à l'occasion une bonne fête de l'Aïd à tous les Algériens et le monde musulman. * Que pensez-vous du tirage au sort de la CAN qui a mis l'Algérie et le Mali dans le même groupe ? C'est un groupe très difficile puisque le pays organisateur y figure. Et dans toutes les compétitions, le groupe qui renferme la sélection du pays organisateur n'a jamais été facile. Même en Coupe du monde, les équipes qui sont tombées sur l'Afrique du Sud ne seront pas tranquilles. En plus de l'Angola, figure un Mondialiste (l'Algérie) dans notre groupe, qui s'est qualifié aux dépens du double champion d'Afrique. Le Malawi est une équipe à prendre au sérieux, qui jouera sans complexe et n'a rien à perdre dans cette compétition. * Vous allez affronter l'Angola, le pays organisateur, en match d'ouverture ; cela constitue-t-il un avantage pour vous ? Je crois que c'est une arme à double tranchant. Le pays organisateur ne se présentera pas en victime certes, il essayera de débuter en force la compétition, d'autant plus qu'il sera soutenu par des milliers de supporters. Cela ne veut nullement dire que l'Angola ne subira pas de pression qui pourrait lui jouer un mauvais tour. Comme je vous l'ai dit, c'est une arme à double tranchant. * Il semblerait qu'on ait oublié complètement de prendre en considération le Malawi. Ne pensez-vous pas que ce serait une erreur ? Non, je viens de mettre en garde contre cette équipe que personnellement je ne connais pas. Je suis au courant qu'il a terminé troisième dans le groupe de la Côte d'Ivoire et a éliminé la Guinée dans les premiers tours. C'est la raison pour laquelle on doit se méfier et prendre toutes les précautions nécessaires. * Comment voyez-vous le match entre l'Algérie et le Mali ? C'est un match très difficile. Nous allons avoir affaire à une équipe qui s'est qualifiée au Mondial après avoir remporté son match d'appui au Soudan, dont lequel elle a prouvé son mérite pour aller en Afrique du Sud. L'Algérie possède une bonne équipe avec une majorité de joueurs professionnels. Idem pour le Mali. Ce sera donc du 50/50 pour chaque équipe. * L'entraîneur Claude Le Roy pense que le Mali finira premier du groupe ; que pensez-vous ? Le Roy est un fin connaisseur du football africain, et ce qu'il dit est réaliste, et ses dires me font plaisir. Mais la réalité du terrain est autre chose. Chacun sera appelé à démontrer ses capacités et de quoi est-il capable pour faire plaisir à ses supporters en associant résultat et spectacle, car il ne sert à rien de montrer un bon niveau et ne pas passer au deuxième tour. * Revenons à l'Algérie ; avez-vous suivi son parcours en éliminatoires, et croyez-vous qu'elle mérite sa qualification ? Je crois que toutes les équipes qui se sont qualifiées le méritent bien. L'Algérie a connu une période difficile que ce soit en football ou en dehors, et nous avons failli l'oublier. Vous vous êtes préparés dans une discrétion totale, et après une absence dans les deux dernières éditions de la CAN, l'Algérie a créé la surprise en se qualifiant même en Coupe du monde. D'ailleurs, on ne peut parler de surprise, puisque la qualification ne s'est pas jouée en un match ou deux, mais après 13 rencontres. * Avez-vous suivi les matchs de l'Algérie ? Non, je n'ai pas vu les matchs, mais je regardais régulièrement des séquences des rencontres des Verts, comme c'est le cas pour les deux dernières manches contre l'Egypte. J'ai regardé un long reportage de la rencontre disputée à Khartoum. * Que pensez-vous des incidents du Caire où le bus transportant les joueurs algériens a été attaqué à coups de pierres ? Je dirai une chose : ce qui s'est passé est regrettable. * Comment voyez-vous les chances de l'Algérie en Coupe du monde ? L'Algérie a souffert pour décrocher son billet, je ne crois pas que les joueurs vont se lâcher dans les prochains matchs, car ce sont des minutes historiques qu'ils vont jouer. Il y a des joueurs de classe mondiale qui n'ont joué aucune minute dans la plus prestigieuse des compétitions. Les joueurs algériens sont conscients de cette situation et feront de leur possible pour attirer l'attention du monde. Et je souhaite de tout cœur un bon parcours pour l'Algérie. Je leur dirai qu'ils doivent croire en leurs chances, leur qualification n'est ni un cadeau ni le fruit du hasard, ils l'ont bien méritée. * Vous attendiez-vous à ce que l'Algérie soit qualifiée en Coupe du monde ? Franchement non, j'ai misé beaucoup plus sur l'Egypte, à l'instar de tout ceux qui connaissent le football africain. * Pour quelles raisons ? Tout simplement parce que l'Egypte est le champion d'Afrique qui possède une grande équipe. Leurs clubs sont aussi présents en force dans les différentes compétitions africaines. Par contre, l'Algérie s'est éclipsée dernièrement du football africain et son nom n'est évoqué que grâce à certains joueurs professionnels évoluant en Europe. * Quels sont les joueurs algériens qui ont attiré votre attention ? J'apprécie beaucoup Ziani que j'ai suivi lorsqu'il jouait à Marseille. Il m'impressionne, c'est un joueur qui a beaucoup gagné en expérience en Afrique, ce qui lui manquait avant. Saïfi est un joueur doué également, il me plaît, ainsi que le gardien qui a joué le match d'appui au Soudan (Chaouchi, ndlr). * Connaissez-vous le sélectionneur algérien Saâdane ? Je ne le connais pas. * C'est un entraîneur local qui a contribué à la qualification de l'Algérie au Mondial cette fois et bien avant. C'est aussi une bonne nouvelle d'avoir des capacités pareilles en Algérie et dans d'autres pays africains. * Le président de la Fédération algérienne de football, Raouraoua, a joué un rôle important dans la qualification, le connaissez-vous ? Ce nom ne m'est pas étranger, voulez-vous me donner plus de détails sur lui. * Il est derrière l'amendement des règlements de la FIFA concernant les joueurs de double nationalité… (Il sourit.) Oui, je l'ai reconnu. C'est une bonne chose. Il a fait ça pour sauver le football algérien et le football africain, qui est le plus bénéficiaire de cette décision. * Les Algériens ont bénéficié des services de certains joueurs qui ont contribué à la qualification, est-ce le cas pour le Mali ? Je disais que cette décision est tombée à pic, et si vous vous êtes qualifiés, c'est que ces joueurs ont apporté un plus. Idem pour le Mali, cette décision est en notre faveur aussi. * Parlons de votre centre de formation, qui reste votre fierté, n'est-ce pas ? Une fierté pas seulement pour moi, mais pour tous les Maliens, voire les Africains. * Plusieurs joueurs sont sortis de ce centre de formation, vous devez avoir une recette magique ? De grands joueurs ont été formés ici, ils sont dans les meilleurs clubs du monde actuellement, et nous sommes fiers d'être derrière leur réussite. Mais s'ils ont réussi, c'est parce qu'ils ont un certain niveau et un don, qui ont poussé plusieurs équipes européennes à leur faire confiance. Il n'y a aucune recette magique, c'est le travail et le sérieux qui payent. * Le centre bénéficie-t-il d'aides de l'Etat ? De quelles aides vous parler ? Il n'y a aucune aide, et si je ne vends pas un joueur à un club européen, je ne peux rien faire. * Vos joueurs empochent-ils de l'argent lorsqu'ils signent des contrats avec vous ? Non, le rêve de beaucoup de Maliens est d'intégrer le centre qui leur ouvre de grandes perspectives. * Vous avez une équipe qui porte le nom du centre et qui évolue en première division ; les joueurs sont-ils rémunérés ou pas ? Ils perçoivent des sommes modestes, comme les autres joueurs du Mali. * Que diriez-vous à la fin pour le peuple algérien ? Je dis aux Algériens que je suis très content pour eux après la qualification des Verts au Mondial après une longue absence. Mais en Coupe d'Afrique, ils doivent oublier la première place. Idem pour les Angolais. J'espère que le retour de l'Algérie parmi le gotha du football africain ne sera pas éphémère, car sa place est toujours dans le sommet, comme c'était le cas lors des années 80. Entretien réalisé par Nedjmou S.