C'est une star mondiale, un monstre sacré, un grand maître, une légende vivante qui s'est produit mercredi soir à l'esplanade de Riadh El Feth. Ce n'est autre que le pionnier de la world music (musique du monde), celui dont le nom sonne et résonne, Salif Keita. Le griot albinos malien, le fou chantant et sautant. Le concert de Salif Keita, à ne pas confondre avec un ancien joueur de football malien, était un événement musical en Algérie. Et pour cause ! Salif Keita était de retour en Algérie après une absence qui aura duré... 24 ans. Son dernier concert à Alger, c'était en juillet 1985, lors du fameux Festival de la jeunesse où il avait figuré au sein d'un casting de rêve : Ira Kére, Eddie Palmieri, Jorge Ben, Raïna Raï, Mory Kanté, Alpha Blondy, Touré Kunda, T34, Azzeddine Tebibel, Tagrawla, Kassav, King Sunny Adu, ou encore Touré Kunda. Flash-back ! Salif Keita, alors plus jeune, avait marqué les annales avec son guitariste Ousmane Kouyaté. Ainsi, c'est une foule numériquement massive, un stade à l'ambiance « footballistique » qui s'est déplacé très tôt pour l'acclamer. Et qui a été chauffé et surchauffé à blanc par un certain Mohamed Allaoua qui a créé une ambiance du tonnerre, sans démesure aucune. On l'avait sous-estimé ! Allaoua a montré et démontré qu'il pouvait drainer les foules si les décideurs culturels lui laissaient l'occasion en d'autres circonstances (en temps normal). Il suffisait de rien ! Allaoua défendra les couleurs de l'équipe nationale de football de par Allo Tricity et A Baba Cheikh. Une thamaghra (fête en kabyle), quoi ! Mais sa performance fut, malheureusement, brève. Il laissera un goût d'inachevé ! Cependant, ce n'est que partie remise ! C'est que nous vivons un avènement de concerts en plein air aux quatre coins de la capitale et de l'Algérie. Mais celui qui attisera le feu de la passion et de l'action, c'est Salif Keita. Chef spirituel, d'une grande, ostentatoire et éloquente sagesse, il fera une entrée magistrale. Il s'agenouillera devant cette foule immense. Une déférence, un salut et un respect à l'endroit d'un public l'accueillant avec ferveur et bien sûr bonheur. Aussi, Salif Keita, retiendra la nuit à bonne étoile, avec le précieux concours d'une formation d'envergure, un big-band. Ces noctambules, désormais festivaliers du Panaf' 2009 par excellence, seront hypnotisés, envoûtés et « habités » par « l'esprit blanc » à l'âme soul de l'albinos Salif Keita. Il communiquera et transmettra sa transe au public par « imposition » de ses mains, sa voix magique de stentor mandingue et son corps... à kora. C'est que Salif Keita est aérien et céleste. Sur scène, il est en lévitation. Un je ne sais quoi d'angélique dans sa prestance ! C'est l'aura d'un griot supernatural, comme dirait Carlos Santana. Sa potion magique ? Son talisman ? Un remède homéopathique musicalement parlant. Un « grigri » de bon augure. Un « guérisseur » ayant « prescrit » une bonne dose de good vibes( bonnes vibrations) : Mama, en hommage à sa fille, Laban, Yambo, Yambo, Calculer, Ladji, Sunmun, Anaa Ming, Mandjou ou encore Madan. Un périple malien, africain, panafricain allant de Bamako à Abidjan en passant par New York, Paris et immanquablement par Alger. Car adopté par le public algérien ! Des fans de la première heure et ceux de la nouvelle génération découvrant sa notoriété en live. Observant des haltes d'une grande mélomanie. Une partition et autre tablature alliant afro-beat très cher à Fella Kuti, afro-pop, sa trouvaille – car féru de pop britannique –, afro-rock, jazz et surtout funk. Oui, c'est un « funk soul brother » comme dirait le célèbre DJ british Fat Boy Slim. Pour nous, Salif Keita est notre « funk soul father » (le père de la funk et soul afro) ! C'est que Salif chante, conte et raconte avec son âme, ses tripes et tous ses sens et sensations. Un crooner ayant un côté groove nous rappelant le regretté James Brown, le Godfather (le parrain de la soul). Un fou chantant, sautant et sautillant, méditant, arpentant, tournant, virevoltant ou s'immobilisant, se concentrant et entrant en transe. C'est que ce « petit vieux » jure avec la gérontologie. Salif est toujours aussi alerte, vif et vert ! Et puis en guise de remerciements à l'endroit du public, il réplique aux ovations frénétiques par une sorte de salut militaire. A l'issue du show, l'on invitera des spectateurs à rejoindre et danser sur scène avec le groupe de Salif Keita. « J'ai joué avec Salif Keita durant dix ans. Salif Keita est un génie... », nous confiera Mokhtar Samba, l'illustre percussionniste d'origine sénégalo-marocaine. Et puis Salif Keita, « ce loup blanc », à un titre sans commentaires : Tu vas me manquer !