En recevant les représentants des opérateurs et des importateurs du médicament en Algérie, le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbes, voulait-il, juste jeter les ponts pour un dialogue entre les deux parties, contrairement à la démarché de son prédécesseur, ou est ce que c'est plutôt là une pression de plus de ceux des défenseurs du «tout importation», sur le Gouvernement visant à modifier la politique du médicament, dans un sens bien précis ? Certes, lors de ce conclave qui s'est déroulé au ministère de la Santé, le représentant du Gouvernement et ceux des opérateurs parlent tous de la nécessité d'une nouvelle politique nationale du médicament. Cela pour la forme. Mais dans le fond, les visions sont diamétralement opposées, entre un exécutif qui tend à favoriser l'émergence d'une production nationale forte et des importateurs qui ne sont intéressés que par les opérations d'importation, peu coûteuses pour eux et beaucoup plus rentables. Sans être très clair en terme de message à faire passer, le ministre a annoncé, à cette occasion, que le marché des médicaments sera prochainement régulé. De quelle manière ? Ould Abbes livre quelques éléments qui n'éclaircissent pas pour autant la vision qu'il a de ce secteur. Il a en effet affirmé qu'il n'autorisera pas «la distribution des médicaments par certains importateurs, jusqu'à la levée du monopole qui a privé certaines régions de médicaments de base». Des propos le moins que l'on puisse dire, équivoques. Là où il se montre plutôt en cohérence avec la politique suivie jusqu'ici par le Gouvernement Ouyahia, c'est lorsqu'il annonce la prise de nouvelles mesures, visant à maîtriser l'industrie et la distribution des médicaments, réduire la facture d'importation et encourager la production locale, tant à travers des partenariats avec les étrangers qu'à travers des investissements locaux, en accordant la priorité à la recherche scientifique et la formation pour le développement du secteur. Après avoir écouté les préoccupations des représentants du secteur pharmaceutique (producteurs, conditionneurs et pharmaciens), le ministre a aussi annoncé l'élaboration d'une charte des médicaments qui, d'après lui, s'impose pour l'amélioration de la gestion du secteur, affirmant que la dépendance de l'étranger en matière de médicaments, est «plus dangereuse» que celle des produits alimentaires. Les représentants des opérateurs nationaux en industrie pharmaceutique ont saisi l'opportunité de cette réunion avec la tutelle pour exposer leur vision du marché du médicament et poser leurs revendications. Comme le ministre, ils appellent à la mise en place d'une politique nationale pour les médicaments. Le président de l'Union nationale des opérateurs pharmaceutiques (UNOP), M. Ammar Ziad a abordé les contraintes liées au crédit documentaire, notamment la pénurie des matières premières entrant dans la composition des médicaments et qui occasionnent les ruptures enregistrées sur le marché. Le Secrétaire général de l'UNOP, M. Nabil Mellah a évoqué, pour sa part, les obstacles qui entravent l'investissement dans le secteur pharmaceutique, notamment ceux d'ordre administratif. M. Wahid Kerar a mis quant à lui en exergue, le manque de moyens qui freine l'investissement en Algérie en dépit des efforts de l'Etat et des investisseurs, soulignant la nécessité de réviser la nomenclature des médicaments locaux, dont l'importation est interdite afin de protéger la production nationale. De son coté, le président de l'Association nationale des producteurs en pharmacie (ANPP), M. Rafik Mersli a relevé l'absence d'une politique nationale pour les médicaments, appelant à accélérer l'enregistrement des médicaments locaux, pour faciliter leur vente. Par ailleurs, le représentant du Syndicat algérien de l'industrie pharmaceutique (SAIP), M. Abdelkader Chebila a préconisé l'élaboration d'une charte nationale de l'industrie pharmaceutique, pour la prise en charge de l'industrie pharmaceutique en Algérie. Le président du Syndicat national des pharmaciens d'officine (SNAPO), M. Messaoud Belambri a, appelé lui aussi, à la révision des prix des médicaments génériques et des molécules mères et à la régulation du marché des médicaments. Le représentant de l'industrie médico-chirurgicale (INC), M. Mohamed Bechtarzi a estimé nécessaire la révision de la Loi relative aux marchés publics. Cette réunion a donc surtout permis aux deux parties d'écouter la vision de l'un et de l'autre acteurs du marché du médicament. Sinon pour ce qui du contenu à donner à «la politique nationale du médicament», chacun a sa petite idée. Le Directeur de la pharmacie au ministère de la Santé, M. Hamou Hafedh a profité de cette occasion, pour passer en revue la situation du secteur en Algérie, indiquant que la facture des produits pharmaceutiques a atteint un milliard 670 millions d'euros l'année dernière. Sur la facture globale des produits pharmaceutiques, le quota des médicaments s'est élevé à un milliard 453 millions d'euros soit 87 %, celui des vaccins à 144 millions d'euros (8,6 %), celui des consommables à 37 millions d'euros (2,24 %), celui des réactifs à 32 millions d'euros (1,91 %), alors que celui des produits destinés à la chirurgie dentaire à dépassé deux millions d'euros, a-t-il indiqué.