Corrompu, corrupteur et dénonciateur. Voilà le trio axiomatique qui définit toute stratégie ou toute approche de lutte contre la corruption qui se veut sérieuse. En Algérie, même si on dénonce parfois le corrompu, le corrupteur est tout simplement escamoté, tandis que le dénonciateur de corruption risque d'être malmené dans les dédales de la justice ou de l'administration pénitentiaire. L'Algérie reste parmi les pays les plus corrompus au monde, nonobstant les efforts prodigués par l'Etat pour pallier ce mal dévastateur. Elle trône à la 111ème place sur un classement de 120 pays. Sur le plan législatif, et pour marquer officiellement sa volonté de lutter «efficacement» contre la corruption, l'Etat a promulgué en 2006, la loi 06/01 du 20 février relative à la prévention et la lutte contre la corruption. A contrario, cette loi reste sous-dimensionnée et ne couvre nullement toutes les facettes de la corruption. En effet, alors qu'elle est censée encadrer et encourager la société civile à mener bataille contre ce fléau qui gangrène aujourd'hui tout le tissu social du pays, cette loi reste sous-dimensionnée et ne protège nullement les dénonciateurs de la corruption. En revanche, elle encourage des gestionnaires véreux et indélicats de recourir systématiquement à la justice, avec en prime l'argent de l'Etat, donc du contribuable, pour intenter des procès en diffamation à n'en plus finir, contre tous ceux qui oseraient dénoncer ou s'aviseraient à s'opposer à leurs combines et malversations. A vrai dire, la loi 06/01 du 20 février «victimise» le corrompu, omet le rôle du corrupteur et écrase le dénonciateur. Dénoncer le corrupteur Elle a fait plus de victimes parmi les dénonciateurs de la corruption que chez les corrompus et les corrupteurs, unis par des liens d'intérêts solides, tissés dans tous les rouages de l'Etat pour s'assurer longévité et protection. D'où l'urgence d'une reforme. Une urgence qui ne fera qu'accompagner les efforts qui se font actuellement pour lutter contre la corruption qui gangrène le pays. Le dernier indice de perception de la corruption (IPC 2009) place la Tunisie au 65ème rang avec une note mitigée de 4,3 sur 10, mais meilleure que celles du Maroc qui s'installe à la 89ème place avec un IPC de 3,3), alors que l'Algérie est 111ème avec un IPC de 2,8 seulement. Il faut aussi savoir que les pays le premier et le deuxième du classement, la Nouvelle Zélande et le Danemark ont un IPC respectif de 9,4 et 9,3. Transparency International, l'ONG qui représente la société civile mondiale dans sa lutte contre la corruption, a heureusement décidé de remédier à la dénonciation du corrupteur. Dans son dernier rapport, publié le 28 juillet dernier, à Berlin. «La corruption et les pots-de-vin au sein de la chaîne de valeur représentent un défi permanent et plus destructeur qu'on ne l'imaginait jusqu'à présent», écrivait le rédacteur du dernier rapport de Transparency International. Dans ce 18ème rapport, le Royaume-Uni, le Danemark et l'Italie rejoignent donc le cercle très restreint des quatre pays, Allemagne, Etats-Unis, Norvège et Suisse, qui luttent, selon l'ONG, « activement » contre la corruption d'agents publics étrangers. Le nombre des pays luttant efficacement contre la corruption - suppose de diligenter des enquêtes, d'engager des poursuites et de prononcer des condamnations- est passé donc de quatre à sept depuis l'an dernier. Dans ce groupe des sept pays les plus confirmés dans lutte contre la corruption et qui assurent à eux seuls 30 % des exportations mondiales et 21 % du commerce mondial, Transparency International a dénombré 384 cas de corruption (dont 114 nouveaux) actuellement entre les mains de la justice et 153 enquêtes en cours. Les Etats-Unis est au pôle position, avec 168 affaires en justice, devant l'Allemagne (117), l'Italie (39) et la Suisse (30). On trouve ensuite neuf pays qui ne luttent que «modérément » contre le fléau, dont la France (18 affaires), la Corée du Sud (16) et l'Espagne (11). La corruption gangrène tous les rouages institutionnels d'un pays. Petite ou grande, avec ou sans dessous-de-table, elle favorise les passe-droits, le népotisme, le fait du prince…et mine la confiance des citoyens et des entrepreneurs en leur administration.