Les mesures adoptées par la Loi de Finances Complémentaire (LFC) 2009, (et confirmées par la LFC 2010), en introduisant de fortes restrictions à la fois aux importations, à l'investissement étranger et au crédit à la consommation, ont surpris par leur radicalité, alors même que les autorités insistaient sur la résilience de l'économie algérienne face à la crise internationale. Ces mesures participent-elles seulement d'une adaptation au contexte international de crise, ou expriment-elles des changements profonds en matière d'orientation économique ? Alors que le constat est implacable - désindustrialisation, effets pervers de la rente pétrolière et gazière, dérive des importations, découlent-elles d'une remise en cause de l'ouverture économique, d'une restauration des leviers de régulation ou d'une volonté de répondre à des tensions sociales croissantes ? Ne révèlent-elles pas, plus fondamentalement, la situation de blocage du processus de réformes économiques qui trouve ses racines dans les contradictions du rôle de l'Etat dans l'économie nationale depuis la fin des années 1980 ? Se sont interrogés M. Mihoub Mezouaghi et Fatiha Talahite, dans un dossier publié dans Confluence Méditerranée, consacré à la Souveraineté économique et réformes en Algérie. Pour les deux chercheurs les mesures de la LFC confirment très clairement une inflexion de la politique d'ouverture économique. Il n y a pas que ces chercheurs qui s'interrogent sur les objectifs avoués et inavoués, des mesures prises. Les profonds bouleversements dans l'organisation de l'économie nationale que les LFC 2009 et 2010 ont introduits sans aucune concertation avec les acteurs économiques et sans débat national – les Lois étant prises par ordonnance – suscitent tout aussi légitimement de profondes inquiétudes au sein de la communauté des chefs d'entreprise. D'autant que cette ébauche est portée par une Loi de Finances Complémentaire sensée pourtant ne pas bouleverser les équilibres définis dans le cadre de la Loi de Finances annuelle, sans débat, sans consultation d'aucune sorte des principaux détenteurs d'intérêt dans le processus de développement national. Beaucoup déplore le choix du Gouvernement de recourir aux ordonnances et échapper ainsi à un débat de fond et à une réflexion approfondie sur les choix fondamentaux qui doivent déterminer une fois pour toutes la politique économique du pays. L'absence de concertation, l'autoritarisme qui dicte les décisions économiques réduit la crédibilité de ces mesures et risque de conduire à la paralysie du pays. Ce qui est sur l'orientation prise vers un retour graduel de l'économie administré, le transfert du pouvoir économique vers des administrations centrales, elles même mal outillées, inquiète, et pour beaucoup d'économiste est une mauvaise solution. Verra-t-on, comme dans les années 70 et 80, une émergence économique contrariée, voire stoppée du fait d'une industrialisation inachevée et inefficace et d'un blocage structurel maintenu par une variante algérienne du syndrome hollandais ? Où au contraire, assisterons-nous à l'émergence d'une croissance durable par des excédents financiers sans précédent et la construction d'infrastructures essentielles conduisant à une économie diversifiée et compétitive intégrée à l'économie mondiale ? En d'autres termes les mesures prises dans le cadre des LFC 2009 et 2010 signifient-elles un retour à l'étatisme des années 70 et 80 ou bien sont-elles seulement conjoncturelles, le temps de construire une économie hors hydrocarbures compétitive et diversifiée ? La prise en compte du point de vue des acteurs économiques qui sont sur le terrain, celui des entreprises en particulier, est une nécessité absolue si notre pays veut stabiliser son cadre économique et rattraper son retard de compétitive. Si l'enjeu n'est pas tant celui de la réponse à donner à des revendications récurrentes des chefs d'entreprises, il est néanmoins et surtout celui des moyens d'impulser une croissance forte et soutenue, en traitant l'ensemble des facteurs du sous-développement de l'économie nationale. L'efficacité de la politique économique que suivront les autorités publiques ne pourra pas être mesurable à l'aune de la seule réalisation des programmes ambitieux d'investissement mis en chantier sur instruction du président de la République. Si ces derniers sont utiles et indispensables et s'ils répondent à un besoin absolu et urgent de rattrapage de retards et de modernisation des infrastructures économiques publiques, il est tout à fait vital qu'ils soient accompagnés par un programme économique tourné vers le développement et la promotion de la production nationale de biens et de services, dans le contexte d'une économie ouverte. Le patriotisme économique ne sera crédible que si notre pays dispose d'entreprise nationales (publiques et privées) puissantes, innovantes, disposant de capacités d'innovation formidable et en croissance. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, en partie en raison du blocage des réformes structurelles.