Le crédit documentaire, institué par les autorités dans le but de réduire le niveau menaçant atteint par les importations, est-il finalement en train de produire un effet inverse à ce qui était attendu de cet instrument financier ? La question mérite en tout cas d'être posée surtout lorsqu'on apprend que la Banque d'Algérie, dans une instruction adressée récemment aux banques et établissements financiers, met le doigt sur ce qui pourrait être à l'origine d'un accroissement de la dette extérieure à court terme. L'existence de cette instruction a été révélée par le journal électronique Maghreb Emergent qui a même publié un fac-simile de la note sur son site. Longtemps défendu par les autorités financières du pays, qui l'ont maintenu malgré les protestations des opérateurs économiques, le crédit documentaire à paiement différé semble maintenant créer des soucis qui n'étaient pas dans les calculs à sa mise en place. Dans son instruction, la Direction générale des changes de la Banque d'Algérie révèle que la « dette extérieure à court terme enregistre une croissance à un rythme non souhaitable ». Sans aller jusqu'à citer nommément le Crédoc comme éventuel responsable d'un tel phénomène, la BA somme d'ailleurs presque les établissements bancaires et financiers « à prendre toutes dispositions nécessaires pour réduire ce type d'engagement », afin, explique-t-elle, d'éviter « l'accroissement de cette dette à court terme de l'Algérie, alors que la stratégie adoptée en matière de désendettement a permis de réduire fortement la dette extérieure à moyen et long termes ». La note demande, à titre de « première mesure » de ramener « l'encours de la dette à court terme à fin décembre 2010 au niveau enregistré à fin décembre 2009 ». La BA veut aussi tout savoir sur les transactions qui s'effectuent dans ce cadre. Elle réclame ainsi que soit transmis à la Direction de la Dette extérieure, les informations « relatives aux débiteurs et aux conditions de mobilisations ». Bien que la BA n'ait pas fait de référence au Crédoc dans son instruction, d'après les opérateurs cité par Maghreb Emergent, c'est cette lettre de crédit avec paiement différé qui serait à l'origine du gonflement de l'encours de la dette à court terme, objet des préoccupations de l'ex-Banque centrale du pays. Cette dernière attendait pourtant du Crédoc un ralentissement du rythme effréné des importations, mais visiblement, c'est l'effet contraire qui s'est produit. « L'obligation de recourir au Credoc ne réduit pas les importations. Par effet pervers, elle augmente l'encours de la dette à court terme. Cette obligation qui ne fait que réduire le nombre des importateurs bénéficie surtout aux banques étrangères ... », estime un analyste cité par Maghreb Emergent. Pour ce dernier, en plus des surcouts qui viennent améliorer les bénéfices des banques, les « correspondants » bancaires étrangers prélèvent en moyenne 500 euros par tranche de 10 000 euros au titre des diverses commissions de service - cette situation est un des résultats inattendus de l'obligation faite aux importateurs de recourir au crédit documentaire. Cependant, il est vrai que dans l'état actuel des choses, la hausse enregistrée dans le niveau de la dette extérieure à court terme ne semble pas influer outre mesure sur la trésorerie devises à la Banque d'Algérie. Mais le phénomène risque d'évoluer, d'où la mise en garde de la BA.