S. Slama Une récente formule concernant la réalisation de l'habitat rural a été mise en œuvre, dans la wilaya d'Aïn Témouchent, par la nouvelle responsable de l'exécutif qui l'a annoncé lors de sa tournée de reconnaissance, le 25 octobre dernier dans la daïra de Hammam Bouhadjar. Cette nouvelle formule, qui exclue les promoteurs, consiste en la prise en charge, par l'Etat, de la réalisation d'une partie du logement par le biais d'entreprises, et ce, jusqu'à concurrence des 700.000 dinars. Soit, l'équivalent du montant de l'aide octroyée par les pouvoirs publics via la CNL. A charge du bénéficiaire de terminer son logement sur ces fonds propres. La formule dit « clos et couvert », consiste à faire réaliser par une entreprise, une plate-forme et une dalle en béton de 60 m⊃2;, ainsi que les murs extérieurs du logement avec pose et fourniture de 2 fenêtres dans la partie logement et un portail métallique dans la partie courette ; elle sera aussi clôturée comme il se doit. Finalement, le logement devra présenter une apparence de fini, puisque même la peinture extérieure devra être faite. Bien entendu, cette construction devra se faire selon les normes antisismiques de rigueur dans la région. A savoir, des doubles barres d'acier de diamètre 14 et de doubles étriers en acier de diamètre 6 Et tout cela pour la modique somme de 700.000 DA. «Un pari qui sera difficile de tenir», Nous dira un entrepreneur. Pour qui, « l'estimation établie par les services de la DELP, du m3 de béton à 17.000 dinars n'est pas du tout réaliste, pour ne pas dire fantaisiste.» Selon ce promoteur, qui a déjà réalisé des logements ruraux, « il faut compter un minimum de 25 à 30.000 dinars le M3 de béton de bonne qualité.» Il ajoutera que « personne ne pourrait donner une garantie pour un béton à 17.000 DA le m3.» Dans la wilaya d'Aïn Témouchent, selon des entrepreneurs aguerris, les services du CTC sont intransigeants en ce qui concerne la qualité et la composition du béton armé. Il vaut mieux éviter de « tricher » nous dira un connaisseur, signalant qu'«à Aïn Kihal, une commune située à l'est de la wilaya, 80 logements ruraux viennent d'être réalisés pour le prix de 1,4 million de dinars l'unité.» Beaucoup s'interrogent sur cette nouvelle vision prônée par les responsables locaux du secteur. Selon ses concepteurs, cette nouvelle formule pour le moins inédite, permettra « de redynamiser l'habitat rural». Pour un élu d'une petite commune accrochée au flanc du Tessala, au-dessus d'Aïn Larbaa, « cela n'est pas sûr que cette formule redynamisera effectivement le secteur. On veut seulement sauver les apparences.» Selon nos sources, à peine si 3.029 habitations rurales ont été réalisées sur l'ensemble du territoire de la wilaya d'Aïn Témouchent dans le cadre du dernier programme quinquennal (2005-2009) Et ce, sur un programme global de 5.000 unités. Selon le directeur du Logement et des équipements publics (DLEP) quelques 892 logements sont en cours de réalisation, quant au reste, soit 1.079, ils n'ont pas encore été programmés. Que dire alors de l'avancement du programme 2010 qui prévoit la construction de 1.600 unités, alors que sur l'ensemble du plan quinquennal 2010/2014, la wilaya d'Aïn Témouchent devra construire quelques 4.000 logements. Au rythme des retards du précédent programme, cela risque de prendre du temps. Selon les responsables, les retards seraient la conséquence des stratégies montées par les promoteurs et les conflits quelles ont engendré avec les bénéficiaires. « C'est un peu trop de facile de tout mettre sur le dos des promoteurs.» Nous dira l'un d'eux, qui préfère garder l'anonymat par peur des représailles. « Nos ruraux sont pauvres et le logement, quoique nécessaire, n'est pas à la portée de tout le monde. Si l'on veut vraiment que les programmes avancent, il faut faciliter l'octroi de crédits bonifiés à tout le monde, sans exception et sans condition. Promouvoir la formule vente à tempérament, c'est-à-dire, par crédit auprès d'un organisme public, voire auprès de la commune.» Un peu déçu, notre interlocuteur nous dira : « On attendait des responsables qu'ils fassent au moins un geste symbolique en faveur des populations rurales. Leur offrir, par exemple, le terrain gratuitement ou contre une somme très modique, qu'ils prennent en charge la réalisation des VRD sur le fonds de wilaya.» Mais rien de tout cela n'a été fait. On a juste pensé à l'exclusion des promoteurs.» A déploré le même interlocuteur. Le logement rural, qui fait partie d'une stratégie de sédentarisation des populations rurales, pourrait ne plus suffire. A en croire certains. «Que voulez-vous je reste faire dans ces montagnes, ramasser des olives et aller les vendre sur la route de Sidi Bel-Abbès ? Et à la fin de la campagne des olives ? » S'est interrogé un jeune d'Oued Berkèche. Certes, les montagnes du Kiroulis sont belles en ce début d'hiver, mais trop dénudées pour présenter un quelconque attrait pour la jeunesse. « En 29 ans, j'ai pu travailler pendant seulement un an dans la commune.» a déclaré le même jeune homme. Les demandes d'emplois sont nombreuses et les élus et responsables locaux font ce qu'ils peuvent pour satisfaire le plus grand nombre de chômeurs. Quant au logement, à Bouhadjar, on n'y pense même pas. Nous dit le même jeune homme qui vit encore au crochet de ses parents, et il n'est pas le seul. Car, dans beaucoup de familles, c'est la petite retraite du patriarche, obtenue après des années de labeurs dans le secteur agricole autogéré, qui fait vivre toute la fratrie. La situation est trop précaire des jeunes et des moins jeunes qui devront assurer la relève dans le monde rural. Ils ne peuvent même espérer avoir un jour un logement, même avec l'aide de l'Etat. Car il faut disposer d'un revenu régulier, une condition sine qua non pour aspirer au bénéfice de cette aide auprès de la Caisse nationale du logement (CNL).