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Réactions des économistes et des patrons d'entreprises aux dernières mesures du gouvernement : Une réponse «appropriée» à une situation «exceptionnelle»
Les experts financiers et les économistes algériens ont, à l'unanimité, qualifié les abattements fiscaux décidés par le gouvernement, pour enrayer la hausse des prix du sucre et de l'huile, de réponse «appropriée» à une situation «exceptionnelle». Toutefois, ils estiment qu'il faut désormais s'attaquer aux «vrais problèmes» économiques qui sévissent sur le pays. Pour rappel, ces mesures, prises samedi lors d'un Conseil interministériel présidé par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, portent sur une suspension et une exonération des droits de douanes, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de l'impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) représentant un total de charge fiscale de 41%, qui vient en déduction des prix de revient de ces deux produits de première nécessité. Elles ont été instaurées pour une durée de huit (8) mois à compter du 1er janvier jusqu'à fin août 2011. M. Mohamed Bahloul, économiste et directeur de l'Institut de développement des ressources humaines d'Oran (IDRH) «Le marché risque de prendre un certain temps avant de réagir» « Je pense qu'il s'agit de mesures exceptionnelles qui répondent à une situation exceptionnelle. Cela traduit une nouvelle approche où c'est à l'Etat d'assumer et de supporter le coût des fluctuations des cours de produits alimentaires sur les marchés internationaux, au lieu de les répercuter directement sur la population. Le gouvernement est intervenu dans le cadre de son rôle de régulateur du marché (…) Ces abattements temporaires devraient prendre effet immédiatement et le prix final des produits concernés est appelé à baisser rapidement. Toutefois, en raison de la spéculation, le marché risque de prendre un certain temps avant de réagir. Les organismes publics de contrôle et de régulation ont un rôle important à jouer pour veiller à une application stricte des nouvelles mesures.» «Par ailleurs, ces décisions, prises dans l'urgence, demeurent insuffisantes car elles répondent à une conjoncture spécifique, alors qu'il faudrait surtout s'attaquer à la structure de la problématique. C'est pour cela qu'il faut relancer et actualiser le débat sur la nécessité pour l'Algérie d'être autonome sur le plan agroalimentaire. Il est donc urgent pour les pouvoirs publics de mettre en valeur le potentiel agricole du pays, notamment les filières stratégiques comme les céréales et le lait. L'expérience a montré que l'encouragement de ces deux segments a donné d'importants résultats ces trois dernières années». Azzedine Benterki, professeur à l'université Mentouri de Constantine «L'Etat doit empêcher constamment la constitution de monopoles» «Les mesures annoncées samedi par les services du Premier ministère correspondent au rôle dévolu au gouvernement en matière de régulation du marché. Elles auraient dû être prises, dans la même logique, dès les premières tensions apparues sur les marchés mondiaux des produits agricoles de base fin 2007 (…) D'autres mesures d'accompagnement devraient être ajoutées à cette série de décisions. Il s'agit, entre autres, d'encourager et de promouvoir les filières des produits sensibles comme les céréales, le lait et les oléagineux à travers, notamment, des incitations fiscales». «Il faut également souligner le rôle irremplaçable de l'Etat qui doit veiller au libre recours des importateurs au marché mondial, afin de tirer bénéfice rapidement, des baisses des cours et les répercuter tout aussi rapidement, sur le marché local, tout en assurant la prévention des risques liés à des situations de monopoles locaux. L'Etat doit pleinement assumer son rôle, et sans faiblesse aucune, de régulateur du marché, et empêcher constamment la constitution de monopoles qui représentent un risque permanent». Salah Mouhoubi, économiste «Un geste de bonne volonté» «Le nouveau dispositif provisoire est un geste de bonne volonté de la part des pouvoirs publics qui réaffirment, à travers cette action, leur préoccupation pour la protection du pouvoir d'achat des citoyens et de la stabilité sociale du pays. A la faveur de ce geste, les prix du sucre et de l'huile devraient connaître une baisse significative dans les prochains jours. Néanmoins, Il faut mettre l'accent sur la nécessité d'accompagner ce dispositif par des mesures permettant de renforcer la lutte contre la spéculation et le commerce informel à travers le durcissement des sanctions administratives et pénales». Abderrahmane Mebtoul, économiste «Ce sont des replâtrages» «Les dernières mesures du gouvernement ne sont que du replâtrage. Il faut que l'Algérie passe enfin à une économie productive. Actuellement, selon une récente études de l'OCDE, l'Algérie dépense deux fois plus pour deux fois moins de résultats : projets mal ciblés, mauvaise gestion, corruption… Il faut détruire les monopoles et construire une économie de concurrence dans laquelle l'Etat joue son rôle de régulateur. Cela passe par la bonne gouvernance et la valorisation des savoirs. Entre 1994 et 2008 l'Algérie a perdu plus de 40.000 de ses cerveaux… Tout cela renvoie à la refonte de l'Etat», a-t-il déclaré au journal français l'Express. Le discours que tiennent les responsables algériens, minimisant l'inflation et le chômage, est complètement déconnecté du vécu de la population. L'inflation n'est pas passée de 4,5% comme le prétendent les autorités, mais de 10% et le chômage dépasse les 20%. Il faut ajouter à cela l'extension du secteur informel. Celui-ci contrôle entièrement, entre autres, le commerce des fruits et légumes, de la viande, du poisson et des textiles et cuir. Il représente plus de 40% de la masse monétaire en circulation et donne lieu à de véritables rentes de monopole à travers tout un système de commissions. Il y a enfin l'inflation importée, d'autant plus importante que l'Algérie achète à l'étranger l'essentiel des biens de consommation». «Passer d'une économie de rente à une économie de marché productive» «C'est en effet l'un des paradoxes de l'Algérie. L'Etat est riche, il dispose de plus de 155 milliards de dollars de réserves de change mais la population est de plus en plus pauvre. Nous ne sommes pas parvenus à passer d'une économie de rente à une économie de marché productive comme celle qui existe dans les pays émergents. Il serait urgent d'ouvrir un vrai débat sur la politique socio-économique de l'Algérie. Nous avons à la fois besoin de plus d'efficacité économique et de justice sociale. Mais l'ouverture d'un tel débat suppose d'abord une rupture culturelle de la part de nos dirigeants. Il faut qu'ils cessent de considérer le peuple algérien comme un peuple mineur. Les Algériens, y compris les jeunes, sont capables d'entendre un discours de vérité. Malheureusement les partis politiques sont trop discrédités pour mobiliser et encadrer, il faut donc trouver d'autres canaux qui permettent d'ouvrir le dialogue». Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprises (FCE) «Prêts à contribuer à la définition d'une stratégie économique plus adaptée au contexte algérien» «Les mesures décidées samedi lors d'un Conseil interministériel, en vue de faire face à la hausse subite des prix de certains produits alimentaires de base, sont des mesures de bon sens. Il s'agit de mesures de nature à apaiser la situation. Le FCE est disponible à contribuer à la définition d'une stratégie économique plus adaptée au contexte algérien. Dans ce contexte, le FCE appelle le gouvernement, les opérateurs économiques et les organisations patronales à dialoguer, à se concerter pour examiner les graves problèmes de la société en vue de parvenir à une vision d'avenir, notamment pour les jeunes sans emploi». «Par ailleurs, je déplore les scènes de pillage et de vandalisme de biens publics et privés qui ont marqué le mouvement de protestation, mais j'estime que les causes de ces manifestations sont profondes». M'henni Abdelaziz, président de la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA) «Ces mesures sont salutaires pour l'Algérie» «Je suis satisfait des mesures décidées par le gouvernement. Ces mesures sont salutaires pour l'Algérie et les Algériens. Ainsi, je félicite la reprise par l'Etat de son rôle de puissance publique. Il n'y a que l'Etat qui peut exercer ce domaine de compétence de contrôle et de définition de la marge bénéficiaire des produits de large consommation. Maintenant, il faut mettre en place des mécanismes réglementaires et de textes d'application des mesures décidées. Dans ce contexte, il est nécessaire de se concerter, d'une part entre opérateurs et organisations patronales et d'autre part avec le gouvernement pour contribuer à la mise en place des modalités d'application des mesures décidées et réfléchir sur les voies et moyens permettant d'assurer la stabilité du marché». Habib Yousfi, président de la Confédération générale des entrepreneurs algériens (CGEA) «Ces mesures viennent à point nommé pour contrer la spéculations» «Les mesures décidées par le gouvernement étaient nécessaires, urgentes et viennent à point nommé pour contrer la spéculation sur les prix des produits de large consommation. Je soutiens, en outre, que si ces mesures étaient appropriées à même de désamorcer la situation marquée par des mouvements de protestation suite à la flambée des prix de certains produits de base, il demeure néanmoins que la problématique de l'inflation n'était pas résolue. Il est impératif de s'attaquer au problème de l'inflation, à l'augmentation généralisée des prix pour permettre au pouvoir d'achat des citoyens d'évoluer sainement. Il est aussi important d'engager un dialogue sain entre le gouvernement, les opérateurs économiques et le partenaire social sur la création de l'emploi, la répartition des richesses et l'environnement de l'entreprise en vue d'améliorer le bien être social de la population.» Mohand Saïd Naït Abdelaziz, président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA) «Réfléchir sur les causes réelles de la spéculation» «Je suis content des mesures décidées samedi lors du Conseil interministériel pour mettre un terme au dérapage des prix de certains produits de base. Il s'agit de mesures d'apaisement et d'une période transitoire. Il est également nécessaire de mettre à profit cette période de transition pour réfléchir sur les causes réelles de la spéculation et qui a conduit à une augmentation des prix touchant les produits de large consommation. A ce sujet, je préconise une démarche collective pour arriver à une approche pragmatique afin d'éradiquer la spéculation, réguler le marché et les réseaux de distribution. Dans ce contexte, la CNPA a présenté une contribution au gouvernement pour dénoncer certaines pratiques malsaines.»