L'économie informelle est en train de gangrener toute l'économie nationale. Elle a atteint des proportions telles que le gouvernement est incapable, aujourd'hui, de limiter la prolifération de plus en plus visible et frontale d'activités non déclarées dans le secteur commercial. Ces activités, établies dans des espaces géographiques per-manents, fonctionnent au vu et au su de tout le monde, en dehors de tout cadre légal ou réglementaire. Une faiblesse criarde dans l'organisation de très nombreux marchés, y compris dans les secteurs stratégiques, a été relevée. La législation en la matière existe pourtant. Mais elle est superbement ignorée. Et les pouvoirs publics se déclarent presque impuissants. Pour rappel, le forum des chefs d'entreprises (FCE) avait initié, il n'y a pas longtemps, trois études constituées en un seul dossier et consacrées à des problématiques majeures qui se posent à l'économie nationale : l'ouverture commerciale, l'expansion de l'économie informelle et les dysfonctionnements du secteur de la distribution. Ces études avaient constaté, déjà, que le secteur informel constitue une partie importante de l'économie. Les enquêtes réalisées révèlent que pour une population occupée totale de 8,25 millions de personnes, le secteur informel occupe 1,78 millions de personnes, soit presque 22%. En fait, en tenant compte de l'emploi informel dans le secteur formel et de l'emploi occasionnel de personnes qui déclarent travailler de temps à autre, l'emploi informel serait en réalité de 32% de l'emploi total. Le fait est qu'une proportion considérable (35%) de l'emploi non agricole total, n'est pas déclarée à la sécurité sociale et même qu'une part importante (15%) de l'emploi formel n'est pas non plus déclarée. C'est donc une part considérable de l'emploi qui n'est pas déclarée. Les revenus nets du secteur informel se situeraient entre 300 et 600 milliards de dinars (17% de l'ensemble des revenus primaires nets des ménages). Ce montant peut être assimilé à la valeur ajoutée du secteur informel ; il correspond à 13% du PIB hors hydrocarbures. « Les conséquences négatives de l'ampleur de l'informel sont multiples » avait souligné le Forum. Les Pertes de recettes budgétaires et de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont estimées respectivement à 42 milliards DA pour l'IRG, 22 milliards de DA pour la TVA et 120 milliards DA pour les prélèvements de sécurité sociale. Ces estimations ne tiennent pas compte des pertes fiscales liées à la fraude sur les importations qui pourraient atteindre des montants considérables en droits de douane, TVA et IRG ou IBS. Le FCE évoquait aussi la concurrence déloyale imposée aux activités similaires exercées dans le secteur formel et limitation du marché de ce dernier et, par suite, de son développement et surtout de sa modernisation, l'impact sur les bons contribuables chez qui peut se développer une défiance vis-à-vis de l'administration fiscale ou de la protection sociale et enfin, l'expansion du phénomène de la corruption, ce qui participe à la dégradation du climat des affaires. Les explications traditionnelles de l'informel (salaires élevés, prélèvements fiscaux et sociaux élevés, obstacles bureaucratiques à la création d'entreprises, etc.), contiennent, certes toutes, une part de vérité ; elles sont toutefois, dans certains cas, contradictoires avec ce que l'on observe en pratique : ainsi, les salaires dans le secteur informel sont fréquemment plus élevés que le SNMG. C'est surtout l'insuffisance du contrôle qui explique l'informel. A cette raison s'ajoutent les difficultés liées aux obstacles bureaucratiques à la création d'entreprises. Ces difficultés sont réelles ; elles sont en outre aggravées par la corruption. Il faut cependant souligner que de nombreux efforts ont été faits par le CNRC pour faciliter la création d'entreprises. Mais d'autres administrations ne participent pas pleinement à la facilitation des procédures. Le forum avait relevé que le secteur commercial occupe une place importante dans l'économie ; il connaît un degré d'informalisation élevé : sur les 1.140.000 personnes environ occupées dans ce secteur, 60% ne sont pas déclarés à la sécurité sociale. Le poids du secteur commercial apparaît aussi dans sa contribution à la PIB : 17% de la valeur ajoutée hors hydrocarbures en 2007. Dysfonctionnements dans le secteur commercial Le nombre d'entreprises commerciales est de 330.000 environ, se composant de 280.000 détaillants, 30.000 grossistes et 20.000 importateurs. Les commerces de détail sont dans leur quasi-totalité de petite surface. Les expériences de supermarchés ou d'hypermarchés, organisés ou non sous forme de chaînes, demeurent limitées et n'ont pas eu d'effet sur l'ensemble du commerce de détail ni sur les entreprises de production. Le commerce de détail est majoritairement exercé sous sa forme traditionnelle de magasin ou épicerie. Les commerces de détail développent peu de relations entre eux et n'ont pas de structures communes d'achat, de logistique, de livraison ou de marketing. Ils ont une faible capacité de stockage. «L'atomisation et le déséquilibre dans la répartition spatiale qui caractérisent le secteur commercial ont pour effet de limiter la disponibilité des produits sur certaines parties du territoire. Les conséquences sont, d'une part, de limiter la concurrence et, d'autre part, de limiter les débouchés, notamment pour la production nationale » ajoute le FCE, précisant que le secteur commercial s'est peu modernisé ; il connaît une informalisation croissante. «Les conséquences les plus importantes sont celles de freiner considérablement le développement industriel à la fois du fait du développement de la concurrence déloyale et du fait que les fonctions de distribution sont mal assurées, et aussi du fait que les activités commerciales menées dans ce contexte dégagent une rentabilité élevée » avait indiqué le forum. Certains évoquent le risque de voir notre économie se transformer en une économie mafieuse.