Les ministres des Finances de la zone euro sont sous pression. Ils ne savent plus où donner de la tête ni comment faire et réagir pour faire avancer leurs discussions sur une possible augmentation des ressources de leur Fonds de soutien. Le pré-débat a déjà tourné à la cacophonie. Les grands argentiers des 17 pays partageant l'euro devaient se retrouvé hier soir à Bruxelles pour leur rencontre mensuelle, élargie aujourd'hui aux ministres de l'ensemble des 27 pays de l'Union européenne. C'est bien sûr la situation des Etats les plus fragiles, comme le Portugal, l'Espagne et l'Italie qui retient l'attention. Ces derniers viennent de réussir des émissions obligataires jugées cruciales leur permettant de bénéficier d'un répit temporaire sur les marchés. Les ministres devraient aussi discuter d'une éventuelle hausse du Fonds de secours mis en place l'an dernier pour les pays de l'Union monétaire en difficulté. Et c'est le point essentiel de la rencontre. Aucune décision n'était attendue en fin de soirée, comme si ce n'était nullement la priorité. Pourtant, l'urgence est là pour des interventions qui risquent de pointer d'un jour à l'autre tant certains Etats semblent connaître des soubresauts économiques. Soubresauts qui ne laissent augurer rien de positif. Néanmoins, il faut s'attendre à un sprint final pour éviter des surprises. Le président de la Commission européenne lui-même accentue d'ailleurs la pression en demandant mercredi dernier aux dirigeants des pays de l'UE de décider début février au plus tard, lors d'un sommet européen, d'augmenter les capacités du Fonds. Celui-ci est actuellement doté de 440 milliards d'euros de garanties des Etats de la zone euro. Il est complété par des prêts du FMI et de l'UE pour atteindre une force de frappe de 750 milliards d'euros au total. Le ministre belge des Finances Didier Reynders s'est prononcé en faveur d'un montant deux fois plus important, souligne-t-on, et a indiqué que les discussions en cours en Europe portaient sur de tels montants. Le doublement du Fonds est «une option» envisagée, même s'il y a «aussi d'autres options imaginables», a indiqué de son côté une source diplomatique européenne. Oui, mais… Mais tout ne semble pas baigner dans l'huile. La division au sein de l'Union est criarde, même si la majorité est favorable à l'augmentation du fonds de secours. L'Allemagne, qui adopte sur le sujet une position ambiguë en raison des réticences de son opinion à devoir payer pour les autres pays endettés, juge «la dotation du Fonds absolument suffisante à l'heure actuelle», a insisté vendredi le porte-parole du gouvernement Steffen Seibert. Le ministre allemand des Finances estime, pour sa part, qu'une augmentation de la capacité de prêt effective du mécanisme pourrait être nécessaire. Car, du fait de garanties demandées par le marché pour assurer des conditions de prêt attractives, le Fonds ne peut lever effectivement qu'environ 250 milliards d'euros, le reste devant être mis de côté. Il s'agirait alors de porter cette capacité de prêt effective à 440 milliards. Le ministre néerlandais des Finances Jan Kees de Jager juge également que «ce qui est à l'ordre du jour, c'est une discussion entre les membres pour utiliser à meilleur escient les moyens disponibles», selon une porte-parole. Son homologue française Christine Lagarde a quant à elle estimé vendredi «prématuré» de chiffrer une éventuelle augmentation du Fonds, tout en confirmant qu'une telle option était à l'étude parmi toute une «palette» de mesures. Les Européens envisagent en effet aussi de doter le Fonds d'outils nouveaux, comme la possibilité de racheter sur les marchés de la dette publique, comme le fait actuellement la Banque centrale européenne. Ou d'accorder des lignes de crédit à court terme sans déclencher un vaste plan d'assistance. Les Européens ont mis sur les rails jeudi soir un mécanisme d'entraide financière durable pour permettre à la zone euro de mieux résister aux crises, se disant prêts à tout faire pour la défendre mais sans annoncer d'argent supplémentaire dans l'immédiat. «Nous nous tenons prêts à faire tout ce qui est nécessaire pour garantir la stabilité de la zone euro», ont indiqué dans une déclaration les chefs d'Etat et de gouvernement, à l'issue de la première journée d'un sommet à Bruxelles. Concrètement, les dirigeants sont tombés d'accord pour modifier le traité de Lisbonne afin de permettre la création d'un Fonds de secours permanent en faveur des pays de la zone euro, en cas de crise grave. L'Europe est trop lente Le texte sur lequel ils se sont entendus indique qu'à l'avenir «les Etats membres de la zone euro sont autorisés à créer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela s'avère indispensable pour garantir la stabilité de l'euro dans son ensemble». L'Allemagne exigeait cette garantie juridique. Berlin craignait sinon de se faire censurer par sa cour constitutionnelle car le traité actuel qui régit l'UE n'autorise pas en principe un pays de la zone euro à être sauvé de la banqueroute par ses partenaires. Echaudée par la crise grecque au printemps, l'Europe a déjà mis en place un Fonds de secours provisoire de 440 milliards de garanties des Etats, qui expirera mi-2013, dans le cadre d'un dispositif plus large de 750 milliards d'euros en incluant le FMI et l'UE. Pour lui succéder, il a été décidé de mettre en place le dispositif permanent, afin de rassurer les marchés sur la capacité de réaction de la zone euro. Après la Grèce et l'Irlande, l'Espagne, le Portugal ou encore la Belgique apparaissent vulnérables. Cependant, les dirigeants ne se sont pas prononcés sur une éventuelle augmentation des ressources des Fonds de soutien actuel et à venir. Le directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn a quant à lui déploré la lenteur des Européens. «Le problème de l'Europe est qu'elle est trop longue à décider», a-t-il ajouté. «Si l'euro échoue, c'est l'Europe qui échoue», a résumé la chancelière allemande Angela Merkel de son côté. Dés cette année, il faut s'attendre à ce que les pays européens fassent viser à Bruxelles leurs projets de budgets nationaux avant adoption par leurs Parlements respectives. Une mini-révolution. Les sanctions contre les pays trop laxistes seront elles renforcées. Lentement, une forme d'Union budgétaire, longtemps taboue, commence à prendre forme au coeur du Vieux continent.