Hosni Moubarak refuse catégoriquement de rendre le tablier. Il veut rester président jusqu'en septembre prochain pour régler les problèmes des Egyptiens, chose qu'il n'a pas réussi à accomplir pendant ses trente années de pouvoir. Il ne veut pas quitter le pouvoir, mais rassure ses concitoyens qu'il ne se représentera pas aux élections de septembre prochain. En face, le peuple refuse tout dialogue avec le rais. Le peuple revendique le départ de Moubarak. Le départ coûte que coûte. C'est ce que promet El Baradei d'ici demain, après le prochain rassemblement populaire de vendredi. À l'appui de cette « ère nouvelle » que promet la figure la plus en vue de l'opposition, l'effigie du raïs qui se meurt par pendaison sur la place Ettahrir, verdict du peuple. Moubarek a beau promettre, rien n'y fait. Les Egyptiens n'en veulent plus comme l'a démontré l'imposante manifestation de mardi, la marche d'un million d'Egyptiens venus réclamer à cors et à cris le départ immédiat de Moubarek, l'unique allié arabe de l'Etat sioniste. El Baradei, qui semble le plus prédestiné à assurer la transition, a même reçu l'appui des Etats-Unis : Washington souhaite une transition politique mais ne veut pas dicter à l'Egypte la direction à prendre. L'opposant égyptien Mohamed El Baradei a déjà présenté des scénarios pour «l'après-Moubarak» à des diplomates occidentaux. Des discussions en ce sens ont eu lieu au téléphone avec l'ambassadrice des Etats-Unis et l'ambassadeur de Grande-Bretagne. Dans la journée de mardi, plus d'un million d'Egyptiens ont envahi les rues dans le pays, selon les services de sécurité, la plus importante mobilisation depuis le début le 25 janvier de la contestation à l'encontre de M. Moubarak, accusé d'être responsable des maux du pays - pauvreté, chômage, violation des libertés, corruption et verrouillage politique. Hommes, femmes et enfants ont manifesté sans heurts, l'armée s'étant engagé à ne pas utiliser la force contre eux. Au Caire, la grande place Ettahrir, épicentre du mouvement, a été prise d'assaut par une véritable marée humaine. L'atmosphère y était festive, les manifestants dansant et chantant en conspuant le président. En soirée, la foule commençait à se disperser, mais de petits groupes se préparaient à y passer la nuit sous les tentes malgré le couvre-feu en vigueur dans la capitale ainsi qu'à Alexandrie et Suez, de 15h00 à 08h00 locales. «On ne partira que lorsque Moubarak partira !» scandait un groupe d'hommes. L'armée a fermé les accès à la capitale et à d'autres villes, et des hélicoptères survolent régulièrement le centre du Caire. Le trafic ferroviaire avait été interrompu pour empêcher un déferlement sur la capitale. La contestation a fait depuis le 25 janvier au moins 300 morts et des milliers de blessés, selon un bilan non confirmé de l'ONU. Pour mobiliser les manifestants, les groupes issus de la société civile, soutenus par M. El Baradei, une partie de l'opposition laïque et les Frères musulmans - force d'opposition la plus influente - ont compté sur le bouche à oreille, Internet restant bloqué et le service de messagerie mobile perturbé. Après une semaine de protestations, les contrecoups économiques de la révolte se font sentir. Les touristes, l'une des principales sources de revenus pour l'Egypte, ont renoncé à venir, et les étrangers prennent la fuite.