Après Maiouf Belhamel, directeur du Centre des énergies renouvelables (CDER), le Pr. Chems Eddine Chitour* revient à la charge critiquant la dernière sortie du ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, faisant état que l'avenir énergétique de l'Algérie se veut exclusivement nucléaire. Dans une interview donnée au journal on-line econostrum.info, le Pr. Chitour dira : «Je suis convaincu que le nucléaire ne pourra pas être la solution aux problèmes énergétiques algériens.» Et de renchérir que «c'est un non-sens de produire de l'électricité nucléaire pour avoir de l'eau potable alors que la technologie solaire permettrait de pérenniser ce type de process». Concernant le risque sismique, le professeur Chitour déclarera que «l'Algérie du Nord est un pays actif du point de vue sismique, on dit même que le Hoggar est un volcan éteint depuis un million d'années. Plus près de nous, Sétif fut détruite par un tremblement de terre en 202. Il est vrai que la côte est particulièrement vulnérable et l'exemple du Japon, le premier pays en technologie nucléaire, devrait nous inciter à être raisonnables. Quand on pense qu'ils ont prévu que les centrales résisteraient à des séismes de 7,5 et à des vagues de 10 m… Ils ont eu 8,9 et des vagues de 12 m qui auraient démoli les systèmes de pompes, coupé le courant et qui, de ce fait, a rendu impossible le refroidissement du cœur des réacteurs». «C'est assurément un Tchernobyl qui se prépare », dit-il. «Pas de stratégie énergétique globale» Quant aux délais de la mise en marche du programme nucléaire national, le professeur Chitour dira que «l'Algérie ne doit pas pratiquer la politique du zéro nucléaire, mais il faut savoir qu'une centrale dans les pays développés demande dix ans entre le moment de sa conception et sa mise en marche». «Dans les pays en voie de développement, où nous partons de zéro dans ce domaine, le nombre d'années pour la mise en fonction sera forcément plus élevé », précise-t-il. Dans l'actualité mondiale, «le nucléaire, à raison, fait peur. L'angoisse actuelle est planétaire, les particules radioactives qui sont dans l'atmosphère ont une demi-vie de plusieurs centaines voire de milliers d'années». C'est-à-dire, explique M. Chitour que «cela signifie qu'au bout de plusieurs centaines ou milliers d'années, il restera la moitié de la concentration initiale !!! De plus, le problème des déchets nucléaires n'est toujours pas réglé et chaque pays se débrouille (vitrification, enfouissement, largage en mer..).» Dans son énoncé critique, le Pr. Chitour dira qu'il reste «convaincu que le nucléaire ne pourra pas être la solution à nos problèmes énergétiques. A l'échelle mondiale le nucléaire représente à peine de 7%. Selon les pays, le nucléaire est utilisé pour la production.» Autrement dit, «l'Algérie n'a pas de stratégie énergétique globale. Les effets d'annonce ne résistent pas à la dure réalité. Nous consommons frénétiquement nos énergies fossiles au-delà de nos besoins en les vendant à un prix inférieur au prix que l'on pourrait en tirer en les vendant dans le futur le plus lointain », révèlera le professeur de polytec. «L'avenir de l'Algérie est dans l'intelligence» «La stratégie énergétique est l'affaire de tous, elle n'est pas de la responsabilité d'un département ministériel (l'Energie et les Mines). C'est l'affaire du ministère du Commerce singulièrement laxiste dans nos achats externes – on dit qu'en 2010 les Algériens ont acheté 280.000 voitures à 1M de dinars algériens soit au total près de 3 mrds de dollars US qui ont servi à booster l'emploi des travailleurs français (Renault, Peugeot), japonais (Toyota...), chinois..», dévoile le Pr. Chitour. Et d'ajouter : «ce qui est encore plus grave est que nous importons des voitures avec 150g CO⊃2; au km alors qu'en Europe elles sont interdites car la norme est au maximum de 120g de CO⊃2; au km. Nous perdons de ce fait 20 % d'essence pour le même kilométrage. » «L'avenir de l'Algérie est dans l'intelligence. A ceux qui nous dirigent de la solliciter et de la faire émerger, notamment en réhabilitant la formation d'ingénieurs et de techniciens qu'il faudra former en quantité et en qualité Car c'est la seule légitimité qui permettra à l'Algérie de tenir son rang dans un monde de plus en plus chaotique », préconise M. Chitour. Et pour conclure, il dira : «Il ne tient qu'à nous de former l'éco-citoyen de demain, au lieu et place de l'égo-citoyen actuel. » A. Nawel * Auteur de plusieurs ouvrages sur l'énergie, le pétrole et les incidences géopolitiques des luttes pétrolières, le Pr. Chems Eddine Chitour est Directeur du laboratoire de Valorisation des Energies Fossiles à l'Ecole Polytechnique d'Alger, ancien Professeur associé à l'Ecole d'Ingénieurs de Toulouse. Il a formé plusieurs générations d'ingénieurs.