Les derniers soubresauts de la société civile arabe sont bénéfiques pour les économies des pays concernés. Aussi, le torrent des mouvements de protestations continuera dans les mois à venir tirant les pays arabes vers le haut. C'est en somme la synthèse du dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI) qui évoque également que les autres pays de la région importateurs de pétrole connaîtront a contrario une crise dans le tourisme et l'investissement. En effet, les experts du FMI considèrent que les changements dans la MENA (Moyen-Orient et en Afrique du Nord) permettront aux pays de cette région d'établir les bases d'un modèle de croissance plus dynamique. Dans sa présentation du rapport sur les Perspectives économiques consacré à la région MENA, à l'Afghanistan et au Pakistan (MOANAP), le directeur du Département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, Masood Ahmed, a déclaré hier lors d'une conférence à Dubaï que «les mois à venir seront certes délicats et les revers seront inévitables, mais il existe désormais une dynamique de changement qu'il faut mettre à profit». Le même rapport révèle aussi que les pays importateurs de pétrole connaîtront une année difficile en gérant des tensions tant internes qu'externes. A long terme, «les mouvements de contestation pourraient stimuler les économies de la région en favorisant l'adoption d'un modèle de croissance plus solidaire, en améliorant la gouvernance et en offrant à la population jeune et croissante des débouchés plus nombreux dans des conditions plus équitables», a ajouté le même expert. Mais pour l'heure, a-t-il observé, ces pays «connaissent de grandes difficultés et il est urgent de s'attaquer au chômage et d'améliorer les dispositifs de protection sociale». D'après cet expert, le défi immédiat pour les pays importateurs de pétrole de la région MENA est de «préserver la cohésion sociale et la stabilité macroéconomique face à des tensions multiples». Croissance de 5% pour l'Algérie Abordant la croissance économique, Masood Ahmed a dit que la croissance globale de la région sera de 3,9 %, tout en précisant que ce chiffre masque des écarts. Effectivement, a-t-il expliqué, la croissance devrait s'établir à 4,9% dans les pays exportateurs de pétrole (Algérie, Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Iran, Iraq, Koweït, Oman, Qatar, Soudan et Yémen) sous l'effet surtout de l'augmentation des cours et de la production de pétrole. Néanmoins, la croissance dans les pays importateurs de pétrole (Afghanistan, Djibouti, Egypte, Jordanie, Liban, Maroc, Mauritanie, Pakistan, Syrie et Tunisie) ne devrait atteindre que 2,3%. Selon lui, le scénario actuel est déterminé essentiellement par deux facteurs principaux: les troubles qui agitent la région, avec l'incertitude qui s'ensuit, et la flambée des cours mondiaux de pétrole et de l'alimentation. L'expert du FMI a affirmé que grâce à l'augmentation des cours et de la production de pétrole, le solde global des transactions courantes des pays exportateurs de pétrole devrait plus que doubler pour se chiffrer à 380 milliards de dollars en 2011 (Libye non comprise). Globalement, a-t-il avancé, «ces économies devraient se développer, leur PIB réel collectif progressant, d'après les projections, de 4,9 % en 2011». Il a également estimé que malgré l'augmentation des dépenses dans les pays exportateurs de pétrole de cette région, «les positions budgétaires vont s'améliorer, car le surcroît de dépenses publiques sera plus que compensé par la progression des recettes pétrolières». Néanmoins, a-t-il avisé, en dépit de ces perspectives globalement positives, «les pays exportateurs de pétrole de la région continuent de se heurter à des redoutables problèmes structurels, tels que la nécessité de diversifier davantage leurs économies, de créer des emplois pour leur population, de poursuivre le développement du secteur financier pour soutenir la croissance économique et d'améliorer la gestion des ressources publiques». Quant aux pays importateurs de pétrole, le représentant du FMI a indiqué qu'ils allaient «traverser une année difficile sur le plan économique car ils devront gérer des tensions tant internes qu'externes». «La détérioration des termes de l'échange provoquée par le renchérissement des produits alimentaires et énergétiques devrait alourdir leur facture d'importation de quelque 15 milliards de dollars, soit en moyenne près de 3% du PIB», selon son pronostic. Ceci se traduira, par une poussée de l'inflation ou par une détérioration du solde budgétaire, selon l'ampleur des subventions, a-t-il poursuivi. Le tourisme et l'investissement …ankylosés Pour beaucoup de pays importateurs de pétrole, «les troubles politiques devraient nuire au tourisme et à l'investissement. Si l'on y ajoute l'augmentation des coûts de financement et les tensions issues du gonflement des dépenses dans l'ensemble de la région, les soldes budgétaires devraient subir des pressions plus fortes», redoute-t-il. A ce propos, il a souligné que «les risques qui pèsent sur la stabilité macroéconomique et financière, s'ils ne sont pas corrigés rapidement, pourraient compromettre l'adoption d'un nouveau modèle de croissance solidaire et freiner la création d'emplois». Selon lui, «les gouvernements disposant d'une faible marge de manoeuvre budgétaire devront envisager de compenser partiellement le surcroît de dépenses prioritaires par des coupes dans d'autres domaines». La majorité des pays demanderont de l'aide à court terme «A court terme, des dépenses additionnelles sont compréhensibles et nécessaires pour assurer la cohésion sociale, mais elles accentueront les tensions sur les finances publiques. Beaucoup de pays auront besoin d'une aide extérieure pour gérer la transition», a-t-il déclaré. Revenant sur l'ensemble de la région, le même expert a constaté que l'équilibre à faible croissance de ces dernières années n'a pas permis de créer suffisamment d'emplois pour une population active grandissante. En outre, «le climat des affaires profite indûment à une minorité de privilégiés. Il reste beaucoup à faire pour doper la création d'emplois et mieux préparer les jeunes au marché du travail», selon lui. Dans ce sens, il a proposé qu'à court terme, les gouvernements devront accélérer les investissements d'infrastructure à forte intensité de main-d'oeuvre, fournir des incitations fiscales aux PME et mettre en place des programmes de formation bien adaptés. Toutefois, «ces mesures ne sauraient se substituer à une vaste stratégie de l'emploi capable de redéployer les structures d'éducation pour doter les diplômés des aptitudes recherchées par les employeurs, d'améliorer le climat des affaires et de mettre fin aux rigidités du marché du travail qui exercent un effet dissuasif sur l'embauche», a-t-il encore dit.