Des centaines de travailleurs du secteur du textile et cuir se sont rassemblés hier devant le siège de l'Union Générale des Travailleurs Algériens (UGTA) pour protester contre la levée de l'interdiction de l'importation de la friperie. Malgré une chaleur torride et un dispositif sécuritaire étoffé, ils sont restés des heures devant, la Maison du Peuple, bâtisse héritée de la période coloniale pour faire valoir leurs droits à une concurrence loyale. Ils ont brandis des banderoles sur lesquelles ils ont exprimé leur désarroi de voir cette mesure creuser davantage la tombe d'une industrie du textile déjà moribonde. « La marginalisation et le manque d'intérêt de la part de ceux qui n'ont pas de conscience nous pousse à aller vers une grève pour obtenir nos droits légitimes », « pour la préservation de l'outil de production » ou encore « non au chiffon », peut-on lire sur ces banderoles. « Nous étions très heureux d'apprendre que l'Etat d'aider les entreprises du textile à se redresser mais nous avons vite déchanté en entendant parler de cette mesure concernant l'importation de la friperie », s'indigne Mourad, la cinquantaine, qui travaille depuis vingt cinq ans dans une entreprise publique « qui se trouve entre la vie et la mort » comme il le souligne lui-même. « Qu'allons nous devenir lorsque nos entreprises fermeront les unes après les autres à cause de cette concurrence dont on peut se passer », s'interroge un autre protestataire venu écumer sa colère sur le seuil de l'organisation syndicale. Le secrétaire général de la fédération nationale du textile et cuir Amar Takdjout, s'est montré lui aussi virulent contre la réintroduction de l'importation des vêtements usagés. Il a relevé que cette action ne sera pas la dernière et la fédération prévoit d'autres mouvements de protestation pour que le gouvernement prenne conscience de la nécessité de protéger la production nationale déjà mise à mal par les importations massives d'articles étrangers essentiellement chinois et turcs. Ces actions seront certes pacifiques mais récurrentes afin d'assurer la pérennité d'une activité qui périclite. «Nous n'allons pas nous taire. Car, cette décision de l'APN est scandaleuse. Nous comptons rassembler tous les travailleurs en septembre », a-t-il averti. La levée sur l'interdiction de l'importation de la friperie a étonné plus d'uns. D'autant plus qu'elle intervient au moment où le gouvernement avait annoncé son intention de consacrer pas moins de 2 milliards de dollars pour sauver le secteur du textile de la faillite et lui permettre de revenir au top niveau afin d'être concurrentiel. Plusieurs membres du Conseil de la nation avaient saisi l'occasion du débat sur la LFC 2011 pour contester l'importation de la friperie. Ils ont même suggéré d'amender une nouvelle fois l'article concerné afin de revenir sur la levée de l'interdiction. Outre le préjudice que cela pourrait porter à l'industrie nationale du textile, un sénateur a souligné que « l'article relatif à cette autorisation n'a pas pris en considération l'aspect sanitaire de ces importations, dont les tests ont prouvé leur danger sur la santé des citoyens. M. Sidi Athmane Lakhdar, qui a dénoncé l'institution de cette mesure, déjà annulée par le passé par les autorités, a exhorté les autres membres du Conseil à voter la LFC sans l'article 7 bis autorisant l'importation de la friperie. Quatre députés (deux RND, un MSP et un indépendant) de l'assemblée populaire nationale (APN) avait introduit un amendement pour la levée de l'interdiction de l'importation de vêtements usagés. L'uns des motifs avancé pour justifier cette décision est lié aux emplois crées par l'importation, le commerce et la distribution de la friperie et qui serait au nombre de 15000. Selon une source proche du secteur du textile, le gouvernement par la voix de son ministre des finances Karim Djoudi aurait été contre cette décision en évoquant les conséquences que cela impliquerait pour l'industrie nationale du textile au moment où le gouvernement tente d'insuffler une nouvelle dynamique à ce secteur. Les vêtements usagés seront dédouanés conformément à la position tarifaire 69-09. L'importation ne pourra se faire qu'à travers les infrastructures portuaires. En d'autres termes, les transports aérien et maritime ne sont pas autorisés à transférer ce genre de marchandises. Selon certaines estimations, le nombre d'importateurs de friperie est de 146 et celui des fripiers grossistes serait de 3000. Avant son interdiction, l'importation de friperie se chiffrait à 13 millions de dollars.