Rachida T. Les nouvelles conditions du commerce extérieur instaurées par la loi de finances complémentaire 2009 commencent à coûter cher aux importateurs algériens, dont les marchandises sont bloquées dans les ports espagnols et français depuis fin juillet dernier. Dès l'annonce de la nouvelle disposition instaurant le crédit documentaire comme seul mode de paiement des importations, les banques et les douanes ont gelé systématiquement toutes les opérations de dédouanement. L'entreprise nationale de transport de marchandises «CNAN» a, de son coté, suspendu toutes les opérations de chargement de marchandises sur ses bateaux dans tous les ports du monde sans crédits documentaires. La CNAN a également adressée une correspondance aux ports de Marseille et de Barcelone pour les informer du gel des chargements des marchandises demandées par les importateurs algériens sans crédits documentaires. Les ports européens, premiers fournisseurs de l'Algérie en termes de marchandises, ont été avertit des nouvelles conditions du commerce extérieur. Le gel des chargements à partir des ports étrangers coûte des sommes colossales aux importateurs algériens, les seuls bénéficiaires dans cette histoire restent bien sur les fournisseurs étrangers. Les importateurs algériens ne pourront plus bénéficier du paiement par facilité, un mode généralement utilisé dans le commerce extérieur au lieu de cela ils seront obligés de recourir au crédit documentaire pour payer cash leurs marchandises. Le crédit documentaire est un moyen de paiement très sécurisé, toutefois les délais de mise en place sont relativement longs et les banques algériennes demandent des provisions importantes pour ouvrir un crédit documentaire. Les importateurs risquent de payer cher cette disposition trop contraignante qui ne bénéficie apparemment qu'aux fournisseurs et aux ports étrangers. Le ministère des Finances a voulu, fin de la semaine dernière, se rattraper en accordant une mesure d'exception pour débloquer la situation qui ne pénalise pas seulement les opérateurs économiques mais menace la sécurité alimentaire du pays vu qu'une grande partie de nos besoins sont importés de l'étranger. Il s'agit en réalité d'un sursis pour les importateurs et les opérateurs économiques qui peuvent retirer les marchandises au niveau des ports et aéroports algériens en appliquant les anciennes procédures en matière de dédouanement et de formalités bancaires. Ce nouveau texte transmis mercredi par la Banque d'Algérie aux établissements banquiers concerne «toutes les marchandises qui ont commencé à être expédiées des différents pays de provenance avant le 4 août dernier». Toute opération d'importation antérieure au 4 août sera dédouanée. «Les opérateurs et les importateurs peuvent dédouaner leur marchandise et la sortir des ports dès présent. Pour cela, ils doivent présenter une copie de la lettre de transport comme preuve que leur marchandise bloquée aux ports ou encore en mer a été expédiée avant le 4 août du pays d'où elles proviennent pour que les banques et les services des douanes procèdent immédiatement aux traitements adéquats pour sortir ces marchandises». ********* Une situation bloquée ***** Aucun délai limite n'a été fixé par la banque d'Algérie pour opérer cette opération. Elle concerne toutes les marchandises embarquées avant la fin juillet et début août. Les services concernés sont instruits de traiter ces marchandises en fonction de leur arrivée au fur et à mesure. Pour éviter d'éventuels problèmes, les opérateurs doivent présenter des justificatifs pour les dates. Pour les importateurs, cette mesure d'exception ne va aucunement régler la grave situation, nombreux opérateurs économiques craignent des répercussions irréversibles sur le tissu économique algérien. «L'obligation faite aux opérateurs de recourir au crédit documentaire va porter un sacré coup aux entreprises algériennes dépendantes des matières premières importées de l'étranger. Des sociétés peuvent disparaitre du jour au lendemain en raison de la suspension des importations des matières premières en particulier dans le secteur industriel», signale cet expert en économie. En réalité rares sont les entreprises algériennes qui disposent de grands moyens financiers pour se permettre de payer cash leurs importations. Les organisations patronales à l'instar de la Confédération des industriels et producteurs algériens (Cipa) et la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) avaient plaidé au cours de cette semaine pour l'application du mode de paiement par crédit documentaire seulement sur les importations de produits finis. EIles revendiquent ainsi la suppression de ce mode de paiement pour les entreprises achetant des matières premières sur le marché international. Selon ces organisations patronales, la suppression de cette disposition est nécessaire pour les entreprises créatrices de valeurs ajoutées qui sont dans l'incapacité de mobiliser des fonds importants pendant une période dépassant souvent trois à quatre mois pour l'achat des matières premières. Cependant, selon les experts, cette revendication des patrons a peu de chance d'être prise en considération par le gouvernement. «En limitant le paiement par crédit documentaire aux produits finis importés, l'Algérie court un risque sur le plan international. Dans le contexte de l'économie de marché et des accords de libre-échange signés avec l'Union européenne et la ZALE, cette mesure de limitation du crédit documentaire aux seuls produits finis sera vue comme une disposition de favoritisme du produit local», précise ces experts.