L'affaire de l'opposant gauchiste marocain, Mehdi Ben Barka, enlevé à Paris et assassiné en octobre 1965, a été relancée après l'apparition-surprise d'un dossier de 95 pages de la gendarmerie française. En fait, l'écrivain français Georges Fleury affirme détenir ce dossier de la gendarmerie qui révèle, entre autres mystères, que le corps du défunt Ben Barka a été incinéré à l'Essonne, dans la banlieue parisienne. A cet effet, l'avocat de la famille Ben Barka, Me Maurice Buttin, demande une relance de l'instruction suivant ce dossier de la gendarmerie censé résoudre le mystère sur cette affaire qui a mis en émoi toute la gauche du monde entier. La disparition de cette figure emblématique de la gauche mondiale implique les services spéciaux français et marocains, ainsi que des membres de la pègre parisienne. Après presqu'un demi-siècle de procédures judiciaires, l'affaire Ben Barka est devenue mythique et a intrigué des générations de magistrats. Georges Fleury était un ancien commando de l'armée française. Après sa retraite, il est devenu un historien amateur. Il a remis le dossier au «Journal du dimanche» (hebdomadaire français, ndlr) qui l'a publié. Georges Fleury dit l'avoir reçu dans les années 80 d'un homme qu'il n'a pas nommé. D'après le JDD, le dossier est constitué de procès-verbaux d'une enquête de gendarmerie de 1966, faisant état d'une possible incinération du corps de Mehdi Ben Barka par un habitant de Fontenay-le-Vicomte (Essonne), puis de l'immersion des cendres dans un étang, en échange de cinq millions de francs. Dans les pièces, la personne incriminée nie mais les gendarmes disent avoir découvert sur les lieux supposés de l'incendie un morceau de tissu et une pièce de cuir. Dans la foulée, Me Maurice Buttin a déclaré, hier, à l'agence de presse Reuters qu'il allait demander au juge d'instruction Patrick Ramaël de se faire remettre ce dossier, en saisissant l'armée. «Ce que je vais demander c'est de récupérer le dossier, de demander à voir s'il y a un dossier de la gendarmerie», a-t-il dit. L'avocat se montre toutefois prudent et dit ne pas trop croire à la version rapportée, qui intervient après de très nombreux autres récits. «Cela ne me semble pas crédible, c'est une thèse de plus. Mais dans un dossier de 95 pages, on peut trouver des éléments intéressants, des personnes qui auraient pu savoir et participer. Il y a une chance sur cent mais il faut la tenter», relève-t-on des déclarations de l'avocat. Pour Me Buttin, «la solution est au Maroc» et «le vrai problème réside dans la suspension par le parquet de Paris le 2 octobre de la diffusion internationale de quatre mandats d'arrêt visant des responsables officiels marocains dans l'enquête». L'avocat des Ben Barka reste sceptique Cette apparition-surprise du dossier vient après la diffusion, le 1er octobre dernier, de ces quatre mandats d'arrêt demandée par le juge d'instruction et acceptée par le ministère de la Justice française. Le lendemain, le parquet de Paris avait annoncé la suspension de la diffusion de ces mandats, expliquant cette mesure par «des précisions demandées par Interpol pour les rendre exécutables». L'avocat des Ben Barka a soupçonné «une intervention politique » pour cette volte-face, officiellement justifiée par des motifs techniques. Les mandats d'arrêt internationaux visent le général Hosni Benslimane, l'actuel chef de la Gendarmerie royale marocaine, le général Abdelhak Kadiri, ancien chef des services de renseignement, Miloud Tounzi, membre présumé du commando qui a enlevé l'opposant, et Abdelhak Achaachi, ancien agent du Cab 1, une unité d'élite des services secrets. Tous les juges qui ont été au fait du dossier Ben Barka ont confirmé un scénario connu : «Mehdi Ben Barka a été enlevé et séquestré près de Paris par des truands français travaillant pour le Maroc, et dirigés par les services secrets marocains».