Une table ronde a été consacrée, hier, au sein du centre de presse du quotidien El Moudjahid autour du thème de la micro finance comme facteur de développement. A la table des débats, pas moins d'une dizaine d'acteurs du domaine de la finance, des banques et des établissements financiers. Nacer Haïder, spécialiste de la micro finance auprès de la banque El Baraka Bank, fut le premier intervenant à définir le concept de la micro finance et sa genèse. Selon lui, l'exemple le plus probant de l'intérêt que l'on peut porter à la micro finance est sans nul doute l'incroyable destin de la Grameen bank. Son fondateur, Muhammad Yunus, enseignant à l'université aux USA, avait ainsi accordé 27 dollars à 42 familles du Bangladesh lors d'une terrible famine en 1974. Cette aide leur avait permis de créer de menus objets à vendre alors que les banques ne donnaient pas cher de leur solvabilité. Le prêt de Muhammad Yunus lui sera rendu au centime près, d'où sa conviction de l'utilité de prêter aux personnes en difficulté afin qu'ils créent leurs propres activités. Aujourd'hui, la Grameen banque possède un portefeuille de plus de 7 millions de clients et travaille dans plus de 50.000 villages. C'est à partir de cet exemple saisissant que M. Haïder a voulu définir la micro finance: «c'est la mise à disposition de services financiers au profit de populations en difficulté ou au faible revenu avec une finalité sociale». Aujourd'hui, selon lui, la micro finance existe partout dans le monde car les banques s'en sont emparées. Sauf dans notre pays où des absences sont relevées par M. Djerad, Président de l'ordre des experts comptables. D'après lui, la micro finance telle qu'elle se présente dans le monde est surtout l'apanage des «Institutions de Micro Finance» (IMF). Celles ci sont gérées par des ONG, des coopératives villageoises et d'autres acteurs de la société civile. En Algérie, la procédure est très différente. Le micro financement est, en théorie, l'affaire des banques qui, «elles n'en veulent pas, hélas !» a t-il-révélé. En effet, les nombreux dispositifs de micro financement : ANSEJ, ANJEM, CNAC restent réservés essentiellement pour les études et le conseil. L'obtention des micro- crédits relèvent de circuits bancaires traditionnels. En effet, avec des délais très longs et une absence d'accompagnement, tout porte à croire, selon lui, que les banques se désintéressent en Algérie au micro financement. Il soulignera l'appréhension avérée des banques et un désintérêt flagrant pour ce type de financement. Ceci serait dû, d'après lui, aux risques d'impayés, aux problèmes de solvabilité et à l'existence d'un grand nombre de postulants. Par ailleurs, le problème de l'accompagnement pose également problème. Par exemple, les banques implantées pour la plupart dans des agglomérations montrent très vite leurs limites lorsqu'il s'agit d'accompagner des projets ruraux : «je vois mal une femme qui habite dans un village de la wilaya de Tizi-Ouzou, descendre, à chaque fois, en ville pour les formalités et les procédures d'accompagnements» s'est-il interrogé. «Si, en Asie, les IMF suivent les projets et les accompagnent pour qu'ils ne meurent pas, en Algérie, les banques suivent, tout au plus, leurs procédures, du reste, contraignantes». Conséquences fatales pour les entreprises algériennes. «Quatre sur cinq d'entre elles finissent par mourir» a-t-il précisé. Poursuivant dans sa lancée, M. Djerad a déploré le manque d'études d'impacts qu'auraient les différents dispositifs de financement sur la société (chômage, problème d'accès au foncier, pérennité des projets, etc). Dans cette optique, la rencontre d'hier a été l'occasion pour la Caisse nationale d'assurance chômage (CNAC) d'annoncer l'intégration du mouvement associatif dans ses programmes d'aides à venir. Dorénavant, l'association SEVE (Savoir et Vouloir Entreprendre) aidera la CNAC à identifier les familles pouvant avoir droit à un micro financement. Les représentantes de cette association de femmes d'affaires se sont, toutefois, interrogés, à leur tour : «le micro financement a fait ses preuves partout dans le monde. Pourquoi pas ici ?». Il fut révélé, à cette occasion, que «nombres de femmes ayant bénéficié de micro crédits ont réussi à créer des activités. Certaines ont même embauché leurs enfants et leurs maris». A noter que ce débat riche en informations a vu la présence de représentants de la majorité des banques algériennes, ce qui en dit long sur l'intérêt que ces établissements ne manqueront pas de réserver à la micro finance, un créneau d'avenir. A l'unanimité, les nombreux acteurs présents ont confirmé l'intérêt manifeste de la micro finance dans le développement économique et social, la lutte contre l'exclusion et la création d'emplois et de richesses.