Le retour au pays jeudi soir des joueurs de l'Equipe nationale de football- a soulevé comme on s'y attendait un mouvement de foule invraisemblable- comme Alger n'en a pas connue depuis des lustres. Jeudi matin. Il n'est que 11h00, et le chemin qui mène vers l'aéroport est déjà embouteillé. Des centaines de voitures convergent vers le même endroit. Les citoyens veulent tous être présents pour l'arrivée des héros. Au même moment, des milliers de gens y affluent également, à pied cette fois-ci, à même l'autoroute, au milieu des véhicules qui roulent au ralenti. La police est vite débordée, et les sirènes commencent à s'alarmer. Des policiers en arrivent à quitter leurs vehicules et tentent tant bien que mal de fluidifier la circulation. Mission impossible. «Si ça continue, l'aéroport ne va pas suffire pour tout ce beau monde « nous déclare un automobiliste. Il faut croire que les forces de sécurité ont lu dans ses pensées. Pas plus de 5 minutes plus tard, l'accès à l'aéroport est tout bonnement fermé. Plus personne ne passe, il n'est que 11h20. Dans le brouhaha que créent les bruits des moteurs, des klaxons et des sirènes qui continuent à s'alarmer, des rumeurs circulent: «ils seront là à 14h, mais à cause de la foule, ils vont atterrir à l'aéroport militaire de Boufarik» dit-on du côté d'un groupe d'étudiants entassés dans une petite voiture. «Dès qu'ils poseront les pieds au sol, on les transférera vers le stade du 5 Juillet, pour que tout le monde puisse en profiter» renchérit un couple dont le moteur de la voiture est coupé depuis 10 minutes. Du côté de la police, aucune précision non plus: «Nous n'en savons rien, tout ce qui est sûr, c'est qu'il y a trop de monde pour que leur arrivée puisse se passer dans les meilleures conditions» nous a déclaré un agent. En attendant, certains automobilistes sont contraints de faire demi-tour. D'autres cherchent un stationnement dans les communes avoisinantes, tandis que les plus audacieux stationnent sur l'autoroute et quittent leurs vehicules. Pourtant, plus d'un kilomètre sépare l'entrée de l'aéroport au barrage de police qui en interdit l'accès. Mais les gens continuent à affluer, de plus en plus nombreux, de plus en plus jeunes. Même les voyageurs se voient refuser l'entrée. Ils sont pourtant étrangers pour la plupart, et sont chargés de valises et autres bagages. Contraints de rallier leur terminal à pied, ils se pressent, de peur de rater leurs avions, ils ne sont pas au bout de leur peine. Arrivé à destination, il faut montrer patte blanche, prouver qu'on voyage aujourd'hui. Pourvu qu'on ait réussie à se frayer un chemin au milieu des milliers de gens qui sont agglutinés autour de la police. Ça y est, on est y. On est à l'entrée de l'aéroport, du côté du parking. Des casques bleus postés à chaque endroit forment un bouclier, repoussent les milliers de jeunes plus ou moins disciplinés pour la circonstance. Ces derniers poussent. Ils sont nombreux, très nombreux. Des milliers. La police recule, on a gagné une centaine de mètres, sans aucune violence. On pousse encore, des femmes, des enfants, des familles entières se joignent au pèlerinage. Du côté de la police, on lâche encore du leste. Il est Midi, on y presque. 12h30, la foule est aux abords du hall de l'aéroport, une cinquantaine de mètres la sépare de l'emplacement le plus convoité d'Algérie. Là, la police ne reculera plus, il n'est plus question d'avancer, ce serait trop dangereux. Sans trop de heurts, les jeunes font la fête au nez de la police- pendant 4heures- sous un soleil de plomb, sans jamais se lasser en attendant l'arrivée de leurs idoles. La suite, on la connaît. Les joueurs arrivent vers 16h, embarquent dans un bus décapotable et font profiter le maximum d'Algérois, en défilant à la manière des équipes européennes. Au milieu d'une nuée d'Algériens et d'Algériennes, le bus rallie le centre-ville en 4 heures. La fête bat son plein. Les joueurs font le tour des places publiques avant de se rendre au Palais du Peuple où le président de la République les attendait. L'accueil a été à la hauteur de l'exploit des Verts. On parle de deux millions de personnes dans les rues d'Alger cette nuit-là.