Le nouveau médiateur international pour la Syrie, l'Algérien Lakhdar Brahimi, a affirmé dimanche qu'il ne s'agissait plus d'»éviter» la guerre civile dans ce pays, mais bien de l'»arrêter», au cours d'un entretien avec la chaîne de télévision France 24. «Une guerre civile, c'est la forme de conflit la plus cruelle, quand un voisin tue son voisin et parfois son frère, c'est le pire des conflits», a déclaré M. Brahimi, interrogé dans son appartement parisien. «Il y a beaucoup de gens qui disent qu'il faut éviter la guerre civile en Syrie, moi je crois que nous y sommes depuis déjà pas mal de temps. Ce qu'il faut, c'est arrêter la guerre civile et ça ne va pas être simple», a souligné le diplomate algérien. La Syrie est en proie à une révolte populaire, devenue conflit armé, qui a fait plus de 21.000 morts en 17 mois selon une ONG. En Syrie, «le changement est inévitable, un changement sérieux, un changement fondamental, pas cosmétique (...). Il faut que les aspirations du peuple syrien soient satisfaites», a jugé M. Brahimi, sans préciser si le départ du président syrien Bachar al-Assad du pouvoir était nécessaire. L'opposition syrienne avait critiqué plus tôt dans la journée Lakhdar Brahimi pour ne pas avoir explicitement demandé le départ de Bachar al-Assad. Ancien chef de la diplomatie algérienne, M. Brahimi, 78 ans, a accepté vendredi de prendre la difficile succession de Kofi Annan, au lendemain de la décision du Conseil de sécurité de mettre fin à la mission des observateurs de l'ONU qui étaient chargés de surveiller un cessez-le-feu jamais appliqué. Nouveau médiateur des Nations unies et de la Ligue arabe en Syrie, Lakhdar Brahimi a l'expérience des missions difficiles, après avoir été envoyé de l'ONU en Afghanistan et en Irak. Réussir là où Kofi Annan a échoué L'ancien ministre algérien des Affaires étrangères Lakhdar Brahimi a succédé à Kofi Annan comme émissaire international en Syrie, où les violences se poursuivent toujours, faisant des dizaines de victimes quotidiennement. Agé de 78 ans, M. Brahimi a été nommé dans la journée du 17 aout par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, médiateur de la Ligue arabe et de l'ONU en Syrie en remplacement de M. Annan. Nommé en février, Kofi Annan, dont le mandat s'achève officiellement fin août, avait décidé de ne pas poursuivre sa mission de médiation dans la crise syrienne. Il avait expliqué sa décision par la poursuite des violences et des combats entre rebelles et forces du régime syrien de Bachar Al-Assad, ainsi que par le fait qu'il n'avait «pas reçu tous les soutiens que la cause méritait». Son plan en six points élaboré pour mettre fin au conflit syrien est resté lettre morte. Diplomate aguerri, M. Lakhdar Brahimi a déjà été émissaire de l'ONU en Afghanistan à la suite des attentats du 11 septembre 2001, puis en Irak après l'invasion de 2003. Il s'est fait déjà connaître en 1989, comme émissaire de la Ligue arabe, en contribuant à la signature d'un accord mettant fin à 17 ans de guerre civile au Liban. Les Etats-Unis qui ont salué l'expérience de M. Lakhdar Brahimi ont souhaité avoir plus de précisions sur le mandat du nouvel émissaire international. «Il nous faut plus de précisions de la part de l'ONU sur le mandat de M. Brahimi à son nouveau poste», a déclaré le porte-parole adjoint du président Barack Obama, Josh Earnest. Parfum de polémique Lakhdar Brahimi a précisé dimanche des propos sur la question de savoir si le moment était venu de réclamer le départ du président syrien Bachar al-Assad, lors d'un entretien téléphonique à la chaîne Al-Jazeera du Qatar. «Concernant (la question de savoir) si M. Assad va partir ou pas, je n'ai pas dit que ce n'était pas le moment pour lui de partir», a déclaré le diplomate algérien. Selon des propos rapportés par l'agence Reuters sur la nécessité d'un départ de M. Assad, M. Brahimi avait dit: «Il est bien trop tôt pour que je puisse prendre position sur ce sujet. Je n'en sais pas assez sur ce qui se passe». Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, s'était dit dans un communiqué «choqué» par ces propos et avait réclamé des excuses. M. Brahimi a estimé dimanche que c'était plutôt au CNS de lui adresser des excuses «car ils pouvaient m'appeler et me poser la question», assurant qu'un membre du CNS l'avait contacté samedi sans faire état de reproches de la part de l'organisation. Le diplomate algérien a invité l'organisation à discuter avec lui, tout en insistant: «Cette affaire est très importante, trop importante pour que j'en parle sur Al-Jazeera ou sur d'autres médias». «Je suis actuellement en route pour New York afin de rencontrer les responsables des Nations unies (...). Après cela, je réfléchirai à ce sujet et à d'autres questions», a-t-il encore dit. «Je suis là et tout le monde peut venir (me parler) mais je ne m'adresse pas aux gens à travers les médias (...). Qu'ils m'appellent et nous parlerons de la Syrie comme ils veulent», a-t-il poursuivi. La nomination vendredi par le Conseil de sécurité de l'ONU de Lakhdar Brahimi a été saluée par l'Occident, par la Russie et la Chine et par Damas. Sur le terrain, les opposants expriment cependant souvent leur frustration devant ce qu'ils considèrent comme l'impuissance de la communauté internationale à mettre fin à la répression. Entretien à Paris entre Brahimi et le président Hollande Le nouveau médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, M. Lakhdar Brahimi, s'entretiendra lundi après-midi à l'Elysée de la crise syrienne avec le président français François Hollande, a annoncé une source officielle. M. Brahimi devait être reçu à 16h30 (14h30 GMT) par M. Hollande, a indiqué la présidence française dans un communiqué. Le président français s'entretiendra aussi de la crise syrienne mardi matin avec son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, de retour d'une tournée dans la région, selon la même source.