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Face à l'inflation et la détérioration du pouvoir d'achat des Algériens, la sphère informelle, produit de l'incohérence de la réforme globale en Algérie
Dr Abderrahmane Mebtoul / Expert International – Economiste Suite à mes précédentes publications relatives à l'essence de l'inflation, la répartition du revenu national et son impact sur la détérioration du pouvoir d'achat des Algériens, je me propose dans cette modeste contribution d'analyser un sujet stratégique qui a des répercussions à la fois politiques et socio-économiques, le fondement de la sphère informelle et ses liens dialectiques avec la régulation globale en Algérie à partir de six axes directeurs. 1. Premièrement, comment définir la sphère informelle ? Le concept de «secteur informel» apparaît pour définir toute la partie de l'économie qui n'est pas réglementée par des normes légales. En marge de la législation sociale et fiscale, elle a souvent échappé à la Comptabilité Nationale et donc à toute régulation de l'État, encore que récemment à l'aide de sondages, elle tend à être prise en compte dans les calculs du taux de croissance et du taux de chômage. Il y a lieu de différencier la sphère informelle productive qui crée de la valeur de la sphère marchande spéculative qui réalise un transfert de valeur. L'économie informelle est donc souvent qualifiée de « parallèle », « souterraine », « marché noir » et tout cela renvoie au caractère dualiste de l'économie, une sphère qui travaille dans le cadre du droit et une autre sphère qui travaille dans un cadre de non-droit, étant entendu que le droit est défini par les pouvoirs publics en place. Pour les économistes, qui doivent éviter le juridisme, dans chacune de ces cas de figure, nous assistons à des logiques différentes tant pour la formation du salaire, du crédit et du taux d'intérêt qui renvoient à la nature du régime monétaire dualiste , la formation des prix et des profits dépendant dans une large mesure de la forme de la concurrence sur les différents marchés, la différenciation du taux de change officiel et celui du marché parallèle, de leur rapport avec l'environnement international (la sphère marchande étant en Algérie mieux insérée au marché mondial que la sphère réelle) et en dernier lieu leur rapport à la fiscalité qui conditionne la nature de leur rapport à l'Etat, le paiement de l'impôt direct étant un signe d'une plus grande citoyenneté, les impôts indirects étant injustes par définition, puisque étant supportés par tous les citoyens riches ou pauvres. Aussi, l'économie informelle est réglée par des normes et des prescriptions qui déterminent les droits et les obligations de ses agents économiques ainsi que les procédures, en cas de conflits, ayant sa propre logique de fonctionnement qui ne sont pas ceux de l'Etat, nous retrouvant devant un pluralisme institutionnel/juridique contredisant le droit traditionnel enseigné aux étudiants, d'une vision moniste du droit. Ces pratiques informelles ont des impacts sur la régulation économique et sociale globale de tout système. Cette hétérogénéité, caractérisant la plupart des pays où domine la sphère informelle, traduit ainsi la discrimination vis-à-vis de l'accès au crédit, au foncier et explique la faible productivité globale. En fait, pour une analyse objective et opérationnelle, on ne peut isoler l'analyse de la sphère informelle du mode de régulation mis en place c'est-à-dire des instituons et en Algérie, l'extension de la sphère informelle est proportionnelle au poids de la bureaucratie qui tend à fonctionner non pour l'économie et le citoyen, mais en s'autonomisant en tant que pouvoir bureaucratique. Dans ce cadre, il serait intéressant que les sociologues analysent les tendances et des mécanismes de structuration et restructuration de la société, notamment des zones urbaines, suburbaines et rurales, face à la réalité économique et sociale des initiatives informelles qui émergent, impulsant une forme de régulation sociale. Cela permettrait de comprendre que face aux difficultés quotidiennes, le dynamisme de la population s'exprime dans le développement des initiatives économiques informelles pour survivre, ou améliorer le bien-être, surtout en période de crise, notamment pour l'insertion sociale et professionnelle de ceux qui sont exclus des circuits traditionnels de l'économie publique ou de la sphère de l'entreprise privée. Ainsi, on retrouve les deux éléments fondamentaux de l'origine de cette sphère ; la délivrance ou pas des titres de propriété et la confiance ou la méfiance sur lesquels sont basés l'Etat de droit et la construction d'une véritable économie de marché concurrentielle, en précisant que l'Etat de droit, comme le démontre les expériences historiques ne recoupe durant une période de transition forcément la démocratie, cette dernière étant le but suprême. Ce qui m'amène à la deuxième question. 2 –Deuxièmement, quelle est l'évolution de la sphère informelle en Algérie ?
Nous avons deux périodes, la première pouvant aller jusqu'en 1986/1987 avec la gestion administrative centralisée qui avait consacré le système de l'État- providence prônant le plein emploi par le moyen de sureffectifs dans les entreprises publiques et les administrations pour acheter, du moins temporairement, la paix sociale, date de la crise où les recettes des hydrocarbures se sont effondrés ayant assisté sous la pression des évènements extérieurs à des réformes timides et la période de 1986 à nos jours avec le point culminant de 1994, date du rééchelonnement et de l'ajustement structurel, étant toujours dans cette interminable transition, ni économie de marché concurrentielle, ni économie administrée –expliquant- d'ailleurs les difficultés de la régulation politique, sociale et économique. Durant la première période, l'Etat fixe les prix, les salaires, le taux d'intérêt, le taux de change d'une manière administrative Pour preuve, on distribue des bénéfices même aux unités déficitaires et nous avons un quasi-monopole sur toutes les activités. Encore qu'avec l'envolée des prix du pétrole ces dernières années, la tentation est grande sous la pression populiste de revenir à l'ancienne période, ce qui serait suicidaire pour l'avenir du pays, montrant d'ailleurs qu'il y a un lien inversement proportionnel entre l'avancée des réformes et l'évolution du cours des hydrocarbures, réformes ralenties paradoxalement lors que le cours est en hausse alors que cela devrait être le contraire si l'on veut préparer l'ère hors hydrocarbures. Comme conséquence des politiques de cette période et cela n'est pas propre à l'Algérie, les pays de l'ex-camp communiste, ayant connu le même phénomène, nous assistons à l'extension de la sphère informelle, où nous avons le prix fixé par l'Etat bas, dont bénéficient une minorité qui devant également la rareté de l'offre, nous trouvons ces mêmes marchandises sur le marché parallèle- au prix du marché- donnant des rentes de situation à une frange de monopoleurs issus du secteur d'Etat. Sur le plan externe les trafics aux frontières profitent de cette distorsion de prix et également sur le marché de la devise, pénalisant en dernier lieu le budget de l'Etat algérien. Pour la seconde période non-achevée, les entreprises publiques subissent des “plans sociaux» qui se traduisent par des dégraissages massifs, et l'enjeu à l'avenir qui sera plus douloureux -est l'ajustement social- de la fonction publique, les salaires des fonctionnaires devant coûter au Trésor public 1.500 milliards de dinars en 2010 avec un effectif dépassant 1,6 millions contre environ 500.000 travailleurs dan le secteur public économique. Cette période est caractérisée par une la libération des prix et la levée du monopole de l'Etat sur le commerce extérieur qui expliquent pour beaucoup les changements qui ont lieu dans l'économie informelle, changements sans la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation dans la mesure où en économie de marché la fonction de l'Etat régulateur est stratégique. Ce qui explique que l'ouverture anarchique avec une tendance du passage d'un monopole d'Etat à un monopole privé beaucoup plus néfaste, a donné lieu à de nouvelles pratiques informelles. Avec la consécration de la convertibilité commerciale du dinar en 1994, les sociétés d'import-export ont ainsi commencé à connaître une prolifération, la majeure partie de ces sociétés ayant été créées soit par des détenteurs de capitaux ou par d'anciens cadres du secteur public en quête de placements à gains à très court terme. Faute d'institutions solides s'adaptant à la nouvelle situation, car le contrôle s'avère de peu d'efficacité (sinon il faudrait une armée de contrôleurs avec des coûts faramineux), nous assistons à une multiplication des petites activités informelles se concentrant surtout dans le petit commerce et les services, comme mode de survie dans un marché de l'emploi en crise. A cet aspect, se sont greffés la fraude fiscale, corruption et les détournements des fonds publics.