La complexité des accords entre la Sonatrach et les compagnies espagnoles laisse perplexe tous les observateurs. En effet, pourquoi donc acheter toujours le même produit qu'on estimait déjà médiocre ? En fait, les discordes algéro-espagnoles entrent nettement dans le cadre de négociations « difficiles et multiformes» sur les différents aspects de la coopération énergétique. La compagnie espagnole Repsol gagnait avant-hier un permis pour la zone gazière d'Illizi Sud-Est, à la frontière avec la Libye. Le 3 septembre dernier, la Sonatrach a mis fin à un grand contrat gazier qui la lie aux sociétés espagnoles Repsol et Gas Natural concernant l'exploitation des gisements gaziers de Gassi Touil, dans l'Est du pays. L'Espagne a également demandé des ristournes sur le gaz algérien qui transitent via la péninsule ibérique. Vers le début de l'été prochain, le tribunal d'arbitrage en Suisse tranchera sur cette affaire. Dans un communiqué de presse peu détaillé, la Sonatrach reproche à ses partenaires espagnols d'être à l'origine d'un « échec financier important » et d'un « fiasco industriel », ne pouvant respecter les délais de la réalisation. Cet accord, le plus important signé en 2004, entre les deux parties, prévoyait, rappelons-le, la création d'une société commune pour l'exploitation du site et un investissement de 5,2 milliards d'euros sur quarante ans. Les travaux de développement portaient sur le forage de 52 puits, l'exploitation des 16 déjà existants ainsi que la mise en place d'un complexe de traitement de 22 millions de m3 de gaz par jour. Les responsables de Repsol s'étaient engagés à livrer le dispositif en 2009. Le résultat est que Repsol a demandé des rallonges de budgets, le devis initial dépassé, dû à une forte hausse des coûts industriels, ils ne seraient pas en mesure d'assumer leurs engagements avant 2012. La Sonatrach ajoute toutefois que ce litige ne remet pas en cause ses relations avec Repsol sur d'autres projets. Génèse du différend Sontrach/Repsol & Gas Natural L'accord sur Gassi Touil a été négocié en 2003, année où le prix du gaz était à son plus bas niveau. Jadis, la stratégie nationale consistait alors à attirer les investissements étrangers et privilégiait l'entrée majoritaire de ses partenaires dans des contrats de partage de production. La présidence de la République promettait même de libéraliser complètement l'exploitation des gisements pétrolifères et gaziers. Saisissant cette opportunité, Repsol et Gas Natural sont devenus des actionnaires majoritaires sur le projet et négocier des bénéfices sur l'exploitation et la commercialisation du gaz sur le marché européen. Quelques mois après, les cours des hydrocarbures ont flambé mettant les pays producteurs en position de force. Juillet 2006, la nouvelle loi sur les hydrocarbures prévoyait une participation de la Sonatrach allant de 20 % à 30 % dans tous les projets d'exploration, production et commercialisation, la part de l'entreprise publique ne peut plus être inférieure à 51 %. Dans le même temps, les autorités ont fortement relevé la fiscalité du secteur dès que le cours du baril dépasse les 30 dollars. «Inspiré par les Russes et les Vénézuéliens, le président algérien ne compte pas laisser aux majeurs étrangers les juteuses retombées de la manne pétrolière et gazière», écrit le journaliste de Jeune Afrique. Depuis 2005, le ministère de l'Energie réclamait une revalorisation de 12 % sur une partie du gaz qu'elle commercialise en Espagne. Après le retrait de Total et BP, la Sonatrach demandait à monter en puissance dans le capital de Medgaz. Ce gazoduc doit relier le port de Béni-Saf, à l'Ouest d'Oran, à la ville espagnole d'Almeria, distante de 200 km. Il acheminera 8 milliards de m3 de gaz supplémentaires vers l'Espagne en 2009 - contre 9 milliards actuellement - puis 16 milliards dès 2015. Les Algériens menaçant de geler le projet, les Espagnols ont dû céder en juillet dernier sur les deux points. La Sonatrach a obtenu sa revalorisation tarifaire et 36 % des parts de Medgaz au lieu des 24 % initiaux. Les autres partenaires sont Cepsa (20 %), Iberdrola (20 %), Endesa (12 %) et Gaz de France (12 %).