Instabilité politique, affrontements entre milices, enlèvements et meurtres ciblés: la Libye a vu, durant l'année 2013, sa situation se dégrader davantage, deux ans après la chute du régime de Maamar El-Gueddafi. Face au vide institutionnel consécutif au renversement de l'ancien régime, les autorités de transition ont du composer avec les ex-rebelles organisés en milices armées, officiellement rattachées au ministère de l'Intérieur, mais qui n'hésitent pas à défier l'Etat lorsque leurs intérêts sont menacés. Des accrochages sanglants entre miliciens rivaux qui avaient participé aux combats à Tripoli jusqu'à la chute de l'ancien régime en octobre 2011, ont émaillé l'année qui s'achève. A Tripoli, les habitants n'ont pas cessé de protester contre la présence dans la capitale des milices armées notamment celles venant d'autres régions. Les dizaines de groupes présents dans le pays, constitués et armés lors du conflit de 2011, sont accusés de s'adonner à toutes sortes de trafic et de pratiquer tortures, enlèvements et détentions arbitraires au secret. Au nom de la "légitimité révolutionnaire" issue de la guerre de Libye en 2011, les milices ont été accusées de s'arroger des droits et des fonctions régaliens, se partageant des zones d'influence et de contrôle ainsi que les voies de la contrebande. En colère depuis que son chef militaire a été neutralisé en novembre dernier par un commando inconnu, la milice de Misrata est toujours en conflit avec les villes voisines et surtout avec les tribus Warflla demeurées plus ou moins fidèles à l'ancien régime. Elle se heurte aussi à Tripoli et à Benghazi. Le risque d'affrontements n'est pas totalement écarté par les observateurs même si aujourd'hui la plupart des milices de Misrata ont évacué Tripoli. Les milices de Jadu, de Nalut et de Gharyan, dans le nord-ouest du pays, leur ont emboîté le pas sous la pression de la rue et à la demande pressante des autorités, en attendant leur désarmement et intégration dans les services de sécurité, conformément à un plan gouvernemental. Le pays toujours pas stabilisé Ce climat inquiète de plus en plus la population. Le bref enlèvement du Premier ministre Ali Zeidan, a été interprété comme le signe de "l'incapacité des autorités" face aux milices faute de police et d'armée professionnelles. Les plus grandes villes du pays ont été le théâtre d'attaques ciblant des juges, des militaires ou des policiers soupçonnés d'appartenir à l'ancien régime. C'est d'ailleurs sous la pression des milices, qui ont assiégé trois ministères en avril 2013 que le Parlement a été forcé d'adopter, en mai, une loi controversée excluant du pouvoir tout responsable ayant servi sous El-Gueddafi. Les milices ont obtenu que la loi d'exclusion politique, qui vise à exclure tous les responsables politiques associés de près ou de loin à l'ancien régime, ne soit assortie d'aucune dérogation. Elles ont même obtenu la démission du ministre de la Défense et du président du Congrès général national (CGN), la plus haute autorité du pays. La ville de Benghazi, capitale de la Cyrénaïque et où pullulent des milices puissantes, hostiles au fédéralisme, est aussi agitée. Les attentats s'y sont multipliés et le chef de la police militaire du pays, Ahmed al-Barghathi, y a été assassiné devant son domicile. Plusieurs officiers ont subi le même sort depuis la chute de l'ancien régime. C'est à Benghazi également qu'il y a un an était assassiné l'ambassadeur américain Christopher Stevens. Et le 11 octobre dernier, c'est le consulat de Suède qui était visé par un attentat à la voiture piégée qui n'a pas fait de victimes. Désintérêt des électeurs Sur le plan économique, la région qui détient 80 % des ressources pétrolières du pays, est en panne sèche depuis mi-août, lorsque d'ex-rebelles ont bloqué les puits de pétrole. La production d'or noir, qui avait retrouvé son niveau d'avant-guerre à 1,6 million de barils par jour, a, depuis, dramatiquement plongé à 100.000 barils par jour en raison de la confusion sécuritaire à l'intérieur et aux frontières du pays. A cette situation sont venues se greffer des incertitudes politiques. Le pays doit organiser au printemps prochain l'élection d'une Commission constitutionnelle, devant être composée de 60 membres représentant à égalité les trois régions historiques de la Libye - la Cyrénaïque (est), le Fezzan (sud) et la Tripolitaine (ouest). Mais jusqu'ici les Libyens ne se sont pas bousculés pour aller s'inscrire pour ce scrutin. Seuls 436.437 des 3,4 millions d'électeurs l'ont fait, selon les dernières statistiques de la Haute Commission électorale (Hnec). L'insécurité persistante dans le pays et l'absence d'une feuille de route claire pour la période de transition, seraient à l'origine de ce désintérêt. En raison de ce faible engouement, la Hnec a plusieurs fois repoussé la date limite d'inscription, désormais fixée au 21 décembre.