Dr Abderrahmane Mebtoul / Expert International Economiste 2ème partie et fin
III- LE RISQUE D'UN RETOUR A L'INFLATION MONDIALE Face à cette situation, il s'ensuit que le risque est de s'orienter vers un retour à l'inflation à l'échelle planétaire, mais fait nouveau, conséquence à la fois de la combinaison cette fois de bulles financières et de bulles budgétaires (l'expérience récente de la Grèce en semi-faillite devrait être méditée). Ce risque est anticipé par une étude du Fonds monétaire international (FMI) publiée le 11 février 2010 «repenser la politique macroéconomique». Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI, suggère ainsi dans son étude aux autorités monétaires d'envisager un relèvement de leur objectif d'inflation à 4% en 2011 au lieu de 2% afin d'accroître l'efficacité des politiques monétaires. Il est d'ailleurs attendu que la Fed relève dans un proche avenir son taux d'escompte, mais d'une manière graduelle. En effet, selon le président de la FED, Ben Bernanke, dans un discours publié le 12 février 2010 sur le site de la Banque centrale américaine : «sous peu, nous nous attendons à envisager une hausse modeste du Spread entre le taux d'escompte et le taux des Fed funds. Cet écart, de 100 pb, a été ramené à 25 pb lors du déclenchement de la crise financière. Les Fed funds sont aujourd'hui à 0-0,25% et le «discount rate», taux auquel les banques commerciales peuvent se financer directement auprès de la Réserve fédérale, à 0,50%. Ce dernier devrait donc augmenter, mais sans grande conséquences. La Fed peut notamment augmenter le taux d'intérêt versé sur les réserves des banques, ce qui amènerait ces dernières à accroître d'autant les taux qu'elles demandent sur le marché monétaire». C'est justement les craintes du processus inflationniste incontrôlé, (surchauffe) qui a fait réagir les autorités chinoises suite au programme de relance de 4. 000 milliards de yuans (soit 12 % du PIB) mis en place par la Chine jusqu'en 2010 (au titre duquel environ la moitié des dépenses ont déjà été réalisées), ce qui fait craindre un ralentissement de l'économie mondiale et donc des exportations européennes. En effet, la Banque centrale de Chine a annoncé le 11 février 2010 un nouveau relèvement du taux de réserves obligatoires des banques, intervenant alors que les autorités souhaitent renforcer le contrôle du crédit. «Un resserrement monétaire ferait du tort à la confiance en la reprise mondiale parce que la Chine en est le moteur principal», selon le cabinet Currencies Direct. Ce retour à l'inflation mondiale est certes atténuée par l'ampleur du chômage (faible demande) et pour l'avenir ne peut provenir que d'une distorsion des salaires entre les pays dits développés et les pays émergents dont la Chine, le Brésil et l'Inde. Cela suppose donc plus d‘ouverture économique des pays développés et donc des «respécialisations» au niveau mondial rivant les pays émergents et certains pays du tiers monde dans la production de biens salaires à bas prix à destination des pays développés. Allons-nous dans cette tendance alors que les exigences supposent une élévation des niveaux et genre de vie de l'ensemble de la zone Sud ? Car, l'apparence d'un retour à un dollar fort ne doit pas faire illusion. La résistance relative du dollar face à l'euro (encore qu'il faille préciser que le dollar était coté en janvier 2000 à environ 0,90 dollar pour un euro soit un dérapage de plus de 40/45% par rapport à mars 2010) est liée à la liquidation par les investisseurs américains de leurs positions sur les marchés financiers internationaux et à la politique monétaire chinoise. Concernant justement les bons du trésor représentant environ 45 % de la dette totale externe des Etats-Unis, ils sont concentrés surtout au niveau de la banque centrale de Chine. Au mois de juin 2009, sur 2000 milliards de dollars de réserves de change chinois (dont une grande partie grande libellée en dollars) la Chine détient 712 milliards de dollars de bons du Trésor (selon les statistiques américaines). Malgré certaines déclarations contre l'hégémonie du dollar, la Chine continue à être un gros acheteur de bons du Trésor US. Ainsi, la crise a rendu de facto l'économie américaine encore plus dépendante de la Chine et la Chine plus dépendante des USA, car, toute contraction de la demande affecte les exportations chinoises. Mais est-ce que cette situation pourra continuer à l'avenir ? Tout dépendra de l‘attitude de la Chine donc, premier créancier des Etats-Unis et tout le problème est le suivant : les Chinois (et d'autres notamment l'Inde, la Russie, le Japon, les pays du Golfe à excédents financiers) continueront-ils à acheter des bons du Trésor des Etats-Unis où s'orienteront-ils vers les émissions des droits de tirages spéciaux émis récemment par le FMI ? Les USA à travers le dollar bien qu'en diminution relative dans les transactions internationales, feront tout pour rester encore longtemps la première puissance et la locomotive de l'économie mondiale. Abderrahmane MEBTOUL (économiste Algérie) et Gilles BONAFI (économiste France) Sources: - OCC page 12 http://www.occ.gov/ftp/release/2009-114a.pdf -BRI rapport trimestriel page 11, http://www.bis.org/publ/qtrpdf/r_qt1003b_fr.pdf -Voir tableau statistique dernier rapport tableau OCDE janvier 2010 sur l'endettement public.