L'Algérie a du mal de passer du statut de mono-exportatrice d'Hydrocarbures, à celui d'exportatrice hors Hydrocarbures pour de multiples raisons. C'est ce qu'explique Ali BEY Nasri, Conseiller en exportations dans cet entretien accordé au Financier. Le Financier ; Comment se présente actuellement la démarche d'exportation en Algérie? Ali BEY Nasri : Comme toujours, elle est très difficile, comme par le passé. Nous souffrons toujours d'un manque de stratégie en la matière dans le pays (Algérie). L'entreprise qui exporte doit être compétitive, mais avant tout, il faudrait que le pays soit compétitif. Malheureusement à ce niveau, nous avons beaucoup de surcoûts pour être compétitifs à l'exportation. Quels sont les problèmes réels auxquels est confronté l'exportateur ? De plus l'Algérie veut passer de son statut de pays mono exportateur d'Hydrocarbures pour devenir exportateur hors Hydrocarbures, mais elle n'y arrive pas. Pourquoi ? Elle n'y arrive pas, car elle souffre d'un manque de vision stratégique au niveau national. Donc, nous ne savons pas dans quelle direction y aller. Quelles sont les filières à promouvoir ? Ainsi, ce manque de vision se répercute sur l'entreprise. A titre d'exemple, parmi les difficultés rencontrées par l'exportateur, au niveau financier et bancaire, il n'existe pas de bonification de taux d'intérêt accordé à l'exportateur. Donc, il supporte des coûts de financement importants de 7 à 8%, en moyenne liés à l'absence de financements appropriés. Aussi, il y a une absence de marché à terme de la devise. Au mois de janvier dernier, l'Euro était à 104 DA et au mois de mai, il est passé à 92 DA. C'est-à-dire les gens qui ont exporté sur la base de 104 DA en janvier, ont reçu la contre- partie Dinars à 92. Ils ont perdu environ 8% à cause de la dépréciation du Dinar algérien, par rapport à l'Euro. L'autre difficulté est l'absence de fret maritime en absence de liaison du pavillon national, engendre des surcoûts très importants. Les délais de mise à la disposition d'un espace sur un navire pour un conteneur vers une destination quelconque, sont très importants, au moins une semaine. Les coûts de transport à l'export sont exorbitants. A titre indicatif, pour la destination Cameroun, d'Algérie, l'exportateur algérien paie plus cher de 13% en transport par rapport à un égyptien. Vers Marseille, les coûts ne sont pas chers mais c'est l'équivalent de 3 à 4% du coût global et cela dépend de la valeur de la cargaison. Mais vers l'Afrique, les coûts sont excessifs, car nous n'avons pas de pavillon national et les Compagnies maritimes profitent sur la liaison algérienne. Qu'en est-il au niveau douanier ? Sur le plan douanier, aucune facilitation, les régimes économiques destinés vers l'exportation comme l'admission temporaire, le réapprovisionnement en franchise, ne sont pas mis en œuvre de manière rapide. Donc, il existe beaucoup de lenteur au niveau des procédures douanières. C'est un réel handicap pour l'exportateur. Un moment donné, les exportateurs se sont soulevés contre l'exigence de l'attestation de rapatriement des fonds, délivrée par la Banque d'Algérie, par la Douane. Où en est la situation ? En effet, cette attestation est exigée par la Douane, alors qu'elle ne devrait pas l'être. Y a beaucoup de problèmes à l'exportation. On (Autorité bancaire), exige 120 jours, alors qu'en Tunisie, ce délai est de 360 jours et au Maroc est de 180 jours. En Tunisie, la rétrocession devise est à 100%, tandis qu'en Algérie, elle est de 50% avec 10% sur le global. Mais le plus important est que lorsque l'exportateur dépasse le délai des 120 jours, souvent par méconnaissance, tombe sous le coup du pénal. Nous souhaitons que la sanction ne soit pas pénale. Le non respect de ce délai est assimilé à une infraction à la législation de changes, alors qu'il s'agit de 5.000 Euros par exemple, en plus, il s'agit de sa marchandise. Il faudra sensibiliser l'exportateur sur la législation et y aller vers un allégement de la durée du délai. Autres dommages collatéraux de la Loi de finances complémentaire 2009, maintenant pour répondre à une demande rapide, lorsqu'on (exportateur) n'a pas le produit en stock, il est impossible, car en cas d'importation de produit indisponible pour la production, les délais sont excessifs en raison de l'obligation du seul mode de paiement en Credoc. Il faudra revoir pas mal de choses au niveau de la Banque d'Algérie. Il est question d'alléger pour les producteurs. Qu'en est-il ? Nous attendons ! Pour l'instant cela continue. Rien à l'horizon. Quel est le rôle du Fonds spécial pour la Promotion de l'exportation ? Il n'y a rien ! Les 25% qu'il y a, on (FSPE) met du temps à les rembourser. Il n'y a pratiquement pas d'aide financière à l'exportation. Les gens ne sont pas remboursés, car cela dure trop de temps pour l'être. S'agissant des Assurances des exportations hors Hydrocarbures, existe-t-il une réelle démarche pour éviter la prise de risques par l'exportateur? La Cagex (Compagnie algérienne d'assurance et de garantie des exportations), remplie un aspect très important dans la démarche de l'exportation, qui est la sécurité du paiement. Elle a accompli des avancées très importantes pour se rapprocher de l'exportateur et lui apporter son soutien en abaissant le coût d'assurance, qui était très important puisqu'actuellement les primes sont inférieures ou égales à 1%, avec la rapidité dans la réalisation de l'opération. Nous souhaiterions, cela dit, que la Cagex prenne en charge d'autres produits comme le marché à terme de la devise, en raison du risque de change. D'autres Compagnies étrangères le font comme la Coface en France ou la Cotunace (Compagnie tunisienne pour l'assurance du commerce extérieur). Autre produit, l'assurance sur la prospection des marchés, comme les foires, devrait être prise en charge par la Cagex. Que pensez- vous de la prise en charge du FSPE d'une partie de ces primes d'assurances ? Il ne vaut mieux pas, car cela va alourdir encore le dispositif. Ce fonds devrait d'abord être réactif. Sa refonte s'est faite en 2007 et à ce jour rien n'a été mis en application. Donc, il ne faut pas mettre sur le compte du FSPE quelque chose qu'il ne peut pas prendre en charge dans les délais. Il vaut mieux intégrer le coût de 1% sur nos frais. Que pensez-vous de l'interdiction d'exportation des pâtes alimentaires ? Nous souhaitons la levée de cette interdiction, car les pertes sont estimées au moins à 20 millions de Dollars depuis son entrée en vigueur. Cette mesure sur le plan économique ne ce justifie pas. Pourquoi ? Parce que nous importons des céréales à 240 Dollars la tonne et nous l'exportons à 700 Dollars. Donc, il y a un excédent en devise pour l'Algérie. Un gain d'au moins 400 Dollars par tonne. Pourquoi à votre avis cette interdiction ? Nous ne connaissons pas les raisons. En tout cas, elle n'est pas d'ordre économique car nous perdons un excédent en devise. Nous avons perdu des marchés, d'autant que les exportateurs ne produisent pas à partir du blé subventionné, car ils importent eux-mêmes ce blé. Donc nous ne pouvons même pas utiliser la sous - traitance. Il faut dire que cette interdiction lance un discrédit sur les exportateurs algériens. En principe en matière d'exportations, il n'existe pas d'interdiction, sauf s'il y a menace sur la balance de paiement, ou rareté du produit. A titre d'exemple, le cas de l'Inde sur le riz, car y a eu déficit des récoltes. Combien importe-t-on pour la production de pâtes ? Cela dépend de quel blé s'agit-il. Généralement, les importations sont en blé dur pour les fabricants de pâtes. Il s'agit de près de 40% des besoins nationaux en blé importés par les privés. C'était une opportunité pour les pates algériennes, car au bout de quatre années, elles ont réussi à pénétrer des marchés au Niger, au Mali, le Sénégal, la Mauritanie, la France, la Belgique et aussi les Etats Unis. Sans oublier, les pertes d'emplois. Combien exportait-on en pâtes alimentaires ? De janvier à août 2009, on a exporté 20 millions de Dollars. C'était un exploit ! Qui sont ces entreprises exportatrices de pâtes alimentaires ? Il y en a quatre : Sim, La Belle, Mahbouba et les Moulins Azouz de SIDI BEL ABBES. Propos recueillis par Malak Farah