La Banque centrale européenne devrait maintenir son principal taux directeur à 4% jeudi pour le 11e mois consécutif mais sans fermer la porte à un assouplissement de sa politique au deuxième semestre, estiment des économistes. Malgré une inflation toujours élevée, le ralentissement de la croissance pourrait finir par avoir raison des réticences de la BCE, qui est jusqu'ici restée arc-boutée sur la lutte contre l'inflation alors que la Réserve fédérale américaine enchaînait les baisses de taux pour soutenir l'activité. Dans un premier temps, le président Jean-Claude Trichet pourrait infléchir son discours lors de sa conférence de presse mensuelle qui fera suite à la réunion du conseil des gouverneurs, selon les économistes de Natixis. Alors que les futures sur l'Euribor 3 mois intègrent à présent le scénario d'une hausse de taux, l'enquête mensuelle de Reuters publiée la semaine dernière a montré que les économistes étaient encore majoritaires à tabler sur deux assouplissements cette année, mais pas avant le troisième trimestre. L'accélération de l'inflation, montée à 3,6% en mars dans la zone euro, a amené la BCE à durcir le ton et même, pour certains de ses responsables, à évoquer la possibilité d'un resserrement monétaire, ce qui à contribué à propulser l'euro à un nouveau record de 1,60 dollar le 22 avril. Depuis se sont succédées des enquêtes inquiétantes sur l'activité et le climat des affaires, tandis que le taux d'inflation a décéléré plus que prévu, à 3,3% en avril, après son pic du mois précédent. "Si le risque inflationniste n'aura certainement pas disparu aux yeux des autorités monétaires, nous pensons que la conférence de presse suivant la réunion pourrait marquer une certaine inflexion dans le discours, et souligner les risques significatifs pesant sur la croissance de l'ensemble de la zone", estime Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis. Les récentes enquêtes de confiance dans la zone euro ont souligné la dégradation des perspectives à moyen terme, que ce soit dans les services ou l'industrie. "Les quelques îlots de résistance, notamment en France, n'ont pas dérogé à la règle, l'enquête Insee dans l'industrie cédant deux points, le PMI services (bien au-dessus de la moyenne européenne jusqu'à présent) rentrant dans le rang avec une baisse de 3,3 points en avril", remarque Jean-Christophe Caffet en faisant allusion à l'indice flash des services ressorti à 54,0. Les indices définitifs des services seront publiés mardi. Sorti vendredi, l'indice PMI manufacturier de la zone euro a reculé à 50,7, se rapprochant du seuil de 50 en dessous duquel il rend compte d'une contraction de l'activité.Publié deux jours plus tôt, l'indicateur de sentiment économique calculé par la Commission européenne a baissé à 97,1, son plus bas niveau depuis août 2005, tandis que le taux de chômage dans la zone euro est resté stable à 7,1%. "Contrairement à une idée reçue, la BCE réagit plus à l'activité qu'à l'inflation actuelle", assure Stéphane Déo chez UBS. "Les indicateurs avancés sont maintenant proches du niveau de mai 2001, quand la BCE avait décidé sa première baisse de taux du cycle précédent. Nous pensons donc que l'activité a suffisamment ralenti pour justifier une baisse de taux". Si les indicateurs avancés continuent de baisser au même rythme que ces 12 derniers mois, l'économiste d'UBS n'écarte pas une première baisse des taux en septembre et table en tout cas sur une réduction de 100 points de base au total, tout comme Natixis. "Ce timing peut sembler agressif, mais nous pensons que l'accélération de la détérioration des indicateurs avancés le rend plausible", ajoute-t-il. UBS prévoit une croissance de 1,5% dans la zone euro cette année, puis de 1,3% en 2009. Natixis table sur 1,5% et 1,6% respectivement et prévoit parallèlement un recul de 20% des prix du pétrole d'ici la fin du troisième trimestre, ce qui permettrait de faire descendre le taux d'inflation d'un point. Le baril de brut américain a frôlé 120 dollars la semaine dernière, alors qu'il en valait 98 au début de l'année.Il s'échangeait autour de 117 dollars lundi matin en Europe.