La Banque centrale européenne devrait maintenir ses taux directeurs inchangés jeudi et conserver un ton ferme sur l'inflation, en dépit de la détérioration de la croissance. Les indicateurs du mois écoulé ont confirmé le coup d'arrêt de l'économie de la zone euro, qui a subi une contraction au deuxième trimestre, tandis que la décrue des prix du pétrole a permis à l'inflation de repasser sous son record de 4%. Pour autant, les économistes ne s'attendent pas à voir la BCE baisser la garde face à l'inflation, d'autant que ses dernières projections macro-économiques également attendues jeudi devraient montrer que l'envolée des prix se prolongera plus longtemps que prévu. Plusieurs responsables de la banque centrale se sont d'ailleurs exprimés la semaine dernière pour dénoncer le péril inflationniste, donnant à penser qu'une baisse des taux n'est pas pour bientôt et que la BCE pourrait même encore durcir sa politique monétaire comme elle l'a fait au début juillet. "L'intéressant jeudi, sera de voir si le relèvement attendu des projections d'inflation (...) sera suivi d'une nouvelle escalade dans les déclarations," déclare Elga Bartsch, économiste chez Morgan Stanley. "Et si c'est le cas, est-ce que la BCE se contentera de durcir le ton ou ira-t-elle jusqu'à relever encore ses taux ?". Les 83 économistes interrogés par Reuters la semaine dernière prévoient tous le maintien du taux de refinancement à 4,25% jeudi. La BCE l'avait rehaussé d'un quart de point en juillet, pour la première fois depuis un an, pour contenir les anticipations d'inflation et empêcher des effets de second tour sur les salaires. Mais les projections de croissance de l'Eurosystème seront vraisemblablement révisées en baisse et la plupart des économistes s'attendent à ce que les taux suivent la même voie. Dans l'enquête de la semaine dernière, une petite majorité table sur une baisse de taux au premier trimestre 2009, alors qu'ils la situaient auparavant au deuxième trimestre . Les déclarations dures d'Axel Weber, Jürgen Stark et Lucas Papademos sur l'inflation ont depuis remis ces anticipations en cause puisque les futures sur l'Eonia montrent maintenant que le marché n'attend plus de détente monétaire avant le troisième trimestre 2009. Jürgen Stark a pour la première fois affirmé que les effets de second tour se matérialisaient dans la zone euro tandis que Lucas Papademos avertissait que toute spirale inflationniste dans les salaires entraînerait une augmentation des taux d'intérêt. Comme chaque mois, la décision monétaire de la BCE sera suivie par une conférence de presse de son président Jean-Claude Trichet. Les économistes s'attendent à ce qu'il répète que la banque centrale n'a pas de "biais", autrement dit d'orientation prédéfinie pour ses taux d'intérêt. "Dans les faits, Trichet a un biais restrictif car il mentionne les risques d'accélération de l'inflation et dit qu'il n'a qu'une seule aiguille sur sa boussole," souligne Erik Nielsen, économiste chez Goldman Sachs. Mais ne plus employer cette expression alimenterait les spéculations sur une hausse de taux et Erik Nielsen s'attend donc à ce que Trichet ne mette pas d'huile sur le feu en cette période de pessimisme sur la croissance. Les dernières données disponibles laissent en effet craindre un deuxième trimestre consécutif de croissance négative, ce qui correspond à la définition technique d'une récession. L'activité s'est contractée en août pour le troisième mois consécutif dans le secteur manufacturier, selon l'enquête mensuelle auprès des directeurs d'achat, et l'indice du secteur des services attendu mercredi devrait aller dans le même sens. Le sentiment économique au niveau de la zone euro a baissé plus que prévu et la confiance des entreprises s'est encore dégradée dans les trois principaux pays, Allemagne, France et Italie. Le Royaume-Uni - principal partenaire commercial de la zone euro - craint de son côté son pire ralentissement depuis 60 ans. En juin, les projections macro-économiques de l'Eurosystème donnaient une croissance comprise entre 1,5-2,1% cette année et 1,0-2,0% l'an prochain. Elles seront vraisemblablement révisées en baisse. Les projections d'inflation (3,2-3,6% pour 2008, 1,8-3,0% pour 2009) devraient de leur côté être revues en hausse même si le taux d'inflation a décéléré à 3,8% en août après avoir culminé les deux mois précédents à 4,0%, un record depuis la création de l'euro. Michael Bonello, le gouverneur de la banque centrale de Malte, a dit s'attendre la semaine dernière à ce que l'inflation s'établisse en moyenne à un peu moins de 3% en 2009, un niveau toujours bien supérieur à l'objectif de 2% de la BCE.