L'Algérie a lancé depuis un bon nombre d'années un plan de réformes. C'est ainsi que les pouvoirs publics ont initié un ensemble de textes règlementaires destinés à sortir l'économie du pays de son marasme, mais également faciliter la vie au citoyen. Mais la réalité du terrain est tout autre. Le législateur algérien a certes fait preuve de bon sens, de dextérité à chaque fois qu'il s'agit de solutionner les problèmes, mais dès qu'un texte est accaparé par une bureaucratie archaïque, ce qui devait apporter une solution aux maux dont souffre le pays devient vite un instrument rend la vie du citoyen en un véritable enfer. Le cas le plus édifiant est celui du contrôle technique automobile. En effet, un décret a été promulgué en 2003 instituant l'obligation du contrôle technique automobile. Un texte qui a été très bien accueilli à sa promulgation, puisqu'il devait avoir pour impact de réduire considérablement le nombre d'accidents de la circulation dus aux véhicules défectueux. Grâce à cette mesure préventive, on pouvait épargner des centaines de vies, et faire des économies. Malheureusement cette mesure a vite fait de provoquer l'effet contraire. C'est, aujourd'hui, une véritable contrainte pour le citoyen qui se voit perdre et son temps et son argent. Ce qui aura un impact sur le PIB. La raison en est que les délais imposés pour cette opération sont considérés par les observateurs insuffisants. Aussi, les institutions concernées auront péché par leur défaut de communication. Le département des transports est aujourd'hui au banc des accusés face aux tirs croisés des contrôleurs techniques des automobiles, des concessionnaires et des propriétaires de véhicules. Les contrôleurs haussent le ton A l'horizon se dessine une menace sérieuse : la tension dans les agences ou dans les esprits des propriétaires, en croissance au fur et à mesure que le jour "J" avance, fait entrevoir un bras de fer sans précédent entre ces derniers et le ministère de tutelle pour amener ce dernier à revoir sa stratégie…de prévention. En effet, la tendance à l'heure actuelle va vers l'initiation d'une action de protestation collective par les agences de contrôle technique afin de tenter de réduire la pression qu'ils subissent vu l'afflux important de véhicules qui prennent d'assaut leurs ateliers. Cette action est envisagée dans le cadre de l'Union des agences de contrôle automobile qui d'ores et déjà songe à convoquer une réunion de concertation le 10 du mois en cours pour examiner la situation. C'est ce que nous indiquent plusieurs responsables de ces agences, mercredi et jeudi, lors de notre tournée dans ces lieux de contrôles. Certes, aucun ne remet en doute la portée positive de cette décision d'astreindre les automobilistes à la révision mécanique de leur engin, mais il en ressort finalement que les délais sont tellement courts que tout le monde s'en trouve pénalisé.
Calculs d'épiciers En attendant, d'interminables files de véhicules se constituent au quotidien devant ces agences et les employés de celles-ci sont obligés de répéter, la même phrase : "Revenez plus tard ! ". Certains vont même jusqu'à se sentir obligés de mentir pour rassurer les automobilistes en promettant "qu'il y aura moins de monde à partir du 15 ou du 20 janvier prochain, car la plupart auront déjà accompli l'examen". Des automobilistes sont obligés de passer des nuits entières munis de doudounes, couettes et couvertures en cette saison de grand froid sur les lieux pour obtenir le précieux jeton qui leur permettra de passer leur véhicule en contrôle. Indignés, les contrôleurs techniques invitent les tenants de cette décision à un calcul d'épiciers pour faire ressortir l'impossibilité d'accomplir les révisions dans lesdits délais. Effectivement, la tranche d'âge des véhicules appelés au contrôle actuellement concerne ceux mis en circulation entre 1995 et 2000. L'opération à accomplir dans un délai initial de trois mois, avait commencé depuis octobre et devait être close le 31 décembre dernier, avant d'être prolongée d'un mois, soit à la fin du mois en cours. On se demande si la capacité des 114 agences agréées par l'Enacta était prise en considération lors de l'établissement des dates "butoirs". Jusqu'à présent, seul 20% des véhicules ont pu obtenir leur procès-verbal de contrôle. La plus grande partie reste à faire dans le court laps de temps qui leur est imparti. Car en prolongeant la trêve aux profit des propriétaires des véhicules âgés entre 5 et 9 ans, l'obligation de révision mécanique vient toucher les véhicules neufs, les voitures immatriculées entre 2000 et 2007 avec encore une fois, un délai de trois mois seulement. C'est-à-dire, jusqu'au 31 mars prochain. M. Lamri Ben Samir, responsable à l'agence privée de contrôle technique dite Universal Contrôle Automobiles, UCA, sise à Garidi, à Kouba, estime que c'est un véritable défi que de passer à l'examen, en l'espace d'un mois les 75% d'environ 1 800 000 voitures immatriculées entre 1995 et 2000, dans les conditions de travail actuelles. Notre interlocuteur s'interroge sur le sérieux de ce genre de décisions qui ne tiennent pas compte des réalités et des capacités des agences. Mercredi, dans l'après-midi, dans son guichet, cet agencier confus face à la file des automobilistes, conseillait aux clients de revenir dimanche prochain prendre rendez pour le samedi d'après… ! "Au début de l'opération, nous étions astreint à ne pas délivrer plus de 32 PV par jour… Nous aurions pu travailler avec trois équipes pour faire face au flux si ce n'est cette contrainte…", nous indique-t-il. Pourquoi ces délais trop courts pour être raisonnables, donc ? Certes, il y a quelque part urgence. Aujourd'hui, les agences de contrôle ne peuvent faire passer qu'une soixantaine de véhicules par jour, alors qu'il faudrait en contrôler un millier quotidiennement pour être dans les délais.
La porte est ouverte aux trafics Et comme toute situation de crise et de rareté véhicule toutes sortes de trafics, des échos parvenus de certaines agences relevant de wilayas limitrophes révèlent des cas de concurrence déloyale. Les procès- verbaux délivrés lors des contrôles sont parfois vierges. Il existe aussi des propriétaires peu soucieux, des transporteurs entre autres, qui, pour répondre aux besoins du contrôle, placent de nouveaux pneumatiques, modifient des pièces, juste le temps de la séance de contrôle du véhicule. L'option de passer à la contre-visite et au contrôle inopiné n'est pas à exclure. Le temps presse…
Laxisme ! De toutes les façons, "au besoin, les délais seront prolongés. Nous l'avons déjà fait pour la première opération, qui a touché les voitures de plus de 20 ans, et laquelle a duré 7 mois. Nous avons procédé de même pour la deuxième (véhicules âgés entre 15 et 19 ans), troisième (10 et 14 ans) et la quatrième (5 et 9 ans)", répond de façon simpliste M. Leghrieb, directeur général de l'Enacta (Entreprise nationale de contrôle technique automobile), comme pour justifier la précipitation dans laquelle a été initiée l'opération. De toute évidence ni le prix que paye le citoyen, ni l'impact que pourrait avoir tout ce bricolage sur l'économie nationale ne sont des facteurs pris en compte. Pour rappel, l'opération concerne 2 134 846 véhicules particuliers, tous âges confondus, alors que le parc roulant global compte, en 2005, quelque 3 211 052 véhicules en circulation, entre véhicules de tourisme, camions, autocars et bus, tracteurs et véhicules spéciaux selon l'ONS, et selon des chiffres rapportés par différents organes de presse, quelque 300 000 voitures de tourisme sont âgées de deux ans au plus. Il y aura un total de 4 millions de véhicules si on y ajoute ceux mis en circulation en 2006.
Les concessionnaires aussi pestent Pour leur part les concessionnaires craignent les répercussions négatives sur le niveau des ventes. La décision d'astreindre les véhicules neufs à ce contrôle technique jette l'opprobre sur les concessionnaires automobiles et remet en cause la fiabilité et l'utilité des examens primitifs opérés par les ingénieurs des mines avant la mise en circulation des véhicules neufs. Là, la question semble être moins pertinente. Soit ! Car en fait, le contrôle systématique des véhicules à usage de taxis a souvent démontré que beaucoup présentent des défaillances techniques, même s'ils viennent de sortir de chez le concessionnaire… Quoiqu'il en soit, l'opération qui devra donc être généralisée prochainement aura permis aux spécialistes de récuser la thèse que 95% des accidents de la circulation sont dus au facteur humain. Le contrôle permet d'affirmer que les véhicules participent à hauteur de 30% dans les causes des accidents de la route pour défaillances mécaniques. Ainsi, ces mesures sont susceptibles de diminuer les accidents de la circulation en Algérie qui provoquent sur nos routes de véritables hécatombes. Un procès-verbal détaillé sur l'état du véhicule sera remis après chaque contrôle. Six vérifications sont opérées : l'identification du véhicule, la direction, le freinage, l'adhérence au sol, l'éclairage et la signalisation et enfin la pollution et le niveau sonore. Le PV est un document administratif obligatoire qui doit être présenté aux agents de sécurité et aux agents qualifiés. Les contrevenants sont passibles d'une amende de 1500 à 5000 DA, voire d'un emprisonnement de deux à 6 mois avec mise en fourrière du véhicule. Selon les statistiques du Centre national de prévention et de sécurité routière, le véhicule est à l'origine de 2 233 accidents sur l'ensemble des accidents enregistrés en 2005, soit 5,69%. Par ailleurs, les mêmes statistiques montrent que les accidents provoqués par des défaillances mécaniques viennent en tête avec 769 cas. La mauvaise qualité et l'éclatement des pneumatiques arrive en seconde position avec 502 accidents et les problèmes de freinage en troisième position avec 378 accidents… A cela, il faut ajouter que la moyenne d'âge du parc automobile de tourisme en Algérie dépasse les 15 ans. Tout cela est bien joli mais encore faut-il que le contrôle technique automobile soit bien fait.