La Commission européenne avertit les pêcheurs de thon rouge : ils doivent impérativement respecter les règles du jeu sinon certains pourraient avoir de solides surprises dans les jours qui viennent.Les thoniers industriels, qui s'adjugent avec une flotte jugée trop nombreuse plus de 80% des captures de thon rouge de l'UE, devraient voir la fin de leur saison de pêche raccourcie en juin par Bruxelles.Depuis deux ans au moins, la Commission européenne tente d'encourager la reconversion des pêcheurs concernés. Mais les senneurs, ces bateaux qui peuvent en un jour capturer 550 tonnes de thon, ne sont pas intéressés par ces programmes, il faut dire que la plupart de ces bateaux ne sont pas amortis et les sociétés sont trop lourdement endettées. “Il est inéluctable qu'une bonne partie de la flotte des senneurs soit arrêtée avant le 30 juin”, a estimé jeudi une source proche de la Commission européenne, tout en estimant que seules des intempéries pourraient changer la donne.Isolés au début de l'année, les thons rouges se regroupent jusqu'au printemps, lorsque les températures commencent à monter, et forment alors des bancs rendant la pêche plus rentable.Les “senneurs” entrent alors en action, en encerclant les poissons à l'aide d'un filet (senne) coulissant qui permet de tous les retenir. Ces gros navires travaillent sur une période extrêmement brève, en mai (10% de leurs captures) et surtout en juin (90%), lorsque le taux de capture peut atteindre à son pic 550 tonnes par jour.En deux jours ils peuvent surpasser de 10% leurs propres quotas et en trois jours ils peuvent faire exploser de 10% ceux alloués à l'ensemble de l'UE pour toute la saison. D'où l'obligation de procéder à des contrôles journaliers et de disposer de “mécanismes de décision ultra rapides” en cas de menace de dépassement en juin. Le Fonds mondial pour la nature (WWF) a d'ailleurs réclamé jeudi l'arrêt immédiat de la pêche.Pour la Commission, il faut d'une part affiner les méthodes de contrôle, éviter que des bateaux industriels qui pêchent des tonnes de thon pour les ramener dans des fermes d'engraissement ne signalent les quantités pêchées qu'un mois plus tard. Désormais, les bateaux sont équipés de balises satellites pour les localiser, d'autres satellites balaient la méditerranée et l'atlantique pour signaler les bateaux non équipés.Trente personnes installées à Bruxelles passent leur journée à compiler, croiser et vérifier les données quotidiennes qu'on leur transmet. Les inspecteurs européens et des Etats membres travaillent ensemble sur les bateaux, dans les ports et dans les fermes d'engraissement. La France, l'Espagne, l'Italie, la Grèce, le Portugal, Malte et Chypre, les sept Etats membres qui pratiquent cette pêche, ont été prévenus : ils ont intérêt à surveiller de près leurs pêcheurs sinon la Commission pourrait décider d'interdire la pêche prématurément, et cette interdiction pourrait ne concerner que les gros bateaux. La France compte 36 bateaux senneurs, l'Italie 87, l'Espagne seulement 6, mais se rattrape sur la pêche artisanale pratiquée plus tard durant l'été.La Commission a aussi le pouvoir d'interdire toutes activités commerciales qui impliquent le thon, empêchant ainsi les bateaux étrangers de venir débarquer leurs prises dans les fermes ou dans les ports européens. La Commission en discutera déjà la semaine prochaine. “Le dépassement des quotas de 4.400 tonnes enregistrées par l'UE en 2007 représente un peu plus d'une semaine de pêche pour la flotte de senneurs à senne coulissante de l'UE en haute saison”, note-t-on à Bruxelles. Or, aucune réduction de capacité des thoniers industriels n'a eu lieu. Le marché est devenu plus lucratif que jamais : les pêcheurs pouvaient vendre leur thon à 3 euros le kilo l'an dernier et sans doute à environ 9 euros en 2008.Si la pêche devait être fermée avant le 30 juin, la Commission sera en mesure de le faire de manière ciblée, en fonction des flottilles. Elle devra alors empêcher les activités de pêche d'autres pays non UE comme la Turquie, la Libye et la Croatie, qui ont accru leurs flottes, et sont également responsables de la surpêche. L'UE avait mis fin à la pêche au thon rouge pour 2007, dès septembre, constatant l'épuisement des quotas, alors que cette espèce très prisée des consommateurs avec la mode des “sushis” voit ses réserves s'amenuiser dangereusement.“Trop tard”, explique un expert, mais Bruxelles ne voulait pas pénaliser les pêcheurs artisanaux qui travaillent en été.“C'est l'arrivée d'une pêche industrielle en surcapacité qui est le problème” de la pénurie de thon, fustige-t-il, en expliquant le changement de méthode de la Commission..