C'est une situation paradoxale à laquelle font face les producteurs français de blé. Alors que la demande mondiale n'a jamais été aussi forte, raison pour laquelle d'ailleurs ont poussé les cours vers des records, ils se retrouvent, aujourd'hui, avec des greniers trop bien remplis, à cette époque de l'année.L'office français des céréales estime que 3 200 000 tonnes de blé attendent toujours preneur. 30 % de plus qu'à la fin de la campagne précédente. Les Américains ont quasiment vendu tout le blé récolté, en 2007, dès le mois de février. Les Français, eux, savent déjà qu'ils ne réaliseront pas leurs objectifs d'exportation sur le marché mondial. L'attitude des producteurs explique, en partie, cette situation incongrue. Contaminés par l'ivresse des sommets, ils ont préféré garder plus longtemps leurs marchandises. Certains espérant que les cours continuent leur folle ascension, d'autres s'arbitrant sur le marché à terme européen pour tirer le meilleur parti de la progression des cours. Mais, la dynamique haussière a fini par casser. Le blé coté en Europe a perdu une centaine d'euros, depuis le sommet du début du mois de mars 2008, quand la tonne valait 295 euros. La principale erreur des producteurs français réside surtout dans une mauvaise appréciation de la demande internationale. Ils comptaient sur les achats de printemps des grands pays importateurs d'Afrique du Nord mais l'Egypte, le Maroc ou Algérie, ont bouclé leurs achats dès le mois de février. Effarés par le train de la hausse, ces pays ont alors importé à prix d'or des quantités assurant une bonne couverture de leurs besoins. Les embargos décidés par les producteurs de la mer Noire ont achevé le brouillage des repères. Pour le cas de l'Algérie qui importe 50 % de son blé de France, celle-ci a anticipé sur le marché, en sécurisant les approvisionnements dès les prémices de l'amenuisement de l'offre sur le marché mondial et de la flambée des cours des denrées alimentaires sur les marchés internationaux. L'Algérie détient des stocks qui couvrent les besoins nationaux pour une période de plus de 9 mois. Ces stocks qui concerneraient le blé dur et le blé tendre sont périodiquement renouvelables. La prochaine campagne, qui commence officiellement, début juin 2008, promet d'être rude car tous les grands exportateurs ont dopé leur production, et les interdictions d'exportations qui ont tant fait grimper les cours sont, pour la plupart, levées.