Si la hausse des cours du pétrole continue sur les marchés internationaux, elle ne cesse de faire le bonheur de l'Algérie, à l'instar des autres pays producteurs, qui ont déjà engrangé grâce à cette aubaine des dizaines de milliards de dollars, notre pays risque, en parallèle, de dépenser une bonne part de ce bénéfice dans l'achat de produits alimentaires. En effet, depuis plusieurs mois, la rubrique “record” sur les marchés mondiaux, qui était jusque-là l'apanage du pétrole ou des métaux précieux, s'est élargie aux matières premières agricoles et en premier lieu, le blé. L'Algérie, un des plus gros consommateurs dans le monde, se trouve donc confronté à une situation de hausse vertigineuse de la facture alimentaire en raison de sa dépendance forte des marchés étrangers. Le directeur général de l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), Mohamed Kacem, nous a, d'ailleurs, indiqué que le prix de la tonne de blé dur se négociait ces derniers jours autour des 1 000 dollars, ce qui constitue, sans nul doute, un dépassement de la barre psychologique (des 1 000 dollars/tonne) intolérable pour les pays acheteurs comme l'Algérie. Il y a trois mois à peine, le prix de la tonne de ce produit avoisinait les 750 dollars pour la production française et 850 dollars pour le blé canadien. C'est dire que la poussée des cours n'est pas près de s'estomper surtout que les paramètres influençant les prix ne sont pas de nature à rassurer avec, notamment l'arrivée sur le marché d'importateurs potentiels comme l'Inde, le Pakistan et l'Egypte. Ainsi, ces derniers jours, le blé a vu son prix croître fortement, notamment aux Etats-Unis, et principalement au marché de Chicago, où la demande, pour le blé américain, a littéralement explosé aidée en cela par la forte dépréciation de la monnaie américaine face à l'euro. Les blés américains présentent, en effet, en ce moment un meilleur rapport qualité-prix, ce qui attire les clients potentiels au point de mettre à mal les stocks. Certes, le citoyen algérien ne pourra pas, du moins dans le temps présent, ressentir l'impact de cette hausse excessive des cours, puisque le blé et ses dérivés, fortement prisés par les ménagères, demeure un produit subventionné par les pouvoirs publics. Cependant, pour le Trésor public la situation risque de devenir assez compliquée, vu que la facture alimentaire va assurément exploser, surtout que cette augmentation des prix n'a pas ménagé les autres matières premières agricoles (lait, huiles végétales…). Certes, pour l'année en cours, le travail effectué par l'OAIC semble avoir porté ses fruits puisque cet organisme étatique a, d'une certaine manière, anticipé sur cette hausse des cours en assurant d'importants approvisionnements dans des conditions avantageuses. La méthode a permis de réaliser de considérables économies pour le Trésor public. Selon le directeur général de l'OAIC, ce gain avoisine les 100 dollars/la tonne. Multiplié sur de grands volumes d'importation, les économies réalisées sont, sans aucun doute, assez intéressantes pour le pays. Mais la tendance sur les marchés internationaux est loin de fléchir. À titre d'exemple, à Chicago, le plus grand marché du monde, pour les contrats à terme sur les produits agricoles, le prix du blé a, en un an seulement, vu son prix doubler. La semaine dernière, c'est un rapport sur les stocks américains qui a mis le feu aux poudres. Les stocks n'ont jamais été attendus aussi faibles sur les 60 dernières années. Ces stocks ont de surcroît fondu de près de 40% en un an, selon les données transmises par le département de l'Agriculture américain (USDA) vendredi dernier. Des chiffres qui font écho à ceux dévoilés par le Canada quelques jours plus tôt, puisque les réserves du pays ont été réduites de 30% sur un an. C'est la hausse des exportations de ces deux grands pays producteurs qui explique cette baisse des réserves. Paradoxalement, les Etats-Unis pourraient prochainement avoir à puiser dans les stocks de leur voisin pour satisfaire leur propre demande intérieure. La demande forte, la production mondiale qui ne suit pas sa courbe (la sécheresse de l'été a frappé les principaux pays producteurs) et la baisse des réserves provoquent naturellement une hausse des prix, d'autant que les grands pays consommateurs peinent à suivre la cadence. Ainsi l'Inde, deuxième consommateur mondial, a dû se fournir à l'étranger en 2006 et en 2007 pour combler ses besoins. Les économistes ne voient pas les marchés des matières premières agricoles faiblir dans les prochains mois. Il pourrait, certes, y avoir des corrections dites “techniques”, mais la tendance de fond est à la hausse. Un avis que ne partage pas le bureau d'études américain Goldman Sachs qui pense, en effet, que les prix élevés du blé vont conduire les fermiers à accroître leurs surfaces d'exploitation de la céréale aux dépens d'autres productions, contribuant à rééquilibrer l'offre. L'avenir nous le dira. H. Saïdani