Les 193 pays participant à Rome au sommet de l'agence de l'ONU pour l'Agriculture et l'alimentation (FAO) ont bouclé leurs travaux jeudi avec une déclaration finale sensée les engager à lutter "par tous les moyens" contre la crise alimentaire. Cependant, le sommet de Rome n'a pas permis de donner les vrais "moyens" pour justement lutter contre cette crise alimentaire. A défaut de prendre des résolutions sur le plan structurel, les participants se sont entendus sur des promesses de dons de plus de 6 milliards de dollars. Pour résumé, rien n'a été décidé car rien n'a été préparé. Les intérêts des uns et d'autres étaient tellement aux antipodes que le consensus était impossible. En effet, la déclaration finale ne fait qu'étaler les divergences entre les Etats en termes idéologiques d'abord, et en termes d'intérêts économiques ensuite. Cette déclaration prévoit de réduire la famine d'ici 2015 et en même temps encourage "la communauté internationale à poursuivre ses efforts en matière de libéralisation des échanges agricoles". Une contradiction relevée par de nombreux observateurs. Loin de résoudre cette contradiction, le sommet de Rome l'a consacrée dans sa déclaration finale et c'est bien là sa limite principale. Il n'a pas permis de définir un cap. Pourtant, c'est bien cette contradiction qui bloque les négociations. La vraie question laquelle le sommet n'a pas répondu est de savoir dans quel cadre doit-on résoudre le problème de la sécurité alimentaire. Doit-on plaider en faveur d'un renforcement des politiques agricoles qui légitiment les interventions publiques ou en faveur d'une plus grande libéralisation des échanges agricoles dans le cadre de l'OMC ? Ce sont deux modèles incompatibles. Dans son mandat, la FAO est censée pourvoir au respect des droits économiques et sociaux des individus. L'OMC, elle, entend libéraliser les marchés et les échanges. Sur la question des politiques commerciales (subventions, restrictions à l'exportation) qui défavorisent les pays pauvres, les membres de la FAO n'ont pu se mettre d'accord que sur une formule a minima, en faveur d'un commerce agricole "plus équitable". Pourtant, les participants au sommet avaient appelé à l'abandon de ces dispositions qui permettent aux pays les plus riches de rendre leur production compétitive sur le marché mondial. Mais l'Union européenne a défendu jusqu'à la fin sa politique agricole commune (PAC), pourtant accusée de tous les maux depuis de nombreuses années, et a obtenu gain de cause. Certains regrettent que la déclaration finale n'évoque pas les conséquences des subventions et de la spéculation. D'autres auraient souhaité que les biocarburants, soupçonnés d'aggraver la crise alimentaire, n'aient pas été formellement limités dans le texte. Enfin, nombreux sont ceux qui estiment que cette déclaration finale ne fait que reprendre celles des précédents sommets sur l'alimentation de 1996 et 2002 qui visaient à "atteindre la sécurité alimentaire" et "réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées pour 2015 au plus tard". Environ 850 millions de personnes souffrent de malnutrition dans le monde et la crise actuelle met en danger 100 millions de personnes supplémentaires. Des émeutes ont eu lieu en Afrique, en Asie et dans les Caraïbes.