Mérité est un mot qui, en sport, a la valeur que chacun consent à lui donner. En économie, tout comme le sport, si, au-delà de la performance, il intègre la notion fondamentale d'excellence, alors oui, le pétrole tout comme un sportif de haut niveau mériterait de remporter la médaille d'or: peu de matières premières, comme peu de sportifs, ont pérennisé leur maîtrise avec une telle constance, peu de produits de la nature ont élevé le cours à de tels firmaments statistiques et économiques. Mais le mérite recèle des dynamismes subalternes et, dans le pétrole, il dépoussière cette croyance un peu obsolète selon laquelle, à la fin, le succès ne s'affranchit jamais des vertus qui l'instiguent - la ténacité, l'audace, la valeur, le leadership. Nous avons tous nourri, à travers l'or noir, une inclination obligatoire pour l'extravagance, sans jugement de valeur, par goût du cher et du rare. Nous enrageons tous aujourd'hui, avec une intensité équivalente, de ne pas le voir triompher de cette même inclination quand une certaine crise alimentaire lui ravit la vedette. Car, fichtre, comment expliquer qu'année après année le pétrole soit si timoré, si prévisible, si fataliste? Comment expliquer qu'il déclame ses talents avec la même équanimité? Face à cette force animale de l'Occident qui le met au défi de se transcender, le prodige fut appliqué et volontaire, quand il aurait fallu être déroutant et va-t-en-guerre. Les "slaloms" dont il s'est invectivé, non, n'étaient pas la réminiscence d'une vitalité émotionnelle, mais le signe qu'un vieux fond d'incrédulité macère. Moins que la perspective de déflorer des records, il y a bel et bien, dans le défi qu'incarne son prix, une sorte de défi ultime à l'esthète accompli. Les élites et experts de l'économie mondiaux brandiront la malédiction des "Subprime", mais l'or noir sait où il défaille, et où cette faiblesse pourrait le mener, très vite, si ses rivaux s'en emparent. Le prodige sait que jusqu'en 2040, il est dans la plénitude physique d'un produit béni, et que cet âge d'or lui laisse des décennies encore. Trente ou quarante voire cinquante ou soixante ans pour déterrer d'autres forces et sauver ce qui reste de son règne. Un demi-siècle pour, fichtre, remporter un titre mérité dans toutes les places financières mondiales de Wall Street à la Bourse de Tokyo en passant par les Bourses de Paris, Madrid et Londres. Alors, doit-on s'en réjouir à Alger ?