Après la séance la plus frénétique de toute l'histoire du pétrole vendredi, qui a propulsé les cours au-delà des 139 dollars le baril, les prix entamaient la journée d'hier sur une légère baisse mais à des niveaux historiquement élevés. Vendredi, les cours du pétrole s'étaient brutalement emballés en quelques heures. Ils avaient abattu les barres des 136, 137, 138 et 139 dollars et inscrit un record absolu à 139,12 dollars à New York. A Londres, les cours sont montés jusqu'à 137,69 dollars, un record également. Cette flambée, provoquée par des propos du président de la Banque centrale européenne (BCE), qui évoquait un possible relèvement des taux européens dès le mois de juillet, a relancé le débat sur la part jouée par la spéculation dans le marché pétrolier. “Trichet a réussi ce qu'aucune guerre, aucun ouragan, aucun ministre de l'Opep n'a jamais réussi à accomplir”, avait estimé Olivier Jakob, du cabinet Petromatrix. “Le bond du pétrole de 11 dollars vendredi fournit la preuve la plus évidente que le marché du pétrole se détache de plus en plus des fondamentaux”, avait estimé pour sa part Julian Jessop, du cabinet Capital Economics. Les événements de vendredi ne font donc que confirmer la vision de l'Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep) qui ne cesse de rappeler que le problème n'est pas du tout une crise de l'offre. Les pays producteurs de pétrole ne veulent pas paraître comme responsables de la flambée des prix. D'ailleurs, le ministre du Pétrole du Qatar a estimé, hier, que l'inflation de la semaine dernière s'expliquait par la spéculation sur les marchés des matières premières et non par une pénurie au niveau de l'offre. Dans ce contexte, personne à l'intérieur de l'Opep ne plaide pour une réunion avant septembre, rejetant ainsi l'éventualité d'une augmentation de la production de pétrole de l'organisation face à l'envolée des prix. L'Arabie saoudite, premier exportateur mondial de brut, seul pays de l'Opep susceptible d'augmenter sa production rapidement et de manière significative, a estimé une augmentation de la production injustifiée. Cette thèse d'un marché suffisamment approvisionné ne semble cependant pas du goût des consommateurs qui, à chaque nouveau record du brut, s'empressent de demander une augmentation de la production de l'Opep, arguant que le rapport entre l'offre et la demande était de plus en plus serré. C'est ainsi qu'après Morgan Stanley, la banque d'affaires Goldman Sachs a estimé, hier, qu'il faut s'attendre à ce que le prix du baril de pétrole brut atteigne le cap historique des 150 dollars d'ici quelques semaines seulement. Le mois dernier, ce sont les analystes de la même institution, Goldman Sachs, considérée comme l'un des spéculateurs les plus actifs dans le domaine pétrolier, qui ont prédit un baril à plus de 200 dollars d'ici deux ans, une “méga hausse” imputable comme toujours, selon eux, au déséquilibre de l'offre et la demande. Au moment où les records qui se battent l'un après l'autre sur les marchés mondiaux du pétrole depuis plusieurs mois, continuent d'alimenter les manchettes, le marché semble pour l'instant ignorer le niveau élevé des livraisons de l'Opep. L'Iran a annoncé dimanche que ses exportations dépasseraient 2,5 millions de barils par jour (bpj) en juin après une diminution de 200 000 bpj de la demande des raffineurs en avril et en mai. Quant à l'Arabie saoudite, elle a augmenté sa production de 300.000 bpj pour la porter à 9,45 millions de bpj en juin. Le mois dernier, Ali al- Nouaïmi avait assuré que le royaume répondait à toutes les demandes de brut. Parallèlement, les exportations irakiennes devraient atteindre ce mois-ci leur plus haut niveau depuis cinq ans.