Par Hiba-Sérine A.K. Chakib Khelil annonçé, à travers l'écran de « France 24 », qui l'interviewait la fin de la semaine dernière, que l'Algérie, dans sa, diversification des sources d'énergie, travaille aussi sur « d'autres, comme le solaire par exemple », en attendant la mise en service, devait-il ajouter « d'une unité nucléaire dans dix ou vingt ans».Concernant cette source d'énergie intarissable et non-polluante, le ministre déclarait « nous avons actuellement en construction une centrale de 150 MW, unité hybride gaz/solaire ».Le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, ne croit pas si bien dire. Dans le sens où, encore une fois, l'Algérie va encore être en retard dans la prospection des nouvelles sources d'énergie. Le nucléaire civil développé, voilà déjà plus d'une cinquantaine d'années, s'est intensifié en Europe après le choc pétrolier du début des années 1970. L'Europe ferme déjà des centrales nucléaires et met sur pied de nouvelles sources d'énergie naturelles non-fossiles telles que les éoliennes et les énergies solaires. A propos de ces prospections l'Algérie apparaît encore une fois comme un pays à fortes potentialités. Le Sahara intéresse donc, et même si le pétrole montre ses limites (épuisement des puits dans 60 ou 70 ans) le soleil lui continuera d'inonder notre Sahara de ses rayons jusqu'à la fin des temps. Et c'est là où les études stratégiques démontrent que l'Europe de Sarkozy n'est pas seulement une union commerciale et économique, elle serait énergétique d'abord. « Desertec » le projet de l'avenir énergétique L'Europe, se tourne vers la Russie pour assurer sa sécurité énergétique. Le 13 juillet prochain, au premier sommet de l'Union pour la Méditerranée, l'Allemagne mettra sur la table une autre route énergétique, un corridor électrique solaire reliant le désert du Sahara au Continent. L'idée est née il y a un peu plus de cinq ans, dans les forums du Club de Rome. Au départ, elle n'a suscité que des haussements d'épaules parmi les rares diplomates intéressés aux questions énergétiques. Pourtant, après de multiples démarches, le gouvernement allemand a finalement accepté de financer une étude de faisabilité. Celle-ci a été confiée au Centre aéronautique et spatial allemand. Ses conclusions: non seulement une telle ceinture énergétique solaire est faisable, mais elle permettrait de fournir en prime une énergie abondante et non polluante aux pays d'Afrique du Nord, notamment l'Algérie, qui vont recourir de plus en plus massivement au dessalement de l'eau de mer. Le concept «Desertec» se fonde sur l'installation de grandes centrales solaires thermiques, concrètement des parcs de grands miroirs qui portent à très haute température de l'eau, transformée en vapeur qui alimente des turboalternateurs électriques. L'électricité produite serait transportée sur des lignes à haute tension en courant continu afin de limiter les pertes. L'énergie excédentaire serait stockée dans des réservoirs à sels fondus ou sous forme d'hydrogène. Selon les ingénieurs du Centre aéronautique et spatial allemand, une surface de 0,3% des déserts du Moyen-Orient/Afrique du Nord (Mena) permettrait de couvrir la demande future en électricité de l'Europe et des régions du pourtour méditerranéen. «Le soleil est la richesse cachée des pays d'Afrique du Nord», aime à répéter le père spirituel du concept, Gerhard Knies, porte-parole du Trec (Coopération Transméditerranéenne pour les énergies renouvelables). Son collègue, l'ingénieur Müller-Steinhagen, utilise, lui, fréquemment cette comparaison: un territoire grand comme l'Autriche suffirait à couvrir la consommation électrique du monde et un petit quart serait nécessaire pour assurer les besoins de l'Europe. Et surtout, contrairement à beaucoup d'autres procédés techniques, les centrales solaires thermiques (connues aussi sous l'acronyme anglais CSP, pour Concentrating Solar Power) sont matures sur le plan technologique. Elles furent en effet en vogue à la fin des années 1970, puis abandonnées quand le cours du baril de pétrole chuta à moins de 20 dollars. Depuis peu, les centrales solaires thermiques sont de retour sur la scène énergétique, aux Etats-Unis, mais également en Espagne. Mais le plus emblématique de ce renouveau est peut-être le cas de la centrale française «Thémis» à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales). Inaugurée en 1983, la plus grande centrale solaire fut fermée trois années plus tard par EDF... qui vient tout juste d'annoncer sa réouverture (Le Figaro, 23 juin 2008), sous la pression d'élus locaux et des chercheurs du Cern qui utilisaient le site pour des expériences d'astrophysique. Mais cette réouverture marque peut-être symboliquement un tournant. Une UPM de l'énergie A la grande surprise des promoteurs allemands du concept «Desertec», les diplomates français s'intéressent subitement à l'énergie solaire des déserts d'Afrique du Nord, alors même qu'il y a peu Nicolas Sarkozy songeait avant toute chose à vendre des centrales nucléaires aux pays d'Afrique du Nord. La volte-face française, analysée récemment avec une certaine gourmandise par l'hebdomadaire allemand Spiegel, n'est pas innocente: le concept «Desertec» séduit les diplomates de Bruxelles, et plusieurs gouvernements (Algérie, Jordanie, Egypte, etc.) ont manifesté leur intérêt et même lancé des études de faisabilité. Les promoteurs de «Desertec» espèrent que la présidence française de l'Union européenne en fera un des cinq projets concrets avec la dépollution de la Méditerranée ou la prévention des catastrophes du premier sommet pour l'Union pour la Méditerranée. Les promoteurs de «Desertec», une poignée d'ingénieurs, se montrent prudents. Ils savent que leur vision bouscule les idées préconçues sur l'autarcie énergétique et exige aussi des adaptations technologiques considérables dans les réseaux. Selon les premières estimations, les investissements pour couvrir 15% de la consommation électrique européenne se monteraient à 400 milliards d'euros, dont 50 milliards pour la construction des grandes lignes de transport. C'est beaucoup d'argent, mais c'est raisonnable dans la mesure où, en 2020, le prix du kWh solaire thermique devrait être concurrentiel avec les sources fossiles (gaz, charbon, nucléaire). Le plus difficile sera sans doute d'organiser un plan cohérent de développement alors que les Etats ont une fâcheuse tendance à réfléchir au niveau strictement national. L'Europe n'est toutefois pas la seule à rêver à l'énergie de ses déserts lointains. Les Etats-Unis, notamment la Californie, relancent des projets de très grands parcs solaires thermiques qui ont une puissance équivalente à une demi-centrale nucléaire ou au charbon. C'est un bon présage pour le sommet du 13 juillet: les centrales solaires thermiques sont de retour dans le radar des investisseurs et franchissent les cercles diplomatiques où l'on ne parle généralement que du gaz et du pétrole, oubliant l'autre richesse cachée et pourtant si évidente des déserts.