Au moment où les prix du pétrole, après avoir enfoncé la semaine dernière le seuil des 140 dollars, se dirigent désormais vers les 150 dollars, le débat sur les moyens à mettre en place pour endiguer cette flambée semble complètement biaisé par les diagnostics diamétralement opposés des producteurs et des consommateurs. Ce constat a été, encore une fois, vérifié à Madrid à l'occasion de la tenue du 19e Congrès mondial sur le pétrole. En effet, si les pays consommateurs, confrontés à l'envolée des prix du baril de brut, réclament des investissements dans les capacités de production, se disant inquiets de l'évolution de l'offre pétrolière qui ne serait, selon eux, pas suffisante dans le futur, les producteurs sont, pour leur part, préoccupés par la stabilité de la demande. "Nous sommes préoccupés par la stabilité de la demande" à l'avenir, a déclaré le président de l'Opep, M. Chakib Khelil, devant le 19e Congrès mondial du pétrole réuni à Madrid, soulignant qu'une stagnation pourrait décourager les investissements dans les capacités de production, réclamés par les pays industrialisés. Du point de vue de l'Opep, l'envolée des prix du pétrole pousse à l'exploitation de nouveaux gisements dans des pays non-membres de l'Organisation. L'Opep s'alarme de l'état de la croissance mondiale, et donc de la consommation de pétrole dans le monde. Elle est inquiète de "la perspective économique mondiale" et de "l'incertitude sur les prix du pétrole" qui sont très instables, a ajouté M. Khelil. Elle craint également que cet alourdissement de la facture pétrolière, conjugué aux préoccupations écologiques des pays riches, ne pousse ces derniers à réduire leur consommation. L'organisation réclame ainsi "une demande future (de pétrole) crédible" afin qu'elle puisse attendre "un retour sur investissement décent" si elle investit beaucoup d'argent pour accroître sa capacité de production, a-t-il ajouté. "Nous pensons que la crise financière aura un effet sur les investissements" dans le pétrole, a-t-il souligné. Se sont là autant de facteurs qui alimentent les craintes de l'Opep sur les débouchés de son pétrole pour l'avenir, a expliqué M. Khelil. Ces positions de l'Opep, expliquées par son président, sont à l'opposé de celles des pays consommateurs. D'ailleurs, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a mis en garde mardi à Madrid à propos d'une décélération "considérable" de l'accroissement de l'offre de pétrole à partir de 2010, au moment précis où, selon elle, la croissance économique, et donc la demande de pétrole, devraient repartir. Cette baisse surviendra "juste quand la prévision de croissance devrait relever la tête", a indiqué l'AIE, bras énergétique de l'OCDE, dans son rapport de perspectives à moyen terme présenté à Madrid. Selon le scénario de l'AIE, la demande de pétrole pour alimenter la reprise de la croissance mondiale augmentera au moment même où l'offre se raréfiera, augurant de nouvelles hausses des prix du brut. Dans les 18 prochains mois, l'AIE relève la possibilité que se crée un "petit coussin d'offre" en raison de l'affaiblissement de la croissance économique mondiale et de l'entrée en production d'un nombre important de projets pétroliers. Ensuite, à compter de 2010, "le taux d'expansion annuel va chuter considérablement de 1,5 à 2,5 millions de barils par jour jusqu'ici à moins de 1 million de barils par jour", selon l'agence internationale. Cela va réduire la capacité de production excédentaire de l'Opep (la réserve de production mobilisable immédiatement pour pallier une crise majeure, Ndlr) "à des niveaux minimum en 2013", selon l'agence.