Par Hiba Sérine A.K et Agences Le Président Bouteflika dans son intervention devant le G8, outre la question des changements climatiques et de leurs conséquences directes sur l'environnement africain, a souligné que l'absence de financements de projets dans le cadre du protocole de Kyoto pénalisait le continent noir. Il devait ensuite insister sur les phénomènes de la baisse de la production agricole, la raréfaction des ressources en eau et la crise alimentaire en Afrique.En ce sens, les dirigeants des pays riches du G8 ont été soumis à une forte pression des pays africains pour tenir leurs promesses d'aide, vitales pour surmonter l'envolée des prix des matières premières et la crise alimentaire, lundi au premier jour du sommet de Toyako (Japon). Les chefs d'Etat et de gouvernement du G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Russie) et ceux des pays africains invités (Afrique du Sud, Algérie, Ethiopie, Ghana, Nigeria, Sénégal, Tanzanie plus l'Union africaine) se sont retrouvés pour un déjeuner, suivi d'une séance de travail, au Windsor Hotel Toya, un établissement de luxe isolé dans les montagnes du nord du Japon.Fait notable, la discussion n'a pas, en cette première journée de sommet, accouché de nouveaux engagements. "Le débat a porté sur nos responsabilités mutuelles et les dirigeants africains ont reconnu que leurs promesses en matière de revue par les pairs, ou de lutte contre la corruption, n'ont pas toujours été suivies d'effets". Pour y remédier, le G8 devait confirmer hier la création d'un conseil de "Sherpas" spécialisés chargés de suivre et d'évaluer les progrès réalisés en Afrique. Ce groupe d'experts pourrait se réunir dès le début de l'année prochaine. "Investir massivement dans l'agriculture" Alors que les chefs d'Etat et de gouvernement poursuivaient leurs entretiens, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et le président de la Banque mondiale Robert Zoellick ont redit la nécessité "d'investir massivement à long terme dans l'agriculture" et d'accoucher en urgence de "filets de protection alimentaires" en faveur des catégories les plus vulnérables de la population des pays les plus pauvres, comme les enfants en âge de scolarité, ou les mères enceintes. La Banque mondiale, qui estime à 10 milliards de dollars les besoins requis pour faire face à la crise alimentaire mondiale, a également réitéré son appel en faveur des exploitants agricoles africains qui doivent pouvoir se procurer des engrais et des pesticides afin d'affronter la prochaine saison de culture, entre septembre et décembre. La journée de travail du G8 sur l'économie mondiale, mardi, a abordé la question des restrictions à l'exportation des produits agricoles imposées par certains pays producteurs, notamment en Asie, et accusées de favoriser la spéculation.Les discussions consacrées à l'Afrique ont très vite été focalisées, lundi, sur la situation au Zimbabwe. Pour éviter d'envenimer le débat et de l'enliser par des critiques sur le "néocolonialisme", le premier ministre britannique Gordon Brown et le président américain George Bush ont préféré laisser la parole à leurs homologues. Ceux-ci ont redoublé de critiques sur le régime du président Mugabe, accusant ce dernier "de donner un coup de poignard à l'image de l'Afrique" tandis que leurs interlocuteurs africains faisaient valoir le "risque d'explosion" dans le pays ou les deux camps, majorité et opposition, sont à peu près à égalité et prêt à en découdre, comme cela s'est passé au Kenya ou en Côte d'Ivoire. La présentation prochaine, au Conseil de sécurité de l'ONU, d'un projet de résolution sur une nouvelle série de sanctions personnalisées contre le président du Zimbabwe et ses proches, a été évoquée. Ce texte doit être très bientôt mis au vote à New-York. Il lui faut, pour être approuvé, neuf voix sur quinze dont une ou deux voix en provenance des pays africains membres du Conseil. Au Japon, le G8 joue sa crédibilité sur la crise alimentaire Angela Merkel a pris les devants. Dans un entretien à la presse dominicale, la chancelière allemande a promis "qu'un vaste catalogue de mesures pour garantir l'alimentation mondiale" serait adopté lors du G8 au Japon. Le gouvernement nippon a pour sa part annoncé le déblocage immédiat de 50 millions de dollars supplémentaires pour le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU, dont les besoins ne vont cesser de croître, selon les experts. "La crise alimentaire peut mettre en danger la démocratisation, déstabiliser des Etats et menacer la sécurité internationale", a répété Angela Merkel avant de rejoindre le complexe hôtelier et thermal de Toyako, au sud de l'île montagneuse d'Hokkaido. Les propositions sur la table du G8 vont de la création d'une réserve mondiale de grains à l'adoption de mesures destinées à convaincre certains pays producteurs (Inde, Vietnam, Cambodge...) de lever leurs récentes restrictions à l'exportation accusées de nourrir la spéculation. L'idée de lancer, sur le modèle du Fonds mondial contre les pandémies basé à Genève, un nouveau mécanisme de financement dédié à l'agriculture et à l'alimentation circule aussi. Selon ses partisans, le Fonds mondial contre le sida, la malaria et la tuberculose - initié par le précédent sommet du G8 organisé au Japon, en 2000 sur l'île d'Okinawa - a eu un effet de levier considérable en investissant de très gros montants sur des projets, hors des lourdeurs du système onusien et avec des méthodes performantes d'audit limitant la corruption, endémique dans des zones telles que l'Afrique. Son ouverture au secteur privé pourrait aussi servir de modèle, compte tenu du poids décisif des multinationales agroalimentaires. L'impact des travaux du GIEC sur la prise de conscience du réchauffement climatique est aussi évoqué comme la preuve qu'il faut, pour avancer, s'affranchir parfois des structures existantes. "Pour être crédible, le G8 doit répondre à un double défi", complète Joaquim Von Braun, directeur de l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires basé à Washington. "Le premier challenge est la mobilisation urgente de ressources pour l'agriculture. Le second est l'envoi de signaux forts pour contrer la fébrilité des marchés alimentaires. Or grâce à la présence à Toyako de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement des pays émergents (Brésil, Chine, Inde...), invités au rituel sommet "élargi", les dirigeants du G8 ont une opportunité unique". Le président américain de la Banque mondiale, Robert Zoellick, confirme le chiffre estimé à 10 milliards de dollars pour les "besoins urgents" afin de contrer la faim. Des montants qui, selon Joaquim Von Braun, justifient des changements: "A l'évidence, un nouveau mécanisme est nécessaire pour que chaque dollar soit utilisé au mieux, soit pour l'achat de réserves, soit pour le financement d'assistance alimentaires, soit pour des achats d'engrais ou de semences". Des chiffres résument ce défi. Juste avant la rencontre d'Hokkaido, le président japonais de la Banque asiatique pour le développement (ADB), Haruhiko Kuroda, a redit que dans cette région à la fois la plus peuplée et la plus dynamique du monde, un milliard de personnes consacrent plus de 60% de leurs ressources à la nourriture et sont menacées de malnutrition. L'ADB, très inquiète de la poussée d'inflation en Asie sous le coup des envolées alimentaires et énergétiques (7,7% en Chine, 7,8% en Inde, 27% au Vietnam...) prévoit d'ici à 2009 de doubler ses prêts agricoles, de un à deux milliards de dollars. Sur un autre front, un rapport de la Banque mondiale dévoilé par le Guardian attribue au développement des biocarburants 75% de la hausse des denrées depuis 2002. Les plus réticents à cette approche innovante sont paradoxalement les européens. L'UE, premier bailleur de fonds mondial pour le développement avec 48 milliards d'euros d'aide annuel, préférerait soutenir des projets pilotes financés par les organisations existantes."Nous manquons de success-story agricoles dans les pays du sud. Il nous faut des modèles plus que des structures" jugeait à Bruxelles, avant le G8, le commissaire européen à l'aide humanitaire Louis Michel.