La Méditerranée possède une vie exceptionnellement riche. Son histoire géologique mouvementée a attiré ces derniers millions d'années des espèces originaires de tout l'Atlantique, du nord au sud en passant par les tropiques, et les a mêlées à un grand nombre d'espèces endémiques. Ce qui lui vaut d'abriter, elle qui représente 0,8% des océans du globe, 18% de leurs espèces végétales et 7,5% de leurs espèces animales. Or, aujourd'hui, diverses activités humaines mettent cette richesse en péril. La première est la surpêche. Exemple en est le thon rouge - LT du 18 juillet -, qui a été capturé sans modération depuis une quinzaine d'années. Pendant tout ce temps, les pêcheurs ont violé de façon éhontée les quotas fixés par les politiques, qui négligeaient eux-mêmes tout aussi imprudemment les avertissements des scientifiques. L'espèce s'est retrouvée dans une situation si désespérée que la Commission européenne, d'habitude très réservée, a dû sévir brutalement le mois dernier en annonçant la fermeture immédiate de la saison de pêche. "Les méthodes de pêche actuelles n'ont pas seulement des effets désastreux sur les espèces visées, dénonce Marina Gomei, chef de projet à l'Union mondiale pour la nature (UICN). Elles font de nombreux dégâts collatéraux en ramassant dans d'immenses filets toutes sortes d'animaux sans valeur marchande, qui connaissent un haut taux de mortalité même lorsqu'ils sont rejetés à l'eau. Et puis, ces pratiques déséquilibrent les écosystèmes." Le crépuscule des requins Témoins du massacre, les populations de requins ont pratiquement disparu de Méditerranée. Les 47 espèces qui vivaient jadis en abondance dans la Grande Bleue ont toutes diminué de 97% ou plus, tant en nombre d'individus qu'en poids des prises, depuis cent cinquante à deux cents ans, selon les travaux de chercheurs italiens et canadiens publiés le 11 juin dernier. Et leur taux de disparition s'est sensiblement élevé depuis les années 1970 sous l'effet de la pêche directe et indirecte comme des activités humaines en zone côtière, où ces animaux sont censés se reproduire. La deuxième activité humaine à menacer la vie végétale et animale est le rejet de toutes sortes de produits et substances dangereux. Des filins dans lesquels s'étranglent certains animaux au plastique dont d'autres se remplissent l'estomac sans pouvoir jamais le digérer, en passant par les gaz à effet de serre qui tuent les coraux à petit feu. Troisième activité nocive: le trafic maritime. En ouvrant de nouvelles voies navigables comme le canal de Suez ou en déplaçant des bateaux d'un bout à l'autre du monde, l'homme ne cesse plus d'introduire des espèces exotiques dans le bassin méditerranéen. Or, une sur dix environ s'avère invasive, c'est-à-dire s'impose au détriment d'espèces locales. Jean-Pierre Feral, directeur du Laboratoire diversité, évolution et écologie fonctionnelle marine de l'Université de la Méditerranée et du CNRS, cite la Caulerta racemosa, une algue originaire d'Australie, sans doute venue par bateau, qui, en douze ans, a envahi la Méditerranée. Et, ce faisant, étouffé une quantité incalculable de plantes et d'animaux.