Par Fouzia Belkichi Les démocraties ne cessent de donner des leçons à la Russie, mais les donneurs de leçons ne sont eux-mêmes pas très pressés d'apprendre", avait lancé l'an dernier Vladimir Poutine à la conférence sur la sécurité de Munich, dans un discours jugé très belliqueux par le monde occidental. Le conflit géorgien illustre dramatiquement à quel point les Etats-Unis et l'Europe sont incapables d'anticiper les réactions de Moscou. La rapidité et la rigueur avec lesquelles les forces russes sont intervenues en Géorgie ont tout juste surpris le monde occidental. Mais celui-ci devrait aussi s'inquiéter du peu de cas qui a été fait des avertissements du Kremlin. A Munich, Vladimir Poutine avait exprimé très clairement que l'extension de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie, de même que le projet de bouclier antimissile en Pologne étaient considérés comme visant directement à encercler son pays. Malgré les réticences françaises et allemandes, l'OTAN avait cru pouvoir passer outre ces mises en garde pour promettre une adhésion prochaine aux deux candidats. La Russie vient de rappeler très clairement et sans ambiguïtés aux Européens qu'il n'y a pas de choix sans conséquences. Le problème de l'OTAN, c'est son ambiguïté. Aux Russes, elle présente la façade d'un forum démocratique tourné vers la résolution des conflits ; mais les nouveaux membres continuent à y voir un parapluie militaire contre ce qu'ils considèrent à tort l'impérialisme russe. Les défenseurs des Etats ralliés incessamment à l'OTAN cherchent à justifier les craintes par les peurs des satellites de l'ex-empire soviétique qui redoutent une flambée d'autoritarisme de Moscou. Mais, même si le ministre américain de la Défense ou le président polonais continuent à classer la Russie au rang de leurs "adversaires probables", l'Europe, elle, ne peut pas s'en tenir à une réaction d'hostilité. Bien au-delà de ses ressources en gaz et de son vaste marché, la Russie est trop importante pour la stabilité du continent, la lutte contre le terrorisme. Elle n'a pas seulement soif de victoires, elle est aussi à la recherche de reconnaissance et d'échanges technologiques ou commerciaux. Face à elle, l'Europe a besoin d'une politique commune et cohérente qui, pour l'instant, n'existe pas. Admettre la puissance russe retrouvée, reconnaître qu'il faudra faire des concessions sans lesquelles il n'y a pas d'avancée possible. Mais aussi, dans la perspective d'un inévitable rapport de force, tracer une ligne rouge de valeurs intangibles - démocratie, droits de l'homme - et d'intérêts vitaux.