Alors que la récession menace désormais l'Europe en plus des Etats-Unis, la demande pétrolière a flanché dans les pays industrialisés et les prix du baril ont lâché plus d'un quart de leur valeur. Après un sommet historique à 147,50 dollars le 11 juillet, le baril de brut est tombé à quelque 103 dollars vendredi à Londres. Une situation qui commence à inquiéter les 13 pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), dont la production de 32,7 millions de barils par jour atteint des niveaux record et assure 40% de l'offre mondiale. Cependant, les membres de l'Organisation qui se réuniront mardi prochain à Vienne, devraient laisser leur production inchangée pour le moment. "La production devrait rester inchangée lors de cette réunion", estime Ed Morse, de la banque Lehman Brothers, une opinion partagée par la majorité des experts. La Libye et l'Equateur se sont prononcés en faveur du statu quo et le Nigeria a dit garder ses options "ouvertes". Hormis l'Iran, aucun membre n'a, en effet, clairement prôné une réduction immédiate de l'offre. Selon le représentant de l'Iran au sein de l'Organisation, Mohammad Ali Khatibi, cité hier par l'agence officielle Irna. Les pays membres de l'Opep doivent respecter le plafond de production pour soutenir les prix du pétrole. A deux jours de la réunion de Vienne, M. Khatibi précise que "la situation de l'offre et de la demande du pétrole dans le monde montre qu'il y a une baisse de la demande (...) l'Opep doit donc adapter sa production aux besoins du marché", a-t-il ajouté. La production réelle de l'Opep dépasse actuellement d'un demi-million de barils ses quotas officiels. Certes, la récession qui menace l'Europe et les Etats-Unis inquiète les pays du Golfe persique, qui craignent une contraction de la demande. Mais ils craignent également qu'une réduction drastique de l'offre n'effraie les consommateurs. De plus, certains producteurs, comme les Saoudiens, adoptent une stratégie de long terme. Ils craignent qu'un baril à 150 dollars ne tue la poule aux œufs d'or en poussant les pays importateurs de pétrole à développer massivement les sources d'énergies alternatives. En outre, "l'Arabie saoudite (...) est sensible à l'opinion publique occidentale et ne voudra pas tirer à nouveau vers le haut les prix du pétrole, alors que l'économie mondiale ralentit", précise Hugo Navarro, de Capital Economics. Le scénario le plus plausible est que l'Opep se contente de restreindre sa production réelle, qui dépasse actuellement d'un demi-million de barils ses quotas officiels. "Les Saoudiens vont retirer du marché ce supplément", prédit ainsi Frédéric Lasserre, de la Société Générale. Pour apaiser la flambée des cours, Riyad avait en effet unilatéralement décidé de pomper 200 000 barils de plus en mai, puis annoncé en juin à Djeddah un rajout de 300.000 barils. Soit ils procéderont "sans rien dire", soit ils l'annonceront officiellement dès mardi, précise Frédéric Lasserre. Reste enfin une inconnue : l'évolution des prix avant la réunion. Un plongeon des cours sous 100 dollars le baril pourrait en effet donner du poids aux "faucons" pressés de tailler dans les quotas. Mais d'après les experts du cabinet londonien Centre for Global Energy Studies (CGES), les Saoudiens, leaders de l'Organisation , pourraient s'accommoder d'un baril entre 80 et 90 dollars.