Note de conjoncture du docteur Abderrahmane MEBTOUL Expert international Le Président de la République vient de trancher sur le sujet des fonds souverains en rejetant l'idée qui a animé les débats entre mai et juillet 2008, où nous avons assisté à plusieurs déclarations des responsables algériens concernant les fonds souverains. Selon Abdelhamid Temmar, Ministre de la promotion de l'investissement, dans une déclaration vague, l'Algérie peut créer immédiatement un fonds souverain. Plus précis, Abdelatif Benachenhou ancien Ministre des Finances, 20% des réserves de change suffisent pour le lancement d'un fonds d'investissement souverain, orienté vers l'internationalisation de Sonatrach, 30% de ces réserves devront rester entre les mains de la Banque d'Algérie et 50% devront aller au financement de l'économie. Plus prudent, pour Chakib Khelil, Ministre de l'Energie et des Mines, dans l'interview à France 24 un fonds souverain est souhaitable mais seulement danscinq années. Pour le Ministre des Finances Karim Djoudi avis partagé par la banque centrale d'Algérie, le moment n'est pas opportun et avec la crise des prêts hypothécaires depuis août 2007, cela est risqué. Actuellement et il est toujours utile de le rappeler, les réserves de change de l'Algérie estimées à 133 milliards de dollars fin juin 2008, allant vers 150/160 milliards de dollars fin 2008, compte tenu des dépenses actuelles et si le cours se maintient entre 100/110 dollars le baril, plus de 50% sont affectées sous forme de placements en bons de Trésor américains et dans certaines banques internationales bien cotées dites AAA. Cette option est jugée actuellement du fait du dérapage du dollar par rapport à l'euro depuis 2000 de plus de 55% amenuisant d'autant la valeur globale reconvertie en euros, donc peu rentable et peu efficace sachant que les taux d'intérêt qui y sont appliqués nedépasseraient pas les 2%. D'autant plus qu'à la différence des pays pétroliers s'approvisionnant au sein de la zone dollars, les importations algériennes avoisinent 50% en euros. C'est face à cette polémique que je propose d'analyser sommairement le fondement et la stratégie des fonds souverains. 2.-Les fonds souverains dont le premier a été créée au Koweit en 1953, sont aujourd'hui en passe de devenir une nouvelle catégorie d'acteurs de la globalisation financière notamment des pays pétroliers. Un fonds souverain (sovereign wealth funds), ou fonds d'État, est un fonds de placementsfinanciers(actions, obligations,etc.) détenu par un État. Les fonds souverains gèrent l'épargne nationale et l'investissent dans des placements variés (actions, obligations, immobilier, etc.). Dans une acception restreinte, ils désignent spécifiquement " les avoirs des états en monnaie étrangère "[]Dans une acception plus large, ils désignent tous les fonds d'investissement détenus par un État tirant leurs ressources des banques centrales (Chine) des réserves pour les retraites (Norvège) ou des recettes des hydrocarbures (Norvège, Russie, pays du Golfe). En fait, il n'existe pas une définition généralement acceptéedes fonds souverains. Dans une acception large, il convient de considérer un fonds souverain comme étant un fonds de placement international de l'épargne nationale principalement dans des actions et obligations et appartenant à des Etats ou aux banques centrales de ces Etats. Leurs actifs sont évalués début 2008 à environ 3.000 milliards de dollars US et pourraient atteindre 12.000 milliards de dollars horizon 2015, soit plus de 10% de l'argent en circulation sur la planète, le marché des capitaux étant actuellement de 50 000 milliards de dollars, selon une étude du cabinet Morgan Stanley. 3.-Il existe actuellement plus de 40 fonds souverains mais leur nombre s'accroît d'année en année. Ainsi , je ne citerai que Abu Dhabi Investment Authority(créé en 1976, Émirats arabes unis), avec Saeed Mubarak Al Hajeri, formé dans les plus grandes universités américaines, de Havard dirige la "Abu Dhabi investment Authority", dont le montant est estimée à plus de 943 milliards de dollars- courant 2007; []Government Pension Fund-Global(1990, Norvège), []Government of Singapore Investment Corporation(GIC) (1981, Singapour), []Reserve Fund for Future Generation(1953, Koweït), China InvestmenCorporation(2007, Chine), Stabilisation fund(2004, Russie, )- Temasek Holdings(1974, Singapour) et Qatar Investment Authority(2005, Qatar).Outre que quelque 1200 milliards de dollars de capitaux arabes sont entreposés au niveau des banques se trouvant à l'étranger, chiffre trouvant son explication principalement par le fait que les pays arabes détiennent 60% des réserves mondiales de pétrole et le tiers des réserves de gaz, les pays du Golfe totaliseraient des actifs estimés à 3 000 à 4 000 milliards de dollars(1). La stratégie des fonds souverain s'oriente de plus en plus vers des investissements financiers, la participation au capital d'entreprises occidentales voire leur prise de contrôle: exemple rachat en partie par les fonds de Dubaï et du Quatar de la Bourse de Londres, investissement de fonds chinois et de Singapour dans le capital de la banque Barclay's, présence de l'Emirat de Dubaï et d'une banque publique russe au capital d'EADS. À côté des fonds chinois, le fonds russe est considéré par la plupart des analystes, le FMI inclus, comme un fonds qui se sert des investissements stratégiques pour atteindre des objectifs politiques notamment à travers la stratégie de Gazprom (notamment celui d'augmenter ses réserves énergétiques hors frontières). Pour sa part, la Norvège a adopté une politique très différente. Le fond norvégien (" Norwegian Wealth Fund ", NWF) a été créépour pallier la diminution de la rente énergétique à moyen terme, le Ministère des Finances étant responsable de la politique d'investissement alors que la Banque nationale s'occupe du management opérationnel. Les participations dans chaque entreprise sont faibles (jamais plus d'1% du capital total), les entreprises qui vendent des armes, pratiquent la corruption ou ne respectent pas l'environnement sont évitées, tout comme les secteurs stratégiques. Aujourd'hui, le NWF est l'un des plus importants fonds souverains au monde, ayant des participations dans plus de 3000 entreprises dans plus de 40 pays. 4.-Aussi, avec les fonds souverains, le pouvoir financier a tendance donc à basculer du côté de certains pays du Sud, dont les réserves fin 2007 atteignent 72 % des réserves mondiales, la Chine occupant le premier rang des investisseurs mondiaux selonl'International Herald Tribune, du 17 octobre 2007 (la banque centrale de Chine venant de donner le niveau de ses réserves de change fin juin 2008 estimées à 1800 milliards de dollars US). Cependant, il ne faut pas être utopique , le pouvoir monétaire reste arrimé au Nord, le dollar (64 % des transactions) étant de plus en plus concurrencé par l'euro (26 %), tandis que la plupart des monnaies émergentes restent arrimées au dollar, et donc sous-évaluées. Ces fonds de placement financiers détenus par les Etats, suscitent de fortes réactions de méfiance de la part de certains pays développés. Le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement les 13 et 14 mars 2008/a abordé la question, proposant une "approche commune", veut éviter que les Etats membres n'adoptent dans le désordre des législations protectionnistes.Les Etats-Unis ont adopté une législation visant à empêcher ces fonds de contrôler des secteurs affectant leur sécurité nationale. Le FMI a décidé de mettre en place des mécanismes de contrôle. Cependant, ils ont eu un effet de stabilisation sur les marchés financiers et de modernisation dans les méthodes d'investissements. Par ailleurs ces fonds ont joué le rôle de sous pape de sécurité après la crise hypothécaires d'août 2007 en refinancant plusieurs banques internationales en difficultés. 5- La leçon que l'on peut tirer concernant ce débat en Algérie et loin de toute passion est que pour une gestion efficace des fonds souverains, comme j'ai eu à le préciser dans la presse nationale et internationale courant juillet 2008, est que cette dernière doit reposer quatre facteurs,tenant compte du processus de mondialisation, de notre place au sein des différentes stratégies géo-politiques, en précisant que l'Algérie souffre de capacité d'absorption de ses ressources financières, comme en témoigne les sur liquidités bancaires et le placement d'une partie de ses fonds à l'étranger. Notre pays ne souffre donc pas d'argent frais et vouloir attirer les capitaux locaux et étrangers doit reposer sur l'accumulation du savoir faire intérieur condition du développement économique et social futur impliquant une autre vision du développement que des dépenses monétaires sans se soucier à la fois des impacts réels et d'une bonne maîtrise des coûts. Premièrement une bonne gouvernance interne (solidité et moralité des institutions), ce qui est loin le cas en Algérie caractérisée par un manque de visibilité et de cohérence dans la a démarche de la politique socio-économique. Deuxièmement la gestion des ressources humaines par la revalorisation du savoir, dont une spécialisation très fine dans l'engeerenie financière et le management stratégique qui nécessitent un minimum de 10 ans d'expérience ; car combien avons-nous de spécialistes en cette matière et il en est même pour certains secteurs porteurs à moyen terme comme le nucléaire ou le solaire, où l'Algérie risque de former pour l'extérieur. Car avant de vouloir attirer les compétences algériennes extérieures, vision utopique à l'heure actuelle, il faut une nette volonté politique de retenir le peu de ceux qui restent. Et rien ne sert de faire des séminaires ou de soi- disantesrencontres internationales sur ce sujet dont les solutions sont connues de tous. Troisièmement l'on doit tenir compte de la concurrence internationale vivace dans ce domaine, et avoir à la fois un système financier national performent ( ce qui est loin d'être le cas avec une bourse en léthargie , des entreprises d'Etat en difficultés achetant des entreprises d' Etat en difficultés, unique dans les annales de la finance ) et une surface financière appréciable. Avec les fonds placés à l'étranger et les dépenses pour le programme de soutien à la relance économique 2004/2009 200 milliards de dollars, 33 milliards de dollars annuellement ( les importations ont été évaluées à environ 38 milliards de dollars en 2008) et avec la chute actuelle du baril de près de 50 dollars en quelques mois( ayant atteint 160 dollars) sachant que pour la production actuelle algérienne la baisse d'un dollar par baril c'est un manque à gagner d'environ minimum de 500 millions de dollars moyenne annuelle pour la chute d'un dollar que l'on doit multiplier par le volume, tenant compte de l'appréciation du dollar de 10/12%, (manque à gagner annuel à un cours plancher de 100 dollars de 60/70% du montant annuel du programme de relance économique -33 milliards de dollars annuel- et plus de 100% à corrigé par une réévaluation du dollar de 20% à un cours plancher 70/75 dollars le baril ) , la surface financière étant donc relativement faible malgré les difficultés d'absorption. Enfin quatrièmement de revoir le code pénal dépénalisant les actes de gestion des acteurs économiques et éventuellement choisir un bon partenariat. Cela est lié aux aspects précédents , aller à la bourse c'est comme aller au casino , pouvant gagner mais également perdre( la définition de l'entreprise c'est la prise de risque dans un environnement incertain et turbulent et ce que certains qualifient faussement de spéculation est un acte éminemment économique dans la pratique des affaires ) en jouant sur la loi des grands nombres impliquant Dans ce cadre, pour le cas de l'Algérie, je pense objectivement que cela implique d'être prudent, les conditions n'étant pas actuellement remplies.