Un livre étonnant qui s'intitule Une étoile pour Noël de Nasser Djemaï vient de sortir chez Arles, Actes Sud-Papiers. Un livre adapté au théâtre dans une mise en scène de Natacha Diet et Nasser Djemaï, avec la compagnie Repères. La pièce a fait quelques festivals tel celui de la francophonie en Limousin avant d'atterrir au Théâtre de l'Hexagone, dernièrement. Le texte est touchant de par son côté aussi sensationnel qu'autobiographique. Une étoile pour Noël, est le récit du petit Nabil, farouchement décidé à devenir Premier ministre comme le lui a demandé, secrètem,ent son père. Entre les mines de ciment où travaille ce dernier et le ministère, il n'y a qu'un pas à franchir... C'est en tout cas ce dont est bientôt convaincu Nabil, encouragé dans son “ ascension ” par la grand-mère de Jean-Luc, nouveau camarade de classe. Prise d'affection pour cet enfant “à intégrer ”, elle s'emploie à lui transmettre les clés de la réussite… C'est en tout cas ce dont est bientôt convaincu Nabil, happé par la grande machine à laver d'une petite société où chacun s'emploie à lui inculquer les recettes de la réussite : ne pas ressembler à son père, avoir un prénom avec les bonnes sonorités, connaître l'équation type d'un cercle pour découper un gâteau…Dans ce microcosme peuplé d'ogres à visage humain, Nabil, tour à tour naïf et manipulateur, avance dangereusement. Nasser Djemaï part sur le fil du conte contemporain, puis s'envole vers le théâtre à sketches et atterrit sur le terrain de la poésie dramatique. Une galerie de portraits tout en finesse à laquelle le public se livre avec jubilation. Une étoile pour Noël apparaît d'abord comme un livre qui rend hommage aux Français qui ont aidé des énergies à éclater et comme aussi un pamphlet à l'égard des ambitions des beurs qui, malgré leur connaissance, ne peuvent accéder aux postes stratégiques avec des noms aux sonorités “ étrangères”. C'est aussi une question d'intégration dans un univers qui vous prend tout sans rien vous donner. Cette ambition presque maladive d'accéder à un rôle social privilégié, viendrait de l'image d'un père et de ses conseils, lui dont les mains se sont fossilisées dans une mine de ciment. Ces enfants ne devaient absolument pas suivre cette voie d'ouvrier à la chaîne. C'est ainsi que le père pousse ce vœu très loin en voulant faire, de son rejeton Nabil, le Premier ministre de la France ! Prenant appui sur une évocation largement autobiographique - les personnages “ ont été étirés, poussés dans leurs retranchements, pour devenir des figures théâtrales ” lit –on dans le texte d'Algeriades. Com. “ “En sixième, confie Nasser Djemaï, un camarade de classe a eu un grave accident. Afin de lui éviter un retard trop important, je lui apportais, régulièrement, ses devoirs à la maison. Pour me remercier d'avoir pris soin de son petit-fils, la grand-mère de cet ami a décidé de prendre en main mon éducation. Elle m'a fait comprendre qu'avec un prénom comme le mien, je ne pourrai jamais prétendre à de grandes choses. Elle m'a donc baptisé Noël, m'a fait des mèches blondes, m'a inscrit à l'aumônerie, mes notes à l'école en étaient bien meilleures et je trouvais tout cela extraordinaire. ” Du collège au baccalauréat avec les félicitations du jury puis à Sciences Po, le spectacle se nourrit ainsi des tribulations et des efforts de Nabil/Noël aux mèches décolorées, peu à peu étranger aux siens et à ses amis d'enfance, seul sur la route de son intégration. La violence part souvent d'un bon sentiment, estime Nasser Djemaï et c'est parce que “ chacun est persuadé d'agir pour le bien d'autrui ”, que se “ commettent des actes d'un égoïsme terrifiant ”. Dans Une étoile pour Noël, “ tous les personnages se massacrent en voulant faire le bien. ”Né en 1971 à Grenoble de parents algériens établis en France depuis 1969, Nasser Djemaï est diplômé de l'Ecole nationale supérieure de la comédie de Saint-Etienne et de la Birmingham School of Speech and Drama en Grande-Bretagne. Après un perfectionnement à la British Academy of Dramatic Combat, le comédien a complété sa formation auprès de Hettie McDonald et Frank McGuiness dans The Storm d'Alexandre Ostrovsky, créé au théâtre Almeida à Londres. A son retour à Paris, il travaille sous la direction de Joël Jouanneau, Philippe Adrien, Robert Cantarella, Alain Françon.