Les agriculteurs d'Argentine, un des principaux pays exportateurs de produits agricoles, ont repris vendredi leur mouvement de grève, un peu plus de deux mois après un premier conflit qui avait duré 128 jours et coupé le pays en deux. Cette nouvelle révolte du monde rural argentin, qui se traduira par une grève de la commercialisation de la viande et des grains (céréales, soja), devrait en principe durer six jours, ont indiqué les représentants des principales organisations agricoles argentines. "Le gouvernement ignore à nouveau nos revendications. On ne peut pas méconnaître l'aggravation de la situation des producteurs en raison de la hausse des coûts, liée à la hausse du prix du pétrole et à la chute des prix internationaux (des produits agricoles) en raison de la crise mondiale", a expliqué cette semaine l'un d'entre eux, Hugo Biolcatti. L'Argentine fait également face, principalement dans le nord du pays, à une très sévère sécheresse, l'une des pires de son histoire, selon les organisations agricoles. Le "campo", la campagne argentine, est très critique envers la politique agricole du gouvernement, qu'il accuse d'hostilité à son égard et d'ingérences au détriment de sa rentabilité. Le gouvernement accuse de son côté les agriculteurs de "politiser" leur mouvement. Des milliers d'agriculteurs, soutenus par les campagnes et de nombreux citadins, s'étaient déjà opposés au gouvernement pendant plus de quatre mois, faisant grève ou bloquant les routes, après une hausse des taxes à l'exportation de grains, principalement celles portant sur le soja, principale richesse agricole du pays. La présidente argentine Cristina Kirchner avait cru gagner la partie en présentant son projet de taxes devant le Congrès, où elle disposait d'une confortable majorité. Mais c'était sans compter avec les parlementaires élus du "campo" et le vote décisif du vice-président argentin Julio Cobos, également président du Sénat. Ce vote négatif à une voix de majorité avait mis fin juillet un terme, provisoire, à l'un des conflits les plus durs entre campagne et gouvernement central dans l'histoire de l'Argentine. Depuis, la crise internationale a changé la donne pour des producteurs qui profitaient jusque là d'une hausse spectaculaire des prix des matières premières agricoles. La tonne de soja, négociée il y a encore six mois à quelque 600 dollars, est passée sous la barre des 400 dollars, quand les coûts de production ont fortement augmenté, selon les organisations agricoles. En raison notamment de la sécheresse, la production devrait baisser lors de la campagne 2008-2009 à 97 millions de tonnes de grain, quand elle atteignait les 100 millions lors de la campagne précédente. La surface cultivée de blé a diminué cette année de quelque 20%, ce qui devrait créer des tensions sur les prix et inciter une nouvelle fois le gouvernement à bloquer les exportations pour augmenter l'offre locale, comme il l'a fait à plusieurs reprises dans le passé au grand dam des agriculteurs qui vendent sur le marché local à un prix inférieur au marché international. Le gouvernement se dit ouvert au dialogue mais dénonce sa politisation par les responsables agricoles. "Il semble qu'il y ait des conditions politiques nous empêchant de continuer le dialogue", a ainsi déclaré cette semaine le secrétaire argentin à l'Agriculture, Carlos Cheppi. L'Argentine est le premier exportateur mondial de farine et d'huile de soja, le quatrième de blé et le second de maïs. Les exportations agricoles et agro-alimentaires, qui atteignent 35 milliards de dollars, représentent plus de la moitié des exportations totales du pays.