A peine quinze jours après la sortie en France de deux romans respectivement de Nina Bouraoui et Yasmina Khadra, “ Appelez moi par mon prénom” et “ Ce que le jour doit à la nuit ” le premier chez Stock et le deuxième Julliard, les éditions Sédia se sont mises en frais ! Dans sa collection Mosaïque, spécialisé dans l'édition des ouvrages des algériens vivants à l'étranger, Sédia vient de publier ces deux romans annoncés comme très attendus dans le palmarès de la rentrée littéraire française. Yasmina Khadra qui nous a habitués aux ouvrages bien ramassés a fait cette fois ci un roman-fleuve. C'est qu'il avait à dire des choses. Des choses concernant le passé colonial de l'Algérie mais aussi la période de la décennie noir qu'il avait largement abordée dans ses précédents romans. “ Ce que le jour doit à la nuit ” est un récit d'aventure constellé d'amour et de dépit. C'est une réflexion sur l'âme humaine, ses limites, ses envies. Dans un roman courtois d'une grande modernité, l'écrivain dépeint avec minutie le surgissement de l'amour. Et livre une réflexion sur la création et la vie. L'amour sied bien à Nina Bouraoui. Pour preuve son onzième roman, Appelez-moi par mon prénom, l'un de ses plus beaux romans depuis Mes mauvaises pensées (prix Renaudot, Stock, 2005), qu'elle a composé dans les pleins et les déliés d'une écriture classique, ténue, fluide, précise, teintée d'une douce nostalgie : celle du moment fugace et intense qui marque le début d'une passion. Pour autant, si la sensualité était à l'œuvre, l'amour, lui, n'a jamais été le terrain de prédilection de la romancière. “ Younès, enfant d'une famille brisée par les épreuves, se retrouve du jour au lendemain à Oran. Il regarde son père se détruire, sa mère tenter bravement de résister et finalement il finit par trouver auprès de son oncle la famille aimante qui va l'aider à se construire. L'enfant timide découvre à l'occasion de ses premiers mois passés à Oran, combien la chute du père est tragique pour un enfant. Vaille que vaille, entouré par l'affection discrète et constante de son oncle et de son épouse “ française ”, il progresse dans la vie, regarde passer la guerre et est témoin des premiers soubresauts de cette guerre en gestation. Son oncle pris entre deux feux, doit s'exiler dans un petit village où il tente de reprendre son travail de pharmacien. Mais les accusations portées contre lui ont eu raison de sa résistance, et comme son frère, il se trouve confronté brutalement au drame de la perte de confiance en soi. Le jeune Younès devenu Jonas, poursuit sa paisible existence.” Difficile de faire des choix quand on a pas beaucoup dans ce monde qui grouille d'insolence. De son côté Nina Bouraoui a un peu lâché son style hermétique de poète pourtant très lue pour une histoire plus ouverte et plus conventionnelle.Elle est allée explorer les territoires d'amour entre femme et homme par le prétexte moderne qui est Net. En plein dans la vie du 21ème siècle où l'auteur se livre à des réflexions sur la faculté d'aimer l'autre à travers un texte, une idée, une impression….. Voici un extrait de cet ouvrage qui, autant que celui de Yasmia Khadra, est déjà en librairie : “Mon cœur prenait toute la place, modulant ses pulsations au fur et à mesure du temps qui passait. Il arrivait par la rue d'Assas, après avoir longé les grilles derrières lesquelles je me tenais. Je comprenais qu'il m'avait observée - me servant de mon téléphone, recoiffant mes cheveux, ajustant mes lunettes, fouillant mon sac à main sans raison. Il avait capturé mes gestes que je nommais les gestes d'occupation. Je n'en éprouvais aucune honte. Je quittais ma chaise, allais à sa rencontre. Il marchait lentement, comme un loup. Je glissais sur la rampe qui avait acheminé nos messages. J'avais l'idée d'avancer vers mon avenir. Je cherchais ses yeux comme il cherchait les miens, encore cachés. Le bruit de la ville faisait place au silence de nos peaux qui allaient se reconnaître par instinct. Les arbres semblaient retenir le soleil, le sol, se tacheter de petites ombres mobiles. Au loin, les cris des enfants qui jouaient, comme les cris des oiseaux au-dessus de la mer, glissant dans le sens du vent vers une contrée lointaine. Je prenais conscience de mon corps et du sien, matérialisant les songes de mon hiver. Je ne pensais ni à Lausanne ni à notre soir à la librairie. Nos mots avaient inventé une autre histoire. J'aimais l'idée de ne plus pouvoir lui échapper, de m'en remettre à ses choix - m'accepter ou me refuser. Je voulais lui plaire. Il avait écrit un matin - Embrassez-moi dés le premier jour-, je n'osais m'exécuter brûlée par sa beauté que je découvrais une seconde fois. Il me serrait contre lui, évitant un baiser maladroit. Nous étions peau contre peau, sans langage, terrifiés et heureux par la découverte de ce que nous étions vraiment ”. Par ailleurs dans sa collection essai, Sedia propose trois nouveautés, “ Le monde en 2025” de Nicole Gnesotto et Giovanni Grevi, “Une brève histoire de l'avenir ” de Jacques Attali, au prix alléchant de 800DA.