L'impact de la crise financière internationale se répand comme une traînée de poudre avec pertes et fracas. Dans ce contexte de crise généralisée, les Bourses du Golfe ont été mises à mal. La place de Koweït a été particulièrement frappée la semaine dernière. Et cela ne concerne pas uniquement les institutions financières. Les entreprises de télécommunications sont particulièrement touchées. Lundi 27 octobre, le marché a plongé des 377.2 points entraîné par Zain et Wataniya Telecom, tirant l'index KSE à un plus bas depuis 3 ans. Un état de fait qui confirme les prévisions de la banque d'affaires américaine Morgan Stanley laquelle a publié un rapport le 8 octobre dernier annonçant des perspectives moroses pour l'opérateur. En effet, Morgan Stanley prévoit une perte consistante de la valeur de l'action Qatar Telecom, groupe dont dépend directement Wataniya Telecom. La banque d'affaires américaine abaisse ses prévisions de 251 riyals à 204 riyals, soit une perte de près d'un sixième de la valeur. Il faut dire que la situation actuelle ne risque pas de plaider pour un redressement. Wataniya est cotée sur une place fortement spéculative. N'oublions pas non plus que le passif de l'opérateur ne le favorise pas. Un passif spéculatif Il n'y a pas si longtemps, l'opérateur appartenait à une institution spéculative, le fonds d'investissements koweitien Kipco a vite fait de revendre l'opérateur à Qtel pour la bagatelle de 3,72 milliards de dollars, réalisant ainsi une plus-value exceptionnelle. D'ailleurs, le groupe koweitien ne s'est jamais défendu du fait que ses opérations consistent en des opérations financières, pour l'acquisition d'actions dans des entreprises qu'il revend ensuite.Il faut dire que pendant longtemps l'opérateur ne brillait pas ses résultats, notamment en Algérie. En Algérie, justement, Nedjma a mis 4 ans pour engranger un semblant de bénéfice. Cela ne s'est pas fait sans peine, on doute même de l'orthodoxie des moyens utilisés pour y arriver. Deux managers canadiens n'y sont d'ailleurs pas arrivés. Avec le nouveau DG, Joseph Ged, c'est une toute autre vision. Il qualifie sa démarche d' " agressive ". Il faudrait interpréter ses dires par le fait que pour lui la fin justifie tous les moyens, quels qu'ils soient. D'ailleurs, il ne s'en cache pas, il en est fier même. Dans un entretien accordé il y a quelques semaines à notre confrère Liberté, M. Ged a avoué utiliser toutes sortes de moyens de pression. Cela va des médias au lobbying pur et simple. Ne perdons pas de vue les pratiques pas très orthodoxes de l'opérateur. Un seul exemple suffit. Nedjma a recruté en tant que président du conseil d'administration, M. Ahmed Gaceb, quelques semaines à peine après qu'il ait quitté son poste de DG de l'ARPT. N'est-ce pas à la limite du délit d'initié ? N'est-ce pas une décision qui va l'encontre de toute éthique ? N'est-ce pas une pratique anticoncurrentielle ? Et même si le DG de Nedjma se défend de faire du lobbying, il a prouvé le contraire en déclarant que "les changements stratégiques qu'on a adoptés c'est pour être plus proche du marché et des leaders d'opinion, des autorités gouvernementales, institutionnelles". N'est-ce pas de cette façon que l'on définit le lobbying dans les écoles de management ? Faire pression comme leitmotiv L'objectif de ces opérations ? Assurer les intérêts de Nedjma, même si cela doit se faire au dépend du consommateur. C'est ainsi qu'au cours du même entretien, Ged avouera nourrir l'ambition de faire pression sur l'Autorité de régulation des postes et télécommunications pour la conduire à mettre en place un tarif plancher en dessous duquel aucun opérateur n'aura le droit de baisser ses prix. "Aujourd'hui, ce cadre et cet équilibre tarifaire ne sont pas encadrés par le régulateur. Une fois fait, chacun va se limiter à un tarif minimum qu'on appelle tarif plancher. On ne peut pas baisser ce tarif au-delà de ce seuil qui doit être déterminé par l'ARPT", a confié le DG de Nedjma à Liberté. A interpréter les dires de M. Ged, on comprend aisément que celui-ci fait passer les équilibres financiers de son entreprise avant le bien-être des consommateurs. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, au moment où Ged demande un seuil plancher pour les tarifs de la téléphonie mobile, celui-ci demande aux pouvoirs publics de céder la licence de téléphonie de 3e génération (3G) gratuitement. "On demande que les licences soient données gratuitement aux trois opérateurs pour la simple raison qu'à ce moment-là les tarifs de ces nouveaux services vont être au plus bas et donc ça va être le grand succès de la 3G en Algérie", indiquera-t-il. Selon lui, cela va pousser les tarifs vers le bas et favoriser le développement du secteur. On a donc une seule question à poser à ce monsieur : si le développement du secteur passe forcément par une baisse des tarifs,pourquoi alors s'opposer à la tendance baissière des prix induite par le développement exponentiel dans la téléphonie 2G ? Et au-delà de tout cela, on ne peut pas céder gratuitement une licence d'exploitation et sans contrepartie. Cela ne s'est jamais vu. De la maîtrise du marché Le plus amusant est qu'à plusieurs reprises le DG de Nedjma a tenté de faire passer son entreprise pour la victime d'une machination imaginaire fomentée par je ne sais quelles parties obscures, accusant ses concurrents de tricherie et de concurrence déloyale. Cela a été exprimé à plusieurs reprises et les moyens utilisés sont loin d'être nobles. Manipulation, mépris envers la presse, attaques en bonne et due forme envers l'opérateur historique. Tout est exploité à cet escient. Et si on se penchait sur le fait que l'opérateur n'arrive pas à maîtriser son marché ? Il n'y a qu'à se remémorer les déclarations de Fodhil Kerkache, directeur des ventes au niveau de Nedjma, qui a indiqué au cours d'une conférence de presse, organisée le 16 octobre dernier, que la nouvelle approche de l'opérateur par rapport à la place que devrait prendre les distributeurs directs devrait apporter"une stabilité et une maîtrise du marché ainsi qu'un meilleur contrôle du processus d'activation des puces à moyen terme et de façon globale".Une déclaration qu'on trouve pour le moins intrigante et inquiétante. Si après 4 ans d'existence Nedjma n'arrive toujours pas à maîtriser ses circuits de distribution, on serait en droit d'émettre des doutes sur les engagements pris par l'opérateur, notamment en ce qui concerne l'identification de ses puces. La question reste posée.