Pendant longtemps, le Royaume-Uni a regardé avec condescendance ses voisins continentaux incapables de maîtriser leurs finances publiques. Les gouvernements travaillistes de Tony Blair puis de Gordon Brown n'étaient pas en reste. La crise a radicalement changé la donne. En présentant son plan de relance, lundi 24 novembre, Alistair Darling, le chancelier de M. Brown, a prévenu qu'il serait "pervers et dommageable" d'appliquer les règles traditionnelles en matière budgétaire à la période actuelle. De fait, les 20 milliards de livres (23,5 milliards d'euros, soit 1 % du produit intérieur brut) que l'Etat va injecter d'ici à 2011 dans une économie dépressive la richesse nationale devrait croître de 0,75 % en 2008 et reculer de 0,75 % à 1,25 % en 2009 vont littéralement faire exploser les déficits et la dette britanniques. Sur l'année fiscale, du 1er avril 2008 au 31 mars 2009, le Trésor devra emprunter 78 milliards de livres (91,6 milliards d'euros) pour faire face à ses engagements. En 2009-2010, cette somme montera à 118 milliards, soit 8 % du PIB. Ces milliards ne serviront pas à financer, comme le voulait l'une des règles d'or du New Labour, les seuls investissements. Ils iront boucher les trous laissés par des baisses d'impôts non financées. Il faudra attendre 2015-2016, a prévenu M. Darling, pour renouer avec la discipline d'avant la crise. Entre-temps, la dette publique du Royaume-Uni sera montée jusqu'à 57 % du PIB en 2012, contre 41 % cette année. Et encore ce chiffre ne tient-il pas compte des 37 milliards de livres dépensées par le gouvernement pour sauver de la faillite et nationaliser partiellement Lloyds TSB, Royal Bank of Scotland et Halifax Bank of Scotland. "A période exceptionnelle, mesures exceptionnelles", n'a cessé de marteler M. Brown ces dernières semaines. L'ancien chancelier de Tony Blair, si attaché à l'orthodoxie financière, a choisi de dépenser pour stimuler l'économie. Le taux de TVA sera abaissé de 17,5 % à 15 % entre le 1er décembre et le 1er janvier 2010 pour un coût de 12,5 milliards. Les allocations familiales seront augmentées avant l'heure, les plus pauvres seront encouragés à épargner, des logements sociaux seront construits ou rénovés, les PME se verront accorder des facilités de paiement... David Cameron, le chef de l'opposition conservatrice, parle de "bombe à retardement" fiscale, puisqu'il faudra rembourser. M. Darling assume. Une fois la crise passée, une fois les élections, prévues d'ici à la mi-2010, remportées, il sera temps de rembourser. On comprend que M. Cameron, pour l'heure donné gagnant dans les sondages, apprécie modérément.