On croyait avoir tout vu avec les subprimes qui ont mis à nu une série de pratiques abracadabrantes, poussant ainsi tout un système financier à s'écrouler comme un château de cartes. On n'en est pas au bout de nos surprises. Les subprimes ont au moins le mérite d'avoir révélé au grand jour une série d'escroqueries, face auxquelles les places financières auront du mal à résister. Il est vrai que l'affaire Kerviel, laquelle a causé une perte sèche de 5 milliards d'euros à la Société Générale, a démontré que le socle sur lequel est assis le système financier mondial est non seulement fragile mais gangrené par l'appât du gain facile, qui pousse nombre de traders à faire fi de l'éthique afin d'amasser des sommes colossales. A Wall Street, c'est Bernard Madoff qui fait trembler la place. Cette fois-ci, l'étendue de la fraude n'est pas minime, bien au contraire, c'est à l'échelle du pays continent que sont les Etats-Unis. Même s'il a eu recours à des pratiques de petit escroc, Madoff a réussi à détourner 50 milliards de dollars, soit l'équivalent de 10 Kerviel. Comme quoi plus c'est gros, mieux ça passe. Mais le plus frappant dans cette affaire, ce n'est pas tant le montant des sommes détournées, mais plutôt l'envergure des victimes de Madoff. Explications : en ayant recours à ses relations en tant qu'ex-président de Nasdaq et mettant en avant son image de grand manitou à Wall street, Bernard Madoff a réussi à pigeonner des fonds d'investissement et de grandes banques internationales à l'image de Satander et de BNP Paribas. Pour cela, il a eu recours à la pyramide de Ponzi, du nom d'un italo-américain qui a entourloupé des milliers de crédules grâce à un principe simple, payer les intérêts mirobolants des placements des clients existants grâce au capital apporté par les nouveaux. La Pyramide Madoff a vécu une vingtaine d'années. Mais la crise a porté un coup au pied de la pyramide. Avec les subprimes, tous les actionnaires voulaient retirer leurs placements. Madoff ne pouvant plus les rembourser a été contraint d'avouer ses méfaits. Après les aveux, la semaine dernière, de l'homme d'affaires de 70 ans, pas un jour ne se passe sans que de nouveaux établissements financiers ne dévoilent les pertes potentielles auxquelles ils sont exposés. On y découvre pêle-mêle les noms de Fred Wilpon, le manager de l'équipe de baseball new-yorkaise des Mets et patron du fonds Sterling Equities... Lawrence Velvel, 69 ans, recteur de l'Ecole de droit du Massachusetts... Nomura Holdings (à Tokyo)... Neue Privat Bank (à Zurich)... BNP Paribas, officiellement exposée via des hedge funds à hauteur de 350 millions d'euros... l'Union bancaire privée, le numéro 1 mondial des hedge funds, exposée à hauteur d'un milliard de dollars... Optimal, un gros fonds du numéro 2 espagnol Santander : la banque espagnole aurait placé trois milliards de dollars de produits financiers Madoff.Mardi, la banque japonaise Aozora a fait état d'une possible perte 101 millions d'euros. Lundi soir, la néerlandaise Fortis admettait un risque potentiel d'un milliard d'euros, s'ajouant à une longue liste. HSBC, troisième banque mondiale, a une exposition d'un milliard de dollars, Royal Bank of Scotland (RBS), de 600 millions de dollars et le fonds d'investissement Man Group, de 360 millions de dollars. En Suisse, plusieurs petites banques privées sont touchées. Aucun grand établissement bancaire américain n'a fait état de pertes à ce jour. En revanche plusieurs célébrités ont été citées par la presse au nombre des victimes. Des fondations, comme celle du prix Nobel Elie Wiesel ou du cinéaste Steven Spielberg, figurent parmi les perdants de cette escroquerie, mais les montants n'ont pas été divulgués. Carl et Ruth Shapiro, généreux donateurs du Museum of Fine arts de Boston, ont perdu 40% de leur fortune. Les noms de plusieurs fonds spéculatifs ont été avancés. Les autorités américaines ont mis en liquidation la société de Madoff. Mais il y a peu d'espoir sur le montant des sommes qui vont être recouvrées. D'ores et déjà la SEC, gendarme américain des marchés, est désormais montrée du doigt. Le patron du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn a mis en cause les autorités de régulations américaines : "la surprise n'est pas qu'il y ait des voleurs" mais "la question est : que fait la police ?", a-t-il estimé lors d'une conférence de presse lundi à Madrid.