Quand le bâtiment va, tout va", prétend-on. Mais quand plus rien ne va, le bâtiment ne va pas bien du tout. Après une année 2008 encore excellente, le secteur s'attend à des jours très difficiles en 2009. Pour la Fédération française du bâtiment (FFB), la baisse d'activité pourrait atteindre 6 % et entraîner la suppression de 25 000 à 30 000 emplois, sur les 1,2 million de salariés que compte ce secteur. "Le plan de relance, qui touche essentiellement le logement neuf, ne pourra pas produire d'effet dès cette année", estime Didier Ridoret, le président de la FFB. Artisans et entrepreneurs sont les premiers touchés par la chute, de près de 15 %, des mises en chantier de maisons : 180 000 d'entre elles ont été construites en 2008, contre 250 000 en 2007, et la profession constate un véritable effondrement au cours des derniers mois de 2008. Une dégradation aussi brutale laisse désemparés les chefs d'entreprise qui, depuis dix ans, s'étaient habitués à une croissance annuelle régulière de 3 % de leur activité. Selon la FFB, 10 849 entreprises ont, au cours des dix premiers mois de 2008, fait faillite, soit 24 % de plus qu'à la même période de 2007, et l'année 2009 devrait battre un triste record dans ce domaine. Dans le département du Rhône, un sondage mené par la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment (Capeb) auprès de 400 sociétés montre que les carnets de commandes se sont vidés, passant de 3,5 à 1,5 mois d'activité. Des salariés du bâtiment ont, à l'initiative de la CFDT, manifesté devant le siège lyonnais de la Capeb, dénonçant les annulations de chantiers. Tout un tissu industriel est ainsi mis à mal, tous les métiers sont touchés, et les salariés paient un lourd tribut à cette crise. A commencer par la fabrication et la location d'engins de chantiers, avec les 600 postes menacés chez Caterpillar, dans l'Isère, ou encore la réduction d'effectifs de 14 % et celle des heures travaillées de 25 %, chez le constructeur d'appareils de manutention Manitou, qui anticipe un fort recul de son activité en 2009. Le secteur des matériaux s'en ressent également, comme chez Stradal (éléments en béton préfabriqués), qui a annoncé, en novembre 2008, la fermeture de deux de ses 45 sites de production, dans l'Oise et en Ardèche, où étaient employés 25 salariés. Compobaie, qui fabrique des fenêtres a été placé en redressement judiciaire, vendredi 16 janvier, et son repreneur envisage de ne conserver que 165 emplois sur 300 et de fermer trois des six unités de production. Les entreprises qui ont fait l'objet d'un rachat récent par endettement (LBO) renégocient leurs échéances de crédit et réduisent fortement la production, comme c'est le cas de Bonna Sabla (tuyaux en béton), rachetée par le fonds d'investissement LBO France, qui annonce des restructurations faisant craindre entre 200 et 300 licenciements censés "rationaliser l'outil industriel". Lafarge Couverture, qui s'appelle désormais Monier, rachetée, en 2007, par le fonds PAI Partners, ferme son usine de fabrication de tuiles en béton de Seyssuel (Isère), y supprimant 50 emplois, ainsi qu'une ligne de production de tuiles en terre cuite à Roumazières (Charente). Sur le même site, Terreal, son concurrent, réduit lui aussi la voilure. Il s'est séparé de 60 intérimaires et ne renouvellera pas leurs CDD."Nous sommes contraints de ralentir la production mais nous mettons tout en oeuvre pour éviter des licenciements et accélérons notre action de formation", explique Hervé Gastinel, le PDG de Terreal, qui rappelle les efforts d'investissement et l'ouverture de deux nouvelles usines au cours des trois dernières années. Imerys (tuiles et briques) a fermé son usine de Bessens, près de Toulouse, qui employait 40 personnes auxquelles des reclassements ont été proposés. "Il s'agit d'une seule de nos 21 usines, et celle-ci était déjà un peu obsolète. La crise est un accélérateur du changement", argumente Pierre Jonnard, son PDG. "Nous demandons que les employeurs profitent du ralentissement de l'activité pour organiser des formations aux techniques des bâtiments économes, prônées par le Grenelle de l'environnement, mais cela est encore trop rare", explique pour sa part Eric Aubin, secrétaire général de la branche construction de la CGT, qui réclame également la réouverture des négociations, avortées, sur la pénibilité du travail et la retraite anticipée. Tous les espoirs se reportent désormais vers le marché de la rénovation, qui représente 50 % du chiffre d'affaires de la filière bâtiment et devrait bénéficier des mesures prises lors du Grenelle de l'environnement, comme l'écoprêt à taux zéro, pour financer des travaux dans les logements. Mais cela ne suffit pas à redonner le moral à une profession qui s'était habituée à la prospérité et qui redoute aujourd'hui d'être l'une des plus durement touchées par la crise économique.