Dans le sillage des bouleversements que traversent actuellement la scène internationale, et à un degré singulier, la région du Moyen-Orient, le débat devient de plus en plus crucial sur les défis qui guettent l'avenir de l'Union pour la Méditerranée. Après les responsables politiques des pays de la région, ce sont les chercheurs et autres spécialistes des questions géostratégiques qui mettent en avant, désormais, les appréhensions certaines quant aux minces chances de cette fameuse initiative d'UPM (Union pour la Méditerranée). C'est le cas de Jean Robert Henry, directeur de recherche au CNRS, de l'institut de recherche et d'études sur le monde arabe et musulman, dont la vision n'est pas moins pessimiste sur le projet cher au président français, Nicolas Sarkozy. A l'origine du manque d'euphorie dont fait preuve le chercheur en question, tel qu'il l'a fait savoir avant-hier sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, c'est, de prime abord, l'échec du processus de Barcelone. Le projet d'Union pour la Méditerranée n'étant que le prolongement du processus de 1995, il est clair que l'échec en question ne fera que recommencer à l'ombre du projet d'UPM. C'est l'idée mère, en tout cas, qui se dégage de l'argumentaire présenté par Jean Robert Henry. En effet, estime-t-il, le processus de Barcelone, lorsqu'il a été lancé, "s'est limité aux perspectives des relations entre les pays de la rive nord et leurs partenaires de la rive sud, exclusivement sur les plans économique et commercial". En revanche, l'aspect humain du rapprochement entre les deux rives a été omis, en dépit du besoin criard dont le sud fait preuve. "Les pays de l'Union européenne ont omis de définir, dès le départ, le cadre de cette coopération qu'ils proposent à leur partenaires, notamment dans les dimensions humaine, culturelle et même sociale". C'est cela qui fait, en conséquence, que les initiatives et les projets lancés dans le cadre de ce partenariat n'arrivent pas à atteindre les objectifs escomptés. C'est le cas, par exemple, de l'émigration clandestine qui ne fait que s'accentuer, tout en remettant en cause dans son sillage la stabilité des flux migratoires dans la région. Interrogé sur les motifs qui empêchent les pays de la rive sud, appartenant, de surcroît, dans leur quasi-totalité au monde arabo-musulman, à l'exception de la Turquie et d'Israël, de mettre en avant leurs attentes de la future Union pour la Méditerranée, Jean Robert Henry estime que cela ne pourra pas survenir à partir du moment où les pays de la rive sud n'ont pas un cadre organisé à travers lequel ils peuvent faire parvenir leurs attentes. Sans, toutefois, omettre de faire allusion à la Ligue arabe, dont il estime qu'elle n'est pas en mesure de jouer le rôle de force de proposition dans le débat régional. Cette thèse est, dans tous les cas de figure, d'une pertinence qui n'est pas à démentir, lorsque l'on sait que durant les conjonctures cruciales, la Ligue arabe ne sert vraiment qu'à l'étalage des divergences qui émaillent les relations entre les pays membres. C'est ce qui s'est confirmé, d'ailleurs, récemment lorsque les 22 pays membres de la Ligue arabe ont été appelés à adopter une position ferme et unifiée pour faire front à l'arrogance de l'Etat hébreu. Mais le monde arabe, à ce moment là, n'a pas fait mieux que de se présenter en rangs dispersés comme d'habitude. M. Amani