Les marchés pétroliers mondiaux traversent-ils actuellement une crise ? A ce sujet, M. Javier Arrùe, membre de la commission de l'énergie et des mines au Parlement vénézuélien, pense qu'il serait erroné de parler de crise énergétique, car le monde connaît aujourd'hui une transition énergétique. Dans un petit entretien qu'il nous a accordé, M. Arrùe évoquera les variations subites des prix du pétrole, estimant qu'avant d'expliquer celles-ci, il serait plus juste de savoir qui fixe ces prix avant toute chose. Il met en avant, dans ce sens, le rôle prépondérant des majors pétrolières dans la fixation des prix sur le marché international. M. Arrùe ira plus loin et mettra le doigt sur la corrélation entre la crise financière, les fluctuations du dollar, la spéculation et la crise énergétique. Dans ce sens, le parlementaire vénézuelien rappellera que dans un passé récent, la valeur du dollar était corrélée à une valeur en or, de façon à contrôler les flux de capitaux sur les marchés internationaux. C'est ainsi que jusqu'aux années 1970 les flux de capitaux transnationaux devaient être corrélés à de l'or ou à des actifs réels. Mais au moment où les Etats-Unis ont fait de leur monnaie une monnaie de singe, n'étant pas limitée par une valeur en or, les dollars coulaient à flot, ce qui a contribué à mettre en place la première pierre de l'édifice de l'économie irréelle. Bien entendu, les choses se sont compliquées avec le développement des NTIC, et les échanges virtuels ont commencé à prendre de l'ampleur, à tel point qu'aujourd'hui 8 000 milliards de dollars américains sont échangés chaque jour de façon virtuelle. Tous ces éléments poussent M. Arrùe à dire que les raisons actuelles de la crise sont intrinsèquement liées au système financier actuel. Et d'ajouter que limiter les raisons de la crise aux seuls crédits hypothécaires dénommés actuellement actifs toxiques serait erroné. Car si cela avait été le cas ce serait très facile de remédier à la crise. Pour lui, le problème est plus profond. Car les grands patrons d'organismes financiers ainsi que les traders à différents niveaux ont commencé à vendre et à s'échanger ces actifs toxiques, aux Etats-Unis et en Europe, et ce, avec de gros profits à la clé. Ces derniers ont donc érigé tout un système basé sur le mensonge, sur des actions et des actifs inexistants. Résultat : le crédit hypothécaire a fini par avoir une valeur 20 fois plus importante que l'actif réel. Cette situation aurait pu continuer à perdurer encore longtemps si ce n'est la hausse des prix du pétrole. M. Arrùe rappelle, dans ce sens, que la crise a éclaté en juin-juillet 2008, même s'il y avait des signes avant-coureurs. Il ajoute que la crise a éclaté aux Etats-Unis, là où était générée cette économie irréelle. Il indiquera qu'à ce moment là les Américains ne payaient pas les crédits en eux-mêmes, mais ils ne payaient que les intérêts qui étaient très élevés. Les Américains devaient payer les intérêts, en plus des dépenses liées à l'alimentation, à la santé et au transport. Avec la hausse des prix du pétrole, les prix de l'essence se sont envolés. Ils devaient donc faire des choix entre les diverses dépenses. Le premier segment du budget familial à en pâtir était la santé. Avec la poursuite de la flambée des prix de l'essence, il fallait choisir entre payer les intérêts des crédits hypothécaires, se nourrir ou se déplacer. C'est là, indique M. Arrùe, que les gens ont commencé à ne plus payer les intérêts des crédits contractés. Le parlementaire vénézuelien a également indiqué qu'après avoir longuement analysé le phénomène, il est arrivé à la conclusion que l'humanité est en passe de vivre une nouvelle transition énergétique, de laquelle l'humanité sortirait forcément perdante. Dans ce sens, il a expliqué que l'homme a vécu une première transition avec le feu, la seconde transition énergétique s'est effectuée grâce au charbon, lequel a contribué à l'émergence de l'ère industrielle, ce qui a été bénéfique pour l'humanité. La troisième transition s'est faite grâce au pétrole qui était beaucoup plus efficient que le charbon. Cela a donné lieu à un développement extraordinaire. Cela a été, bien entendu, bénéfique pour l'humanité. Néanmoins, M. Arrùe appose un bémol et indique qu'à partir de 1962, on a commencé à se rendre compte que les réserves de pétrole ne sont pas éternelles, car à cette date là et pour la première fois on avait extrait moins de pétrole qu'on en avait consommé l'année antérieure. Ensuite, et en 1984, on s'était rendu compte que les réserves diminuaient et que celles-ci ne suffiraient pas à couvrir la consommation de l'humanité. M. Arrùe se fera plus précis en affirmant que 2004 a été en quelque sorte l'année d'un pic pétrolier et ce, à cause de l'essence. Il n'y avait pas assez d'essence sur le marché car les majors pétrolières n'avaient pas construit de raffineries depuis une vingtaine d'années. La cause en est, selon M. Arrùe, que les multinationales du pétrole dépendent pour leur cotation des réserves de pétrole qu'elles contrôlent et non des raffineries qu'elles construisent, ou des oléoducs et des bateaux de transport qu'elles contrôlent. Et en 2005, l'humanité s'est aperçue qu'elle avait consommé la moitié du pétrole qu'elle avait, et qu'elle avait consommé le pétrole le plus facile à extraire, lequel est de meilleure qualité, à savoir les pétroles légers et semi légers. Le pétrole restant est donc plus difficile à extraire, car se trouvant en profondeur et en offshore. C'est aussi un pétrole lourd. Ainsi, selon M. Arrùe, les prix du pétrole ne resteront pas longtemps à un bas niveau. Car il y va, selon lui, de l'avenir des majors pétrolières occidentales et du contrôle qu'elles exercent sur les réserves de pétrole. Néanmoins, le parlementaire vénézuelien exprimera de vives inquiétudes à propos de l'alternative au pétrole. Car tout ce qui est mis en avant pour le moment n'est pas à la hauteur du pétrole, lequel est peu coûteux, opérationnel, efficient et pratique. Il estime que le gaz souffre du problème des coûts (infrastructure, gazoduc, terminaux de liquéfaction et de regazéification et GNLiers), de stockage et de sécurité. Si on s'attarde sur le domaine de l'électricité avec l'éolien et le solaire, on se rend compte que même s'ils représentent des alternatives intéressantes, cela reste en deçà des attentes que ce soit en terme de capacité ou en terme de stockage. Tout cela pousse M. Arrùe à affirmer que cette nouvelle transition énergétique sera négative pour l'humanité, d'autant plus que ce sont les plus faibles qui vont en payer le prix. Pour lui, les solutions mises en avant par le G20 et le forum de Davos sont erronées, car il ne faut pas s'attarder sur la façon dont on pourra sauver un modèle qui a montré ses limites, mais il faut rechercher un autre modèle, moins enclin à pousser la consommation vers les plus hauts, et dont le seul objectif est le gain au détriment de l'humanité. Il affirme aussi que si l'on s'obstine dans cette logique ultralibérale, on risque de faire face à une guerre globale, dont l'unique enjeu est le contrôle des réserves de pétrole où qu'elles soient. C'est ce qui explique, selon lui, l'invasion américaine de l'Irak, de l'Afghanistan et l'acharnement à l'encontre de pays comme l'Iran et le Venezuela. Tout autant de raisons qui devraient, selon M. Arrùe, pousser les pays disposant de réserves de pétrole à s'allier pour y faire face. Samira G.