L'économie mondiale, que le Fonds monétaire international (FMI) voit dégager une croissance pratiquement nulle cette année, et ce pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, ne pourra se redresser sans stabilisation du système financier, a tranché samedi John Lipsky, premier directeur général adjoint du FMI. Aussi la création des "bad banks" ou "structures de défaisance" pourrait être, selon les initiateurs, l'unique solution à la crise financière actuelle mais au risque peut-être d'un repli sur soi et d'une dé-mondialisation de la finance. Au terme d'une centaine d'heures de débats, discussions et autres dîners organisés cette année au Forum économique mondial de Davos, bon nombre d'experts, hommes politiques, banquiers ou économistes admettent que les initiatives non coordonnées déployées par les Etats pour sauver leurs systèmes bancaires risquent de se résumer à une solution en terme de "bad bank" (mauvaise banque), ou encore de "good bank" (bonne banque). Mais cette stabilisation, dit-on de plus en plus souvent, ne se produira pas tant qu'on n'aura pas extirpé des bilans bancaires les créances immobilières pourries en les regroupant dans des "structures de défaisance" mises sur pied par les gouvernements.On attend d'une telle mesure que la banque ainsi assainie, devenue "good bank", lève de l'argent frais et reprenne son activité normale de crédit aux ménages et aux entreprises sans qu'il soit besoin de la nationaliser purement et simplement. Suivant l'exemple de la Suède à partir de sa crise bancaire des années 90, la Suisse a adopté ce schéma l'an passé pour tenter de stabiliser sa plus grande banque, UBS. On pense que l'administration du président américain Barack Obama s'orientera dans les prochaines semaines vers une variante de cette solution, pour autant qu'elle résolve l'épineuse question de la valorisation des actifs toxiques. Pour Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada, il n'y a pas de solution unique. Il expliquait samedi que ce qui était à l'étude actuellement, dans les différents pays, c'était notamment de déterminer "quel est le degré de concentration des mauvais actifs". "Il y aura différentes approches, ce qui ne veut pas dire que l'une sera bonne et l'autre mauvaise", déclarait-il. Le financier George Soros opterait lui pour une variation du concept de "bad bank" qui consisterait rien moins qu'à recréer une "good bank" à partir des seuls bon actifs d'une banque donnée et que l'Etat recapitaliserait ensuite, après avoir transféré à la "structure de défaisance" les actifs toxiques et le capital de la dite banque. La Grande-Bretagne a choisi une voie encore différente. Elle a injecté des fonds propres dans ses banques l'an passé et offert des garanties sur de nouveaux emprunts représentant des centaines de milliards de livres. Elle est encore allée plus loin le mois dernier et proposé aux banques la possibilité de se prémunir auprès de l'Etat de leurs actifs les plus risqués. Beaucoup d'économistes et d'experts jugent que ce modèle de garantie ne tient pas la route et que la menace persistante d'une nationalisation rendra très difficile pour les banques toute levée de capitaux privés. On n'assure pas un risque qui s'est déjà concrétisé. On ne prend pas une assurance incendie pour une maison qui a déjà brûlé", a dit à Reuters Alan Blinder, un professeur d'économie de Princeton. Blinder, qui fut vice-président de la Réserve fédérale américaine au milieu des années 90, explique qu'il y a plusieurs modèles de "bad bank" et qu'il est à peu près certain que le nouveau secrétaire au Trésor US Timothy Geithner privilégiera l'un d'eux. "Quelle est l'autre possibilité? Laisser couler les banques qui ne sont plus à flot?" dit-il. "Je ne sais pas avec précision quel modèle de bad bank les USA choisiront mais je sais qu'il n'y aura pas de Lehman2 ou Lehman3", poursuit-il, faisant référence au fait que Washington ait choisi de laisser la banque d'investissement Lehman Brothers faire faillite. Carney met également en avant l'aspect politique de la question. "Ils (les marchés) ne prennent pas assez en compte l'engagement très clair du G7 suivant lequel on ne laissera s'effondrer aucun établissement d'importance systémique. C'est la première ligne du communiqué du 8 octobre qui a été littéralement écrite par les ministres des Finances du G7 eux-mêmes". Mais la crainte d'une nationalisation chez les actionnaires des banques semble expliquer pourquoi les marchés doutent. "JPMorgan se porterait mieux si on arrêtait de parler une fois pour toutes de nationalisation", déclarait à la presse son directeur général Jamie Dimon . Nationalisation, entrée au capital, structure de défaisance, dispositifs de garantie, tous ces moyens coûteront cher au contribuable de toute façon. Quoi d'étonnant alors à ce que les électorats veuillent que les banques prêtent à nouveau localement en priorité. Adair Turner, président de la Financial Services Authority, l'autorité de tutelle du secteur financier britannique, a ainsi déclaré: "Les banques sont internationales dans la vie et nationales dans la mort". "Quand on est renfloué par le peuple américain, il est raisonnable d'exiger qu'une partie soit restituée sous la forme de prêts à la communauté afin de soutenir l'économie américaine", estime Carolyn Maloney, une parlementaire de New York. BH